- clocher
- clocher 1.(klo-ché ; l'r ne se lie jamais ; au pluriel l's se lie : des clochers élevés, dites : kloché-z élevés) s. m.1° Bâtiment élevé qui fait partie d'une église et dans lequel on suspend les cloches.• La Nuit baisse la vue et du haut du clocher Observe les guerriers, les regarde marcher, BOILEAU Lutr. III.• C'est ainsi que du sein des vastes métropoles On voit un riche amas d'édifices épars S'élancer en clochers, s'arrondir en coupoles, Ou s'étendre et s'enfuir en immenses remparts, MASSON Helv. II.Fig. Placer le clocher au milieu de la paroisse, mettre à la portée de chacun ce qui doit servir à tous.Fig. N'avoir vu que son clocher, que le clocher de son village, n'avoir point quitté son pays, être sans expérience du monde.Se battre avec les pierres du clocher, se dit d'un bénéficier qui jouit par provision d'un bénéfice qu'on lui conteste, et, en général, de tout homme qui se sert contre ses adversaires de l'objet en litige.• Voyons le court détail de cette affaire, dont la cabale [contre le duc de Bourgogne] se battit, comme on dit, avec les pierres du clocher, SAINT-SIMON 213, 125.Course au clocher, course à cheval, qui, comme si elle avait pour but un clocher vu de loin, va à travers champs et franchit haies et fossés.Des rivalités de clocher, des jalousies de village à village ou de petite ville à petite ville ; et de même : cela n'a pas d'intérêt général, c'est une question de clocher.2° Paroisse, église. Il y a tant de clochers en France.PROVERBESUn curé n'a besoin d'autre titre que de son clocher pour demander ses dîmes, c'est-à-dire la chose dont il s'agit est de droit commun et n'a besoin d'être appuyée d'aucun titre.Tirer du clocher, employer la dernière ressource qui reste.XIIe s.• Ainz que sainz Thomas fust ocis el saint mustier, Grant processiun vit aler lez le clochier, Th. le mart. 164.• Li bacon [jambons] ardent, si chieent [tombent] li lardié ; Et li sainz [la graisse] fait le grant feu esforcier, Fiert soi es tors et el maistre cloichier, Raoul de C. 60.XIIIe s.• Tant [ils] vont que de Paris ont maint clocher veü, Berte, CXXXVII..• [La tour] haute est amont comme clokier, Fl. et Bl. 1817.XVIe s.• Il est feste en sa paroisse, on carillonne en son clocher, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 8.————————clocher 2.(klo-ché) v. n.1° Boiter en marchant. Clocher du pied droit.• Qu'as-tu à clocher ? es-tu boiteux aussi bien qu'aveugle ?, D'ABLANCOURT Lucien, Timon ou le misanthrope.• .... C'est grand' honte Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils, LA FONT. Fabl. III, 1.Fig.• Jusques à quand clocherez-vous de deux côtés ? Nul ne peut servir deux maîtres, FÉN. XVIII, 66.2° Être défectueux, pécher contre quelque règle. Ce raisonnement cloche. Ce vers cloche, il n'a pas la mesure.• Et que ceux qui veulent gloser doivent bien regarder chez eux s'il n'y a rien qui cloche, MOL. Fourb. II, 1.PROVERBE Il ne faut pas clocher devant les boiteux, il ne faut faire devant les gens rien qui leur reproche quelque défaut naturel, et, en général, rien qui leur rappelle quelque souvenir pénible.XIIe s.• Li fil estrange mentirent à mei, li fil estrange sunt enviegi [en route], et clocerent de lur sentes, Liber psalm. p. 21.XIIIe s.• Car de poine [elle] clochoit, com cheval qu'on encloue, Berte, XXXIII.• Et Renart d'autre part rebroche Le bon destrier, qui pas ne cloche, Ren. 27180.• Atant es vos un pelerin Qui vint clochant tot le chemin, ib. 12946.• Il leva sus en solevant, Le pié tent avant dont il cloche, ib. 7303.• Bien voi de quel pié vous clochiés, la Rose, 9380.• Puisque justice cloce, et drois pent et encline, Et verités cancelle, et loiautés decline, RUTEB. 233.• La beasse qui cloche La cloiche dou cloichier Fist devant li venir, qui la veïst clochier, RUTEB. 182.• Il ot en sa compaigne dant Hungier l'allemant, Et Rogier de Rosoi, qui un poi va clochant, Ch. d'Ant. IV, 9.• Et Robers del Rosoi qui cloce del talon, ib. XI, 368.XVe s.• On ne pouvoit à present clocher devant les seigneurs et leurs consaulx ; car ils y veoient trop clair, FROISS. II, II, 100.• Et s'amans vont faisant les lours, Tantost congnoistray leur deffault ; Jà devant moy clochier ne fault, CH. D'ORL. Rond..XVIe s.• Le plus habile d'eux ne se pourra jamais absoudre qu'il ne cloche des deux costés ; or Dieu a declaré par son prophete qu'on ne lui fera jamais trouver une telle clochure bonne, CALVIN 225.• Il vaut mieux clocher en la voie que courir legerement hors de la voye, CALVIN Instit. 605.• Jusques à ce que vous vous soyez rendus tels devant qui vous n'osiez clocher, et jusqu'à ce que vous ayez honte et respect de vous mesmes, presentez-vous tousjours en l'imagination Caton, Phocion et Aristides...., MONT. I, 286.• Les mariages de ce païs-là [Italie] clochent en cecy : leur coustume donne communement la loy si rude aux femmes et si serve...., MONT. III, 367.Picard, cloker ; provenç. clopchar. Il y a deux étymologies proposées : 1° par Ménage, claudicare, boiter ; 2° par Diez, cloppicare, mot dérivé du bas-latin cloppus, boiteux (voy. clopin). La forme provençale clopchar paraît décider la question en faveur de la seconde étymologie.————————clocher 3.(klo-ché) v. a.Terme d'horticulture. Couvrir de cloches.• Avoir deux cents pieds de melons clochés, LA QUINTINYE Jardins, t. I, dans RICHELET.Cloche.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.