- chaland
- chaland, ande 1.(cha-lan, lan-d') s. m. et f.1° Acheteur, pratique. Ce marchand a beaucoup de chalands, de bons chalands. Il perd ses chalands.Quelquefois, simplement, acheteur. Faire venir les chalands.2° Par extension, client, et toute personne qui en recherche une autre, s'attache à elle, entretient avec elle des rapports habituels. Cette femme est un fort bon parti, elle ne manquera pas de chalands.• Savez-vous bien qu'elle est assez sotte ? Cela n'attire point les chalands, SÉV. 309.• Cache ton corps sous un habit funeste ; Ton lit, Margot, a perdu ses chalands ; Et tu n'es plus qu'un misérable reste Des premiers temps et des premiers galants, MAINARD dans RICHELET.Familièrement. C'est un chaland [une connaissance] dont je ne me soucie guère. Nous ne serons pas longtemps chalands [en bons rapports], si vous vous conduisez ainsi.3° Se disait d'une sorte de pain assez blanc et très massif.• Mais retournons à table où l'éclanche [de mouton].... Des dents et du chaland séparait la querelle, RÉGNIER Sat. X..Adjectivement, pain chaland. Ce pain était ainsi nommé, parce qu'il était le pain ordinaire des chalands d'un boulanger.XIIe s.• Reis, se tu es enuinz [oint], curune d'or portant, Ne deiz estre en orgueil, mais en bien reluisant, à tun peuple deiz estre e chiefs e lur [leur] chalant, Th. le mart. 30.XVe s.• Gautier le camus, qui estoit accompagné de dix autres compagnons acointés et chalans de la dite Tassine...., DU CANGE chelandium..XVIe s.• Pain chalan, O. DE SERRES 824.• Outre celles qu'ils entretenoient en leurs maisons, ils avoient leurs chalandes [maîtresses] par tous les endroits de la ville, H. EST. Apol. d'Hérod. p. 58, dans LACURNE.Espagn. chalan ; de chaland, sorte de bateau (voy. chaland 2) ; le chaland, qui achète, étant comparé au chaland, bateau, qui va chercher les marchandises pour les apporter au rivage, au quai, au marché (comp. BARGUIGNER). Dans le passage de Thomas le martyr, chiefs et chalant signifient chef et associé, comme le prouve l'emploi de chalandise dans un texte de Froissart cité plus loin. Enfin, dans le parler de Loudéac (Côtes du Nord), chaland signifie gouttière, conduit pour l'eau, peut-être par quelque assimilation avec chaland, bateau.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREQuelque difficile, à cause du sens, qu'il soit d'assimiler chaland, chalande à chaland, sorte de navire, néanmoins cette étymologie reste la plus plausible. M. Bovet, dans un article de M. Berthoud, Journal de Genève, 3 déc. 1874, propose chalant, participe de chaloir : le chaland, celui qui désire, qui est amateur de tel ou tel objet ; mais chaloir est impersonnel, du moins dans tous les exemples connus, et ne se construit qu'avec la négation ou l'interrogation : Ne vous chaut, que vous chaut ? Il me chaut d'une chose, et non je chau d'une chose. Cet obstacle grammatical paraît difficile à surmonter.————————chaland ou chalan 2.(cha-lan ; le d ne se lie jamais) s. m. Suivant les dictionnaires de marine, CHALAN.1° Terme de navigation fluviale. Grand bateau plat, pour le transport des marchandises. Les chalands qui font les transports entre le Havre et Paris.2° Terme de marine. Allége à fond plat tirant très peu d'eau.XIe s.• Il n'i a barge ne dromond ne calant, Ch. de Rol. CLXXVI.XIIe s.• Tus les porz funt guaitier e de jur e de nuit, Qu'il n'i puisse passer od plain chalant u vuit, Th. le mart. 63.XIIIe s.• Et li consaus [conseil] fu tex que l'empereres Henris s'en iroit au rivage et entreroit en un chalant, VILLEH. CLXX..• Lors se part de Jherusalem, Puis s'en entra en un chalan ; Le flum passa, el bois en vint, RUTEB. II, 120.• Chascuns puet ce faire, ausint comme il puet mener son chalant par le flueve, Liv. de just. 64.• Parmi le bras saint Jore Hatins les a menés, Et trovent les chalans garnis et conreés, Ch. d'Ant. II, 322.XVe s.• Grand plenté de nefs et de chalans, FROISS. I, I, 261.Anc. catal. xelandrin ; bas-lat. chelandrium, chelindrus, salandra, calannus. Origine inconnue. Diez propose, par assimilation, tortue de mer, serpent de mer. Il y a bien, dans le bas-latin, calones, barques portant le bois aux soldats ; on pourrait accepter ce changement d'on en an ; mais d'où viendrait le t ou d de chalant ou chaland dans les plus anciennes formes ?SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREOn a aussi proposé l'arabe chalandi (i long), bateau plat ; mais M. Devic, Dict. étym., objecte que chaland se disait en normand calant, et qu'un ch arabe peut difficilement devenir un c dur.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.