- triste
- (tri-st') adj.1° Qui a du chagrin, de l'affliction.• Je l'ai trouvé tantôt tout triste de je ne sais quoi que vous lui avez dit, MOL. Scapin, II, 11.• Quoique vous soyez tous tristes, c'est un soulagement que l'être ensemble, SÉV. 22 janv. 1690.• Captive, toujours triste, importune à moi-même, RAC. Andr. I, 4.• Et la triste Italie, encor toute fumante Des feux qu'a rallumés sa liberté mourante, RAC. Mithr. III, 1.• Ils voudraient être tristes et ne sont qu'ennuyeux ; ils voudraient toucher le coeur et ne font qu'affliger les oreilles, J. J. ROUSS. Lett. sur la mus. franç..Triste de. Il est triste de la mort de son ami.• Il était triste de quitter son pays, et de renoncer à une vie pleine d'agréments, Mme DE CAYLUS Souvenirs, p. 22, dans POUGENS.Triste de quelqu'un, affligé à cause de lui.• Je suis toute triste de vous ; ah ! le moyen d'être autrement ? deux ans sans le revenu de votre charge, et tout ce que vous avez à soutenir, SÉV. 22 janv. 1690.2° Qui est sans gaieté.• Montrez un oeil plus triste, CORN. Cid, IV, 4.• Mais pourquoi ce front triste et ces regards sévères ?, CORN. Hor. II, 2.• Il se déguise en vain : je lis sur son visage Des fiers Domitius l'humeur triste et sauvage, RAC. Brit. I, 1.Il se dit aussi des animaux. Parmi les chiens, les lévriers sont tristes.• L'un [l'aigle] jura foi de roi, l'autre foi de hibou, Qu'ils ne se goberaient leurs petits peu ni prou ; Connaissez-vous les miens, dit l'oiseau de Minerve ; Non, dit l'aigle ; tant pis, reprit le triste oiseau, LA FONT. Fabl. v, 18.Fig. Cet homme est triste comme un bonnet de nuit, il est chagrin et mélancolique.Avoir une triste figure, une triste mine, avoir un visage défait, et aussi avoir mauvaise mine.Le chevalier de la triste figure, Don Quichotte.Faire une triste figure quelque part, y avoir l'air gêné, s'y trouver mal à l'aise.Faire triste mine, avoir la mine chagrine.Faire triste mine à quelqu'un, lui faire un mauvais accueil.Cet homme a le vin triste, quand il a bu, il est triste et chagrin.3° Sévère.• Luther triomphait de vive voix ; mais la plume de Calvin était plus correcte, surtout en latin ; et son style, qui était plus triste, était aussi plus suivi et plus châtié, BOSSUET Variat. IX..• Je ne suis pas pourtant de ces tristes esprits, Qui, bannissant l'amour de tous chastes écrits, D'un si riche ornement veulent priver la scène, Traitent d'empoisonneurs et Rodrigue et Chimène...., BOILEAU Art p. IV.• Ah ! quittez d'un censeur la triste diligence, RAC. Brit. I, 2.• Le sérail d'un soudan, sa triste austérité, VOLT. Zaïre, I, 1.4° Qui a le caractère de la tristesse, de la mélancolie. Les affections tristes.• Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle, Et les tristes discours Que te met en l'esprit l'amitié paternelle L'augmenteront toujours, MALH. VI, 18.• Ces tristes vêtements où je lis mon malheur Sont les premiers effets qu'ait produits sa valeur [de Rodrigue], CORN. Cid, IV, 1.• Elle fut contrainte de se séparer d'avec le roi, qui était presque assiégé dans Oxford, et il se dirent un adieu bien triste, quoiqu'ils ne sussent pas que c'était le dernier, BOSSUET Reine d'Anglet..• Ma triste voix était donc destinée à ce déplorable ministère, BOSSUET Duch. d'Orl..• Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux, LAMART. Méd. I, 29.5° Qui cause de l'affliction, de la mélancolie. Une triste perspective. Des idées tristes.• Parlez à mon esprit de mon triste devoir, CORN. Cid, IV, 1.• Pauline : Voilà quel est mon songe. - Stratonice : Il est vrai qu'il est triste, CORN. Poly. I, 3.• Une admirable, mais triste mort, BOSSUET Duch. d'Orl..• Triste messager d'un événement si funeste [la mort d'un fils de Louis XIV], BOSSUET Mar.-Thér..• Pleurez sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros, BOSSUET Louis de Bourbon..• Je voudrais vous cacher une triste nouvelle, Madame ; mais il faut que je vous la révèle, RAC. Phèdre, I, 4.• Et le tombeau, seigneur, est moins triste pour moi Que le lit d'un époux qui m'a fait cet outrage, RAC. Mithr. IV, 4.• Une triste expérience me défendait du charme attaché à cette passion délicieuse et cruelle, RICCOBONI Oeuv. t. VI, p. 189, dans POUGENS.Triste à.• Il n'y a rien de si fâcheux à de si bons coeurs, ni, en soi, rien de plus triste à la nature, que d'être haï, BOSSUET Méd. sur l'Év. 2e partie, 15e jour..Il se joint quelquefois, par antithèse, à un mot qui exprime bien, bonheur.• Je veux toujours le voir, cet ingrat qui me tue, Non pour le triste bien de jouir de sa vue...., CORN. Sur. III, 3.• Un de ses plaisirs, dit-elle, c'est qu'elle n'aimera personne en ce pays-là ; voilà un triste plaisir, SÉV. 305.• Et je suis plus heureux dans ma captivité Que je ne le fus de ma vie Dans le triste bonheur dont j'étais enchanté, J. B. ROUSS. Cant. 3.Faire un triste repas, faire un repas où l'on ne se réjouit point.6° Malheureux, déplorable. Cet homme a fait une triste fin. Les tristes dépouilles des vaincus.• ....La crainte Dont en ce triste jour tu me vois l'âme atteinte, CORN. Poly. I, 3.• Des voleurs qui chez eux pleins d'espérance entrèrent De cette triste vie enfin les délivrèrent, BOILEAU Sat. x..• Plût au ciel.... Qu'il ne m'eût pas donné par ce triste attentat Un gage trop certain des malheurs de l'État, RAC. Brit. v, 7.• Ils [les Césars] n'imaginèrent pas les tristes lois qu'ils firent, MONTESQ. Esp. XII, 16.• Cette triste promesse est - elle enfin remplie ?, VOLT. Fanat. IV, 4.• Si je pouvais, dans mon triste état [84 ans], faire un voyage à Paris, mon plus grand désir serait que le panégyriste de la Pitié en eût un peu pour moi, VOLT. Lett. Delaunay auteur du Panégyrique de la pitié, 8 déc. 1777.7° Fâcheux, pénible, ennuyeux. Une triste vie.• Malgré la triste paix que vous avez jurée, CORN. Suréna, III, 2.• Il est triste d'être entre des espiègles et de beaux esprits, MAINTENON Lett. à Mme de Caylus, t. VI, p. 123, dans POUGENS.• Vers son triste penchant [l'avarice] son naturel guidé Le fit dans une avare et sordide famille Chercher un monstre affreux sous l'habit d'une fille, BOILEAU Sat. x.• Il arriva une chose assez triste à Martorillo le Calabrois, que nous nommons saint François de Paule.... le saint ne guérit pas le roi [Louis XI, apoplectique], et le roi ne guérit point le saint [il avait les écrouelles], VOLT. Dict. phil. Écrouelles.• Rien n'est si triste que d'être avec soi-même sans occupation, VOLT. Lett. à Mme du Deffant, 11 déc. 1769.• Quel triste hiver je viens de passer !, GENLIS Ad. et Th. t. II, p. 255, dans POUGENS.Il est triste que, avec le subjonctif.• Il est triste que Clovis, étant à peine catéchumène, fît tuer Syagrius, que les Visigoths lui avaient remis entre les mains, VOLT. Pol. et lég. Comm. espr. des lois, Clovis.• Il est triste, à mon gré, pour le genre humain, qu'un homme comme Pascal ait été un fanatique, VOLT. Lett. Vaines, 4 juin 1777.8° Obscur, sombre. Appartement triste. Maison triste. Ce jardin est triste.Cette maison a des vues tristes, ou, simplement, est triste, elle n'a que des vues peu agréables.Temps triste, temps couvert.Terme de botanique. Se dit des plantes dont le feuillage est sombre ; dont les fleurs sont d'une teinte sombre ou comme passée ; dont les sommités sont noires.Se dit de différents animaux dans la couleur desquels il entre plus ou moins de noir.9° Qui est insuffisant, médiocre, au-dessous de ce qu'on attend, en parlant soit des personnes, soit des choses. Vous faites là un triste personnage. Cet auteur a choisi un triste sujet de poëme.• Et le triste orateur Demeure enfin muet aux yeux du spectateur, BOILEAU Lutr. VI.• L'un était le marquis de Flamarin, triste objet des tristes élégies de la comtesse de la Suze, HAMILT. Gram. 9.• En rompant le triste mariage qu'il va conclure plus par désespoir que par intérêt, MARIV. le Legs, sc. 23.• Ma triste voix chantait d'un gosier sec Le vin mousseux, le frontignan, le grec, Buvant de l'eau dans un vieux pot à bière, VOLT. le Pauvre diable..• C'est un triste métier que celui d'homme de lettres ; mais il y a quelque chose de plus dangereux, c'est d'aimer la vérité, VOLT. Lett. Damilaville, 21 juill. 1764.• Énée est un froid et triste personnage auprès du majestueux Adam, CHATEAUBR. Génie, II, IV, 10.Faire un triste repas, faire mauvaise chère.10° S. m. pl. Les Tristes d'Ovide, recueil de pièces élégiaques qu'Ovide écrivit de son exil à ses amis de Rome et à l'empereur Auguste.XIIe s.• Charles chevauche, tristes de mautalent, Ronc. p. 86.XIIIe s.• Delez lui Blanchefleurs, qui cuer ot triste et noir, Berte, LXV.XVIe s.• Des tristes tristeur [il] destournoit, Et l'homme aise en aise tenoit, MAROT III, 232.• Demourer en la cogitation des fortunes adverses et tristes, AMYOT De la tranq. d'âme, 14.• Triste comme un bonnet de nuit sans coiffe, COTGRAVE .Wallon, triss ; provenç. trist, triste ; espagn. triste ; ital. tristo ; du lat. tristis. Le XVIe siècle avait le verbe trister, et la langue plus ancienne tristoyer.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRETRISTE. Ajoutez :11° Arbre triste, le nyctanthes arbor tristis, L. ; BAILLON, Dict. de botan. p. 248.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.