- société
- (so-si-é-té) s. f.1° Réunion d'hommes ayant même origine, mêmes usages, mêmes lois.• Les hommes ne vivraient pas longtemps en société, s'ils n'étaient les dupes les uns des autres, LA ROCHEFOUC. Max. 87.• Cette grande société que l'Écriture appelle le monde a son esprit qui lui est propre ; et c'est ce que l'apôtre saint Paul appelle l'esprit du monde, BOSSUET Panég. de saint Sulpice, Préambule..• Loin de la société des hommes ces âmes sans force aussi bien que sans foi, qui ne savent pas retenir leur langue indiscrète !, BOSSUET Duch. d'Orl..• Selon l'Écriture, il n'y a que deux genres d'hommes, dont les uns composent le monde et les autres la société des enfants de Dieu, BOSSUET Panég. de saint Sulpice, 1.• Dépouillons-nous ici d'une vaine fierté, Nous naissons, nous vivons pour la société, BOILEAU Sat. X..• Le désir de vivre en société est une quatrième loi naturelle, MONTESQ. Esp. I, 2.• Sitôt que les hommes sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse, MONTESQ. ib. I, 3.• Une société ne saurait subsister sans un gouvernement, MONTESQ. ib. I, 3.• Il y a dans la nature, telle qu'elle nous est parvenue, trois espèces de sociétés qu'on doit considérer avant de les comparer : la société libre de l'homme, de laquelle, après Dieu, il tient toute sa puissance ; la société gênée des animaux, toujours fugitive devant celle de l'homme ; et enfin la société forcée de quelques petites bêtes, qui, naissant toutes en même temps dans le même lieu, sont contraintes d'y demeurer ensemble, BUFF. Quadrup. t. III, p. 41.• Quoi qu'en pensent les ambitieux, les sociétés ne peuvent s'étendre au delà de certaines bornes sans s'affaiblir, CONDIL. Étud. hist. III, 3.• Des sociétés de vingt à trente millions d'hommes ; des cités de quatre à cinq cent mille âmes ; ce sont des monstres dans la nature, RAYNAL Hist. phil. IX, 5.• La société a, quoi qu'on fasse, beaucoup d'empire sur le bonheur ; et ce qu'elle n'approuve pas, il ne faut jamais le faire, STAËL Corinne, IX, 1.• .... J'entrevis que la connaissance textuelle des tarifs et des règlements et la manoeuvre des chiffres ne constituaient pas seules le savoir en finance ; que l'étude de cette science ne pouvait se compléter que par celle de la société même, dont elle devait toujours avoir en regard les mouvements progressifs, conséquemment tous les intérêts nouveaux, dans l'application de chacun de ses actes, MOLLIEN Mém. d'un ministre du trésor public, I, 16.• Sans doute M. de Calonne était fort inférieur à M. Turgot dans ce qu'on appellera un jour la science des sociétés humaines, MOLLIEN ib. I, 9.• Société, vieil et sombre édifice, Ta chute, hélas ! menace nos abris, Tu vas crouler...., BÉRANG. les Quatre âges..• Nous sommes en possession de deux éléments primitifs et fondamentaux de la civilisation française ; nous avons étudié d'une part la société romaine, de l'autre la société germaine, chacune en soi et avant leur rapprochement, GUIZOT Hist. de la civil. en France, 8e leçon..2° Réunion d'animaux qui concourent à un même but, qui ont un intérêt commun. Les fourmis vivent en société.3° Communication, rapports, relations.• C'est ici qu'il faut vous apprendre, par la sainte société que nous avons avec les saints anges, que notre origine est céleste, BOSSUET Sermons, Anges gardiens, Préambule..• L'Église, en nous enseignant qu'il est utile de prier les saints, nous enseigne à les prier dans ce même esprit de charité et selon cet ordre de société fraternelle qui nous porte à demander le secours de nos frères vivants sur la terre, BOSSUET Expos. doctr. cath. 4.• [Dieu] défendit à leur postérité [des Juifs] Avec tout autre dieu toute société, RAC. Athal. II, 4.• Les dieux inférieurs, pour parler comme les païens, ou plutôt les hommes divins, peuvent avoir de la société avec les hommes mortels, en leur donnant des secours invisibles, FÉN. t. XXII, p. 237.• L'agriculture et l'industrie sont deux soeurs qui, par leur société entre elles, ont enfanté la société générale, CAMBACÉRÈS Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. III, p. 5.4° Association, participation.• Il a connu parfaitement les biens qu'il [l'esprit de Dieu] vous donne : un trésor qui ne se perd pas, une vie qui ne finit pas, l'héritage de Jésus-Christ, la communication de sa gloire, la société de son trône, BOSSUET Panég. de saint Sulpice, Préambule..• Combien d'âmes touchées de Dieu ne résistent à sa grâce et à son esprit, que de peur de perdre auprès de vous ce degré de confiance qu'une longue société de plaisir leur a donné !, MASS. Pet. carême, Vices et vert. des gr..• Une société de guerre avec les Romains, MONTESQ. Rom. 1.On dit quelquefois dans un sens analogue : la société conjugale.Ouvrage fait en société, fait en société avec quelqu'un, ouvrage fait en commun par deux ou plusieurs personnes.5° Terme de commerce et de jurisprudence. Union de plusieurs personnes qui sont jointes pour quelque affaire, pour quelque intérêt ; contrat d'association formé entre plusieurs personnes. Former, rompre une société. Dissolution, liquidation d'une société de commerce.• La génisse, la chèvre et leur soeur la brebis Avec un fier lion, seigneur du voisinage, Firent société, dit-on, au temps jadis, Et mirent en commun le gain et le dommage, LA FONT. Fabl. I, 6.• Ils [les marchands] faisaient en société les entreprises qu'ils ne pouvaient faire seuls ; et la police de ces sociétés était inviolable, FÉN. Tél. XII.• Toutes sociétés doivent être rédigées par écrit, lorsque leur objet est d'une valeur de plus de cent cinquante francs, Code civil, art. 1834.• On distingue deux sortes de sociétés universelles, la société de tous biens présents, et la société universelle de gains, ib. art. 1836.• La société universelle de gains renferme tout ce que les parties acquerront par leur industrie, à quelque titre que ce soit, pendant le cours de la société, ib. art. 1838.• La société particulière est celle qui ne s'applique qu'à certaines choses déterminées, ou à leur usage, ou aux fruits à percevoir, ib. art. 1841.La société en nom collectif, celle que contractent deux ou plusieurs personnes pour faire le commerce sous une raison sociale.Société en commandite, celle qui a lieu entre plusieurs personnes qui fournissent leur apport en argent, et un ou plusieurs gérants administrant l'affaire sous leur responsabilité.Société anonyme, celle qui a des actionnaires, et est administrée par des mandataires révocables, sans nom social.La société en participation, celle qui a lieu entre commerçants pour des opérations temporaires et déterminées.Société léonine, société où tous les profits sont pour l'un, et toutes les charges pour l'autre.6° Réunion de personnes qui s'assemblent pour vivre selon les règles d'un institut religieux, ou pour conférer sur certaines sciences.• Société de la morale chrétienne On aura peut-être de la peine à comprendre comment une société aussi sainte dans son institution, et aussi pleine de gens de piété que l'est celle des jésuites, a pu avancer et soutenir de si étranges calomnies, RAC. Hist. Port-Royal.• La Société royale de Londres, déjà formée, mais qui ne s'établit par des lettres patentes qu'en 1660, commença à adoucir les moeurs en éclairant les esprits, VOLT. Moeurs, 182.• Despréaux n'était guère moins dévoué aux écrivains de l'illustre société de Port-Royal, dont les ouvrages ont tant contribué à rétablir parmi nous l'étude et le goût de la saine antiquité, D'ALEMB. Él. Despr..• Ajoutons, car il faut être juste, qu'aucune société religieuse, sans exception, ne peut se glorifier d'un aussi grand nombre d'hommes célèbres dans les sciences et dans les lettres [que celle des jésuites], D'ALEMB. Oeuvr. t. V, p. 28.• La Société royale de médecine établie à Paris, et composée de ce qu'il y a dans la Faculté de meilleur et de plus instruit, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 22 sept. 1777.• L'astronomie n'est pas moins redevable à la Société royale de Londres, dont l'origine est, de quelques années, antérieure à celle de l'Académie des sciences, LAPLACE Exp. V, 4.La société de Jésus, l'ordre des jésuites.• Ils sont à présent aux prises avec les gens du parlement, qui trouvent que la société de Jésus est contraire à la société humaine, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 9 juil. 1761.Absolument, la Société, l'ordre des jésuites [avec une S majuscule].• L'inquisition et la Société, les deux fléaux de la vérité, PASC. Pens. XXIV, 66, éd. HAVET..• L'évêque de Meaux, malgré les coups que la Société lui portait sourdement, était lié, au moins d'estime, avec quelques jésuites, D'ALEMB. Él. Boss. note 14.On met une S majuscule aux associations pour lesquelles le mot société, joint à une qualification, fait une sorte de nom propre.Société littéraire, association de gens qui se réunissent pour cultiver les lettres.• Le plus grand service que les sociétés littéraires pourraient rendre aujourd'hui aux lettres, aux sciences et aux arts, serait de faire des méthodes et de tracer des routes qui épargneraient du travail, des erreurs, et conduiraient à la vérité par les voies les plus courtes et les plus sûres, DUCLOS Consid. moeurs, 12.Société du Temple, Société des Tournelles, s'est dit de deux réunions littéraires et bachiques.Société savante, association de gens qui se réunissent pour cultiver les sciences.• M. de Haller savait que, si c'est le génie seul qui fait dans les sciences les grandes découvertes, ce sont les sociétés savantes, les établissements d'instruction publique qui éclaircissent les découvertes, qui les répandent et les perfectionnent, CONDORCET Haller..Société d'Arcueil, société scientifique qui s'occupait de physique et de chimie, et qui était composée de Laplace, Berthollet, Biot, Gay-Lussac, Humboldt, Thenard, de Candolle, Collet, Descotils et A. Berthollet ; ainsi dite parce qu'elle se réunissait au château d'Arcueil, près Paris, chez Laplace.Quelquefois, dans un sens plus étendu, sociétés savantes, au pluriel, comprend les sociétés littéraires.7° Il se dit aussi d'associations pour exécuter de la musique. Sociétés chantantes. La Société de l'Orphéon.8° Société secrète, association de conspirateurs. Les sociétés secrètes travaillaient activement, mais en vain, après la restauration, à renverser les Bourbons.9° Rapports qu'ont entre eux les habitants d'un pays, d'une ville.• Mon dessein n'est pas de parler de l'amitié en parlant de la société ; bien qu'elles aient quelque rapport, elles sont néanmoins très différentes : la première a plus d'élévation et d'humilité, et le plus grand mérite de l'autre est de lui ressembler, LA ROCHEFOUC. Réfl. div. p. 123.• Il a tellement les petites vertus qui font l'agrément de la société que, quand je ne le regretterais que comme mon voisin, j'en serais fâchée, SÉV. 266.• L'esprit d'union, de déférence et de société, caractère si essentiel à la république littéraire, GRESS. Disc. à l'Acad..• Dans les lettres de Sévigné, l'on voit distinctement ce que l'esprit de société avait acquis de politesse, d'élégance, de mobilité, de souplesse, d'agrément dans sa négligence, de finesse dans sa malice, de noblesse dans sa gaieté, de grâce et de décence dans son abandon même et dans toute sa liberté, MARMONTEL Oeuv. t. IV, p. 413.• Il y a très peu de société en Angleterre, parce qu'il faut être invité pour aller dîner et souper chez ses amis les plus intimes, GENLIS Mères riv. t. II, p. 315, dans POUGENS.10° Compagnie de personnes qui s'assemblent ordinairement les unes chez les autres. La bonne société. La mauvaise société. Les mauvaises sociétés l'ont perdu.• Je voudrais qu'on choisît tellement les sociétés d'un jeune homme, qu'il pensât bien de ceux qui vivent avec lui, J. J. ROUSS. Ém. IV.• La promenade même m'est presque entièrement interdite, quoiqu'elle soit ma seule ressource, mes sociétés d'hiver étant toutes dispersées, D'ALEMBERT Lett. au roi de Prusse, 28 juill. 1777.• Fontenelle avait consenti sans peine à conserver cette réputation d'insensibilité ; il avait souffert les plaisanteries de ses sociétés sur sa froideur, sans chercher à les détromper, CONDORCET Malouin..• On peut prévoir assez sûrement ce qu'un jeune homme doit être un jour, en le jugeant d'après ses sociétés, CONDORCET Duhamel..Absolument, la société, les gens qui ont des salons et ceux qui les fréquentent, pour la conversation, pour la causerie, le jeu. Voir la société.• Calvin eut par trahison les feuilles d'un ouvrage que Servet faisait imprimer secrètement ; il les envoya à Lyon, avec les lettres qu'il avait reçues de lui : action qui suffirait pour le déshonorer dans la société ; car ce qu'on appelle l'esprit de la société est plus honnête et plus sévère que tous les synodes, VOLT. Moeurs, 134.• J'aimerais la société comme un autre, si je n'étais sûr de m'y montrer non-seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis, J. J. ROUSS. Conf. III.• On vivrait donc toujours pour ce que la société dira de nous, reprit Oswald ; et ce qu'on pense et ce qu'on sent ne servirait jamais de rien, STAËL Corinne, IX, 1.• Des femmes de la société, de graves philosophes avaient leurs chaires d'incrédulité, CHATEAUBR. Génie, I, I, 1.• La société était si brillante dans le dix-huitième siècle, elle était si spirituelle, qu'elle était à elle-même son unique point de vue, VILLEMAIN Littér. franç. XVIIIe siècle, 2e part. 2e leçon.Talents de société, petits talents qui jettent de l'agrément dans les réunions.• Les talents de société ne sont presque plus comptés pour rien, Mme DE PUISIEUX Ridic. à la mode, p. 214, dans POUGENS.Vers de société, vers faciles et sans prétention qui se font pour l'amusement de certaines sociétés.• Une morale voluptueuse, des lettres écrites à des gens de cour, dans un temps où ce mot de cour était prononcé avec emphase par tout le monde, des vers médiocres qu'on appelle vers de société, faits dans des sociétés illustres, tout cela, avec beaucoup d'esprit, contribua à la réputation de ses ouvrages, VOLT. Louis XIV, écrivains, St-Evremond..11° Commerce habituel que l'on a avec certaines personnes. Cette personne est de notre société.• Pour rendre la société commode, il faut que chacun conserve sa liberté ; il ne faut point se voir, ou se voir sans sujétion, et pour se divertir ensemble ; il faut pouvoir se séparer, sans que cette séparation apporte du changement, LA ROCHEFOUC. Réfl. div. p. 124.• Elle est d'une bonne société, et nous sommes fort loin de nous ennuyer, SÉV. 310.• Elle ne serait nullement incommode, et l'on n'aurait de société avec elle qu'autant que l'on voudrait, SÉV. 232.• Je vous remercie, ma fille, de me mettre si joliment de votre société en me disant ce qui s'y passe, SÉV. 2 oct. 1689.• Ah ! mon enfant, qu'il est aisé de vivre avec moi ! qu'un peu de douceur, d'espèce de société, de confiance même superficielle, que tout cela me mène loin !, SÉV. 6 nov. 1680.• Ma société est composée de cinq ou six personnes qui me laissent une liberté entière, et avec qui j'en use de même ; la société sans la liberté est un supplice, VOLT. Lett. au roi de Pr. 5 janv. 1767.• Un souverain spirituel et qui veut plaire a, dans la société intime, un avantage que nul autre ne peut avoir, GENLIS Mme de Maintenon, t. I, p. 56, dans POUGENS.XIVe s.• Souz umbre de la societé et aliance qu'il avoient aus Romains, BERCHEURE f° 16.• Nous n'avons aveuc les Faliques nulle société qui ait esté conjointe par commune aliance, BERCHEURE f° 107.XVIe s.• La societé et amitié s'en augmente, MONT. I, 199.• La doulce compagnie et societé de ce personnage, MONT. I, 219.• Il y a une pareille societé entre le roytelet et le crocodile, MONT. II, 195.• Le seigneur du bestail qui l'aura baillé à societé, Nouv. coust. gén. t. IV, p. 907.Provenç. societat ; espagn. sociedad ; du lat. societatem, de socius (voy. social).SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRESOCIÉTÉ. - HIST. XIVe s. Ajoutez :• Pour che que lesdites terres ne soient plus en soihestés, ai consenti, de ma bonne volonté, à partir desdites terres.... (1317), DU CANGE soistura..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.