aise

aise
(ê-z') adj.
   Qui a de l'aise, qui est content. Combien il sera aise, en apprenant cette nouvelle ! Je suis aise que vous ayez réussi. Cela me rend fort aise.
   On peut juger si Camille était aise, LA FONT. Court..
   Elle était aise de parler à quelqu'un, SÉV. 12.
   Elle ne pouvait rien promettre qui me fit si aise, VOIT. Let. 56.
   Ce que vous me dites me fait aise, MOL. Fest. II, 2.
   Votre lettre me trouvera bien sain et me fera bien aise, P. L. COUR. Lett. I, 27.
   Elle en sort plus aise de s'être acquittée d'un devoir onéreux où elle n'a trouvé rien de plus consolant que le plaisir de le voir finir, MASS. Car. Chute, Tiédeur..
   Cette joie d'un père toujours aise de voir ses enfants, MASS. Conf. Zèle pour les âmes..
   Aussi aise d'être employé aux ministères les plus obscurs qu'aux plus éclatants, MASS. Conf. Vices..
   Je suis bien aise d'apprendre cela, MOL. Scapin, II, 5.
   Je suis bien aise de cette rencontre, MOL. Mar. f. 2.
   J'ai voulu vous parler en secret d'une affaire, Et suis bien aise ici qu'aucun ne nous éclaire, MOL. Tart. III, 3.
   Mais vous seriez pour lui fort aise d'obéir, CORN. Agésil. II, 7.
   Je serai fort aise de vous dépeindre ce pays, FÉN. Tél. VIII.
   Vous serez bien aise de recevoir Nestor, FÉN. ib. XXI.
   On fut aise de le visiter, avant que la cour y vienne, SÉV. 295.
   Je suis aise que, veut le subjonctif : Il est bien aise que vous lui ayez écrit.
   AISE, CONTENT. On donne aussi ravi comme synonyme ; mais ravi est un terme d'une bien plus grande énergie et sur lequel personne ne peut se tromper. Aise et content expriment tous deux un état qui affecte l'âme agréablement ; mais on aura une idée de la nuance qui les sépare en comparant ces deux exemples : Je suis content de mon sort ; je suis aise de mon sort ; le premier signifie que mon sort me satisfait et que je ne désire rien de plus ; le second signifie que mon sort me cause un sentiment de bien-être qui dépasse le contentement. Là est la distinction entre les deux termes, qui se manifeste aussi dans cette phrase : Je suis aise que vous soyez content de moi.
   XIIIe s.
   Or est ele mout aise, mais tost sera dolente, Berte, X.
   Je ne sui pas si aise com le poisson qui noe [nage], ib. XXXIII.
   Et mais [elle] ne sera aise de ci qu'aura seü Se c'est Berte sa fille, ib. CXXIII.
   Je vous di que soiés tout aese, que vostre estat plet miex à nostre seigneur en ce cas que ne fait le mien, JOINV. 198.
   XVe s.
   Comment ils pourroient faire pont pour passer cette riviere et les crolieres [fondrières] plus aise et plus seurement, FROISS. J, I, 133.
   Et la tint toute aise selon son estat [le sire d'Aubrecicourt qui reçut la reine Isabelle], FROISS. I, I, 12.
   Et si en mourray plus aise [si vous accomplissez mon voeu], FROISS. I, I, 47.
   Un souper est tantost passé, vous serez demain plus aise [mieux traité], LOUIS XI Nouv. XCIX..
   XVIe s.
   Des tristes tristeur destournoit, Et l'homme aise en aise tenoit, MAROT III, 232.
   La bonne comtesse a esté très aise de veoir que le roy se porte bien, MARG. Lett. 38.
   Je suis bien aise que vous estes de mon opinion, MARG. Nouv. LXX..
   Auguste fut bien ayse d'avoir trouvé un...., MONT. I, 129.
   Ceux là sont pleins et ayses [riches] qui peuvent non pas seulement entretenir leur maison, mais encores la combler de reserves, LA BOËTIE 199.
   Les uns bien aises de son malheur, AMYOT Timol. 20.
   Provenç. ais (voy. AISE, s. f.).
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
   AISE. - ÉTYM. Ajoutez : M. Bugge (Romania, juill.-oct. 1875, p. 349) propose pour étymologie de ce mot d'origine obscure le latin ansa, anse, poignée, prise : " Asa, latin vulgaire, voy. Appendix Probi dans KEIL, Gramm. lat. IV, 198, 9 : ansa, non asa.... Le mot latin a aussi la notion de facilité, d'occasion, par ex. Plaute, Persa, IV, 4, 121 : quaerere ansam ut infectum faciat. Dans cette acception figurative, les langues romanes n'emploient pas le primitif ansa, mais un dérivé asium, féminin asia. Asium, asia est dérivé de asa, ansa, à l'aide du suffixe io, ia ; comparez le lat praesepium, de praesepe, occipitium, de occiput, etc.... Dans l'exemple : Jamais n'aurons tel aise de nos hontes vengier (XIIe s.), le sens du vieux français aise correspond à l'acception figurative du lat. ansa ; et de même le provençal aisina a la notion de facilité, d'occasion. M. Darmesteter a prouvé que le français aise avait signifié espace vide aux côtés de quelqu'un ; d'où les expressions être aux aises de quelqu'un, c'est-à-dire à côté de lui ; être à son aise, proprement avoir de la place pour remuer les bras (voy. Romania, I, 157). "
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(ê-z') s. f.
   Sentiment de bien-être et de contentement. Ils avaient toute l'aise que la situation comportait. L'aise est vive et peut se manifester par des mouvements du corps. Tressaillir d'aise.
   Saint Jean l'entend et il saute d'aise, BOSSUET II, Visit. 1.
   Ce pêcheur d'aise tout transporté, CORN. D. Sanc. V, 8.
   Vous le pardonnerez à l'aise de vous voir, CORN. le Ment. I, 5.
   L'aise de voir la terre à son pouvoir soumise, CORN. Pomp. III, 1.
   Ne dois-je point encore en témoigner de l'aise ?, CORN. Médée, I, 5.
   En l'aise de la victoire Rien n'est si doux que la gloire, MALH. II, 2.
   Aime.... maintenant l'aise de nos yeux, MALH. II, 8.
   Sans jamais en son aise un mal-aise éprouver, MALH. I, 4.
   Prince, l'aise et l'amour des âmes et des yeux, RACAN Sonnet..
   État commode et agréable, liberté. Il est à son aise partout, comme s'il était chez lui.
   J'étais là bien à mon aise pour mentir, CHATEAUB. Itin. 209.
   Je me trouve fort à mon aise toute seule, SÉV. 222.
   Il est bien à son aise quand il est avec elle, SÉV. 580.
   Que j'en ai de vous voir belle et bien à votre aise, RÉGNIER Sat. XIII.
   Voilà les ecclésiastiques bien à leur aise, PASC. Prov. 6.
   À votre aise, elliptiquement, à votre commodité, quand vous voudrez.
   Être mal à son aise, être indisposé.
   J'étais mal à mon aise, SÉV. 359.
   Quand l'enfant pleure, il est mal à son aise, J. J. ROUSS. Ém. I.
   Être mal à son aise, être embarrassé. Devant lui il était mal à son aise.
   Mettre quelqu'un à son aise, l'encourager, dissiper sa timidité.
   Le prêtre l'écoutait, le mettait à son aise, J. J. ROUSS. Ém. IV.
   Se mettre à son aise, pousser la familiarité jusqu'à l'oubli des convenances. Il se met à son aise partout, et nulle considération ne le gêne.
   Familièrement. N'en prendre qu'à son aise, travailler en son temps, ne faire que ce qui plaît.
   En parler à son aise, discourir de sang-froid des choses au succès desquelles on n'est pas intéressé.
   Vous en parlez bien à votre aise, PASC. Prov. 2.
   Vous en parlez bien à l'aise, MOL. Fem. sav. II, 9.
   À votre aise vous en parlez, MOL. Prol. Amph..
   Ce missionnaire fait son métier, il en parle bien à son aise, FLÉCH. Serm. II, 208.
   Elle lui dit qu'il en parlait fort à son aise, HAMILT. Gramm. 10.
   Être, vivre à son aise, être dans une situation de fortune modeste, mais heureuse.
   Des louanges toutes pures ne mettent pas un homme à son aise, MOL. le Bourg. G. I, 1.
   On ne vaut et l'on n'est heureux qu'autant qu'on se voit à son aise et bien pourvu, BOURD. Exhort. t. I, p. 465.
   L'argent est rare, c'est pour cela que les paysans sont à leur aise, J. J. ROUSS. Hél. I, 23.
   Celui qui travaille est aussi à son aise que celui qui a cent écus de revenu sans travailler, MONTESQ. Esp. XXIII, 29.
   Voilà un homme bien riche, bien à son aise, SÉV. 608.
   Ceux qui sont mal à leur aise, PASC. Prov. 8.
   Il n'est malade que de trop d'aise, se dit d'un homme riche qui a de fréquentes incommodités.
   Paix et aise, doucement, commodément. Il n'a pas un grand bien, mais il vit chez lui paix et aise (vieux dans cette construction). Je ne demande que paix et aise.
   S. f. plur. Les commodités de la vie.
   Dieu se contente de vous priver d'une partie de vos aises, FLÉCH. Serm. II, 203.
   Les petites règles qu'il s'est faites et qui tendent toutes aux aises de sa personne, LA BRUY. II, 45.
   Elle nous prive du commode, c'est-à-dire des aises de la vie qui, quoique absolument permises, ne laissent pas de fomenter la rébellion de la chair, BOURD. Carême, t. I, p. 86.
   À l'aise, loc. adv. Commodément, librement.
   Qu'on est assis à l'aise aux sermons de Cottin, BOILEAU Sat. IX.
   Celui qui n'a de partage avec ses frères que pour vivre à l'aise bon patricien, veut être officier, LA BRUY. 6.
   Mettre à l'aise, donner de l'espace. Les spectateurs étaient fort serrés ; on les mit à l'aise avec des bancs qu'on apporta.
   Fig. L'expédient pour rendre intelligible un auteur si concis et étroitement enveloppé dans son style, c'est de mettre ses pensées plus à l'aise dans une juste étendue de discours.
   À son bel aise, loc. adv. à son aise.
   À son bel aise aura lieu de s'instruire, LA FONT. Mazet..
La Fontaine a fait ici aise du masculin ; aise en effet a été longtemps d'un genre indécis ; mais aujourd'hui il est fixé au féminin ; et il ne faudrait pas employer cette locution de La Fontaine.
   Locution vicieuse : On ne peut pas avoir tous ses aises ; dites : on ne peut pas avoir toutes ses aises.
   AISES, COMMODITÉS. Les aises disent quelque chose de voluptueux et qui tient de la mollesse. Les commodités expriment quelque chose qui facilite les opérations ou la satisfaction des besoins, et qui tient de l'opulence. Les gens délicats et valétudinaires aiment leurs aises. Les personnes de goût, et qui s'occupent, recherchent leurs commodités, GUIZOT.
   XIIe s.
   Car qui a à la gloire celestial partir, Li covient estre el cors à les eises fuïr, Ensi cum sainz Polz dict...., Th. le Mart. 79.
   Jamais [nous] n'aurons tel aise [facilité] de nos hontes vengier, Sax. VI.
   XIIIe s.
   Lors furent li nostre mout à aise et mout riche, VILLEH. CXXXII.
   XVe s.
   L'aise que j'ay, dire je ne sauroye, CH. D'ORL. Bal. 38.
   En ce mortel monde ne faut y prendre ses aises ni constituer sa fin, AL. CHARTIER Consolation des trois vertus..
   Et ainsi qu'ils venoient [les Écossais], ils se logeoient à l'usage de leur pays, et n'avoient pas tous leurs aises, FROISS. II, II, 235.
   C'est un mol chevalier qui ne veut autre chose que ses aises, de boire et de manger et de aloer le sien follement, FROISS. II, III, 12.
   Je le remercie grandement des beaux presens qu'il m'a presentés ; mais ce n'est mie l'aise ni la paix du roi d'Angleterre, monseigneur, que je les retienne, FROISS. I, I, 300.
   Pour avoir l'aise de eux et de leurs chevaux, FROISS. II, II, 3.
   Le roy d'Angleterre lequel aymoit fort ses aises et ses plaisirs, COMM. IV, 3.
   Et prierent le dit Anthoine qu'il se parteist de leur escot et les laissast à leur privé et faire leur aise, DU CANGE aisamenta..
   XVIe s.
   Ne pleurons plus si ce n'est de grand'aise, Puis qu'en vers nous l'ire de Dieu s'appaise, Tant nous aymant, que de mortel mesaise Tire le roy, MAROT II, 272.
   Et de ma part, tant pour vostre aise que pour la nostre, il vous en prie autant que luy est possible, MARG. Lett. 1.
   Je sens vostre aise tel pour avoir Mme la Mareschale avecques vous, qu'il ne vous souvient de vos amys, MARG. ib. 2.
   Là, assis à nos aises, chacun dira quelque histoire, MARG. Nouv. Préface.
   Vous en parlez bien à votre aise ; mais...., MARG. Nouv. 18.
   Elle vequit longtemps, par sa finesse fort à son aise ; - c'est un aise bien malheureux, dit Oisille, quand il est fondé sur le peché, MARG. ib. XXXIX..
   Se mettre à son ayse, MONT. I, 8.
   L'ame doibt faire luire jusques au dehors son repos et son aise, MONT. I, 175.
   Les soeurs de Pernette estoient jalouses de son aise, et de ce qu'elle marchait la première, DESPER. Contes, CXXIX.
   Puis l'ayant prié de prendre son aise [de s'asseoir], commencerent à deviser de diverses choses, YVER p. 638.
   Le reste de l'armée eut tout loisir de marcher à son aise jusques là, AMYOT Fab. 17.
   Ceste nouvelle joye survenue par dessus l'aise de la victoire...., AMYOT Marius, 38.
   Bressan, éso ; franc-comtois, aze ; bourguign. ase ; wallon, âhe ; namurois, auje ; provenç. ais ; anc. ital. asio ; ital. mod. agio ; anc. catal. aise ; portug. azo ; angl. ease ; anglo-sax. âdhe, eadhe, facile ; vieux sax. ôdhi, ôthi, facile ; gaél. âthais, adhais, aise ; corn. aizia, mettre à l'aise ; bas-bret. éaz, ez, aisé. Mot d'origine incertaine. On l'a rattaché au gothique azêts, aisé. Quant au basque, aisia, aisina, il paraît venir du provençal et non en être l'origine. En somme, il y a dans l'allemand et dans le celtique une racine adh, az, ais, qui est sans doute la source du mot roman.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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