- bec
- (bèk) s. m.1° Enveloppe cornée recouvrant les os maxillaires chez les oiseaux, et remplaçant chez ces animaux le système dentaire.Terme de fauconnerie. Tenir bec au vent, se dit d'un faucon qui résiste sans tourner la queue.Fig. Avoir bec et ongles, avoir les moyens de se défendre et savoir en user.• Le maraud a quelquefois le bec retors et la griffe tranchante, VOLT. Lettr. d'Argental, 19 octobre 1768.Familièrement. Montrer à quelqu'un son bec jaune (on prononce bè-jaune), par allusion aux jeunes oiseaux, lui montrer qu'il se trompe comme un sot.• Monsieur, souffrez que je lui montre son bec jaune, et le tire d'erreur, MOL. Mal. imag. III, 16.(voy. béjaune).Fig. Tenir quelqu'un le bec dans l'eau, le tenir dans une attente qui ne doit rien produire.• Celui.... à qui.... Ce malheureux honneur tenait le bec en l'eau, RÉGNIER Sat. VI.Passer la plume par le bec à quelqu'un, le frustrer de ses espérances.• Je ne prétends pas qu'on me fasse passer la plume par le bec, MOL. Fourb. III, 6.• Charost certain qu'on lui voulait faire passer la plume par le bec, SAINT-SIMON 312, 36.Locution tirée de la pratique qui consiste à passer à travers les deux orifices du bec de l'oie une plume qui, se présentant de travers, lorsque l'oiseau veut passer par quelque haie, suffit pour l'arrêter à cause de la douleur que cela lui cause.Bec à bec, en tête-à-tête.• Je le voyais [le P. Tellier] bec à bec entre deux bougies, n'y ayant du tout que la largeur de la table entre deux, SAINT-SIMON 350, 115.2° La parole, la langue, le babil.Avoir bon bec, parler avec vivacité, et une certaine malice.• M. de Duras ne craignait personne et avait le bec aussi bon que Rose, SAINT-SIMON 85, 112.N'avoir que du bec, n'avoir que du babil.Se prendre de bec, se disputer.• Le grand prieur y présidait [à un chapitre], le bailli de Conflans se prit de bec avec lui, SAINT-SIMON 329, 58.• J'en reviens toujours à vous dire qu'il ne faut jamais se prendre de bec avec la canaille, P. L. COUR. Lett. I, 383.Être pris par le bec, être convaincu par ses propres paroles.Clore le bec à quelqu'un, le faire taire.• .... Qui tâche en vain de lui clore le bec, LA FONT. Diable..Avoir le bec bien affilé, parler avec promptitude et facilité.Se défendre du bec, se défendre de paroles.Caquet bon bec, une pie ; et figurément, femme bavarde et médisante.On lui a fait le bec, c'est-à-dire, on l'a instruit, on lui a dit ce qu'il devait dire ou faire.• J'attends même encore un mien parent gascon, à qui j'ai fait le bec et qui ce soir s'engage à venir traverser ce maudit mariage, REGNARD le Bal, 3.Donner un coup de bec, lancer un trait piquant, une méchanceté, une médisance.Autrefois, dans les conciergeries, on nommait, par une plaisanterie inhumaine, la porte de bon bec, celle par où on amenait les prisonniers à la question.3° Familièrement, la bouche.• Et quoi ? toujours pâtés au bec !, LA FONT. Pâté..• Me rendre, en me torchant le bec, le ventre creux...., RÉGNIER Épitr. III.Faire le petit bec, faire la petite bouche.4° Minois.• Un sien valet avait pour femme Un petit bec assez mignon, LA FONT. Pâté.... Tu voudrais me déplaire, à moi, Crispin, à moi, que tu nommais toujours Ton bec, ton petit bec ?... HAUTEROCHE, Nobles de province, IV, 4.5° La bouche des tortues, des têtards, des sèches, de tous les mollusques céphalopodes, etc.Saillie cornée qui sert de suçoir à certains insectes. Le bec de la cigale, du charançon.6° Extrémité de certains objets terminés en pointe. Un bec de plume. Le bec d'un alambic. Un bec de lampe. Le bec d'un navire. Le bec d'une ancre.7° Pointe de terre au confluent de deux rivières. Le bec d'Ambès.8° Angle saillant de la pile d'un pont. Avant-bec, arrière-bec, ce sont les angles d'une pile de pont, le premier opposé au fil de l'eau, le second de l'autre côté.9° Bec de flûte, partie aplatie et qui se met entre les lèvres, de certains instruments à vent, comme la clarinette et le flageolet, qu'on rangeait et qu'on range encore sous le nom générique de flûte, bien que flûte, en un sens plus restreint, soit devenu le nom d'un instrument qui n'a pas de bec. De là l'expression de : en bec de flûte, pour exprimer tout ce qui a une forme allongée et pointue. Fracture en bec de flûte.10° En chirurgie, nom de plusieurs espèces de pinces plus ou moins longues et recourbées, dont la forme a quelque ressemblance avec le bec de certains oiseaux, et qui servaient à l'extraction des dents ou à celle de corps étrangers engagés dans une cavité ou dans l'épaisseur d'une partie quelconque. Bec-de-cane ; bec-de-corbin ; bec-de-cygne ; bec-de-lézard ; bec-de-grue ; bec-de-perroquet ; bec-de-vautour.11° Extrémité aiguë et recourbée de l'aiguille du métier à bas.12° Terme d'architecture. Petit filet au bord d'un larmier, où il forme la mouchette pendante.13° En termes de blason, bec signifie les pendants du lambel.PROVERBE Il n'y a plus que le bec à ourler pour faire une canne, se dit quand on veut se moquer de gens impatients de voir finir un ouvrage.Bec cornu, voy. bec-cornu.La locution tenir le bec dans l'eau est obscure. Provient-elle du héron restant longtemps le bec dans l'eau sans rien prendre ? ou faut-il y voir une hypallage comme dans casque en tête, et entendre que le bec dans l'eau est pour l'eau dans le bec, c'est-à-dire faire venir l'eau à la bouche, et ne pas satisfaire au désir excité ?XIIIe s.• Esperons [il] ot et bec d'oisel, Fabli. édit. BARBAZAN, t. IV, p. 91.• Car quant plus à son bec l'enchauce, Et la pomme plus se rehauce, la Rose, 19493.• Cou estoit une tourterele, En son bec tint une roelle, Fl. et Bl. 855.• Quant les chevaus furent ens, nostre mestre notonnier escria à ses notonniers qui estoient ou bec de la nef [à la proue], JOINV. 210.XIVe s.• L'esprevier n'auroit plume sur lui qu'il ne remuast au becq l'une après l'autre, Ménagier, III, 2.XVe s.• Et sur l'entrée, au bec du Havre, a une grosse tour souveraine des autres, FROISS. III, IV, 15.• Ils [les Gantois] firent faire et ouvrer une bombarde merveilleusement grande, laquelle avoit cinquante-trois pouces de bec, FROISS. II, II, 161.• Trop mieulx vauldroit content payer Que repaistre les gens du bec, COQUILL. Droits nouveaux..• Quoy qu'on tient belles langagieres Genevoises, Veniciennes, Il n'est bon bec que de Paris, VILLON Ball. des femmes de Paris..XVIe s.• Un coup de bec, qui tout honneur efface Par faulx rapport, J. MAROT V, 252.• Et qu'ainsi soit, en amy vous conseille Que desormais vostre bec teniez coy, MAROT II, 55.• Prenons chascun pannetiere et bissac, Fluste, flageol, cornemuse et rebec, Ores n'est pas temps de clorre le bec, J. MAROT II, 255.• .... et leur va commandant De ne dormir, mais rire, ce pendant Que faux danger, maubec et jalousie Sont endormis au lict de fantasie, J. MAROT I, 353.• Ces babillars, lesquels se contentent d'avoir l'evangile au bec, le mesprisant en toute leur vie, CALV. Inst. 537.• Si quelqu'un assis bec à bec raconte...., AMYOT De la curiosité, 10.• Lansac estant entré en Gironde. mit à terre sa noblesse et ses soldats, et avec les matelots passa au bec des deux eauës, D'AUB. Hist. II, 294.• Autre tire-balle nommé bec de perroquet, pour tirer quelques pieces du harnois inserées au profond des membres, PARÉ IX, 4.• Autre figure de tire-balle, nommée bec de lezard, pour tirer la balle lorsqu'elle sera applatie, PARÉ IX, 5.• Cestuy est nommé bec de grue, pour la similitude, lequel pareillement doit estre dentelé : et est propre à extraire du profond, dragées, mailles, etc. Bec de grue droit, Bec de grue coudé, PARÉ ib..• Et ceste paille en passa par le bec du dict marquis, qui ne fut faict là general, BRANT. Gonzague..• Nous lui donnasmes tant du bec et de l'aile qu'il nous creut, BRANT. Couronnels françoys, ch. 17.• L'empereur ne tendoit qu'à l'entretenir le bec en l'eau de toutes choses, cependant qu'il se fortifieroit d'amis et d'alliances, M. DU BELL. 167.Picard, bé ; wallon, bèche ; rouchi, bièque ; Berry, bé devant une consonne : Quand il pleut à St-Médard, Il pleut quarante jours plus tard, À moins que saint Barnabé Ne lui tape sur le bé ; provenç. et catal. bec ; portug. bico ; ital. becco ; du gaulois : cui Tolosae nato cognomen in pueritia becco fuerat, id valet gallinacei rostrum, SUET., Vit. 18 ; mot gaulois qui se retrouve dans le néoceltique : bas-bret. bec ou beg ; gaél. beic ; d'où l'angl. beak.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREBEC. Ajoutez :14° On dit aux petits enfants : Fais-moi un bec, c'est-à-dire donne-moi un baiser.Ajoutez : XIIe s.• Mais [les oiseaux] forment se desfendent, moult les ont damagiés [les assaillants], Quatre cevaus ont mors que as biés que as piés, li Romans d'Alixandre, p. 389.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.