- père
- (pè-r' ; au XVIIe siècle, d'après Chifflet, Gramm. p. 190, on prononçait pé-r') s. m.1° Celui qui a un ou plusieurs enfants.• La plus mauvaise excuse est assez pour un père, ID. Nicom. II, 2.• Tout père frappe à côté, LA FONT. Fabl. VIII, 20.• Quoi que le nom de père ait de beau, de touchant, Depuis un an ou deux cela put [pue] le marchand ; Un chétif avocat, par un ordre sévère, Défend à ses enfants de l'appeler mon père, BOURSAULT Mots à la mode, sc. 4.• Je voue à votre fils une amitié de père, RAC. Andr. v, 3.• Je reçus et je vois le jour que je respire, Sans que père ni mère ait daigné me sourire, RAC. Iphig. II, 1.• À Rome, les pères avaient droit de vie et de mort sur leurs enfants, MONTESQ. Esp. v, 7.• Et dis-moi, si tu étais ce Chramne que son père Clotaire fit brûler dans une grange...., VOLT. Dict. phil. Pères.• Un an après, il était nuit, J'étais à genoux près du lit Où venait de mourir mon père, A. DE MUSSET Poés. nouv. Nuit de décembre.Fig.• Elle [Stuart, maîtresse de Charles II] ne haïssait pas la médisance ; il [le duc de Buckingham] en était le père et la mère, HAMILT. Gramm. VII.Père naturel, celui qui a eu un enfant d'une femme avec qui il n'était pas marié.Père légitime, celui qui a eu un enfant d'un mariage légitime.Père putatif, celui qui est réputé le père d'un enfant, bien qu'il ne le soit pas en effet.Père adoptif, celui qui a adopté quelqu'un pour son enfant.Être père, agir, parler en père.• N'osez-vous sans rougir être père un moment ?, RAC. Iphig. II, 2.Fig. et familièrement. Le père n'y reconnaîtrait pas son fils, se dit d'un appartement, d'une malle mal rangée, de tout ce qui est en confusion.Un père heureux en enfants, un père dont les enfants sont bien nés, bien sains, bien portants. Un père heureux dans ses enfants, un père dont les enfants ont bien réussi dans le monde.De père en fils, par transmission successive du père au fils.• Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils, L'ont, de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis, LA FONT. Fabl. VII, 16.• M. Galatin, officier aux gardes suisses, qui vous présentera ma très humble requête, est de la plus ancienne famille de Genève ; ils se font tuer pour nous de père en fils, depuis Henri IV, VOLT. Lett. d'Argental, 9 févr. 1761.Ses père et mère, locution usitée, et blâmée à tort par quelques grammairiens, pour désigner collectivement le père et la mère de quelqu'un.Père de famille, celui qui a femme et enfants.• Tel croit être un bon père de famille, et n'est qu'un vigilant économe, J. J. ROUSS. Hél. IV, 10.Au sens juridique, père de famille, le maître de maison, le propriétaire, le chef de famille.• La destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes, Code Nap. art. 692.Terme de pratique. En bon père de famille, avec autant de soin que le ferait un père de famille. User d'une chose en bon père de famille.Grand-père, voy. grand-père.Familièrement, père grand se dit quelquefois pour grand-père.Fig. Je l'ai bien renvoyé chez son père grand, je l'ai bien rabroué.2° Père se dit aussi des animaux. Mon chien est le père du vôtre.4° Père noble, l'acteur chargé de l'emploi des pères dans la tragédie et dans la haute comédie.• Je vous préviens d'avance que, depuis le père noble jusqu'au souffleur, tout sera de fantaisie, C. DELAVIGNE les Comédiens, Prologue..5° Celui qui est le chef d'une longue suite de descendants, soit dans l'ordre de la nature, soit autrement. Notre premier père. Adam. Le père des fidèles, des croyants, Abraham.Nos pères, ceux qui nous ont précédés dans le temps, dans l'ordre des générations.• Pères des siècles vieux, exemples de la vie, Dignes d'être admirés d'une honorable envie, Si quelque beau désir vivait encore en nous, Nous voyant de là-haut, pères, qu'en dites-vous ?, RÉGNIER Satire v..• Un homme d'une vertu antique et nouvelle, qui a su joindre la politesse du temps à la bonne foi de nos pères, FLÉCH. Duc de Montaus..• Sans avoir une vanité ridicule, on peut préférer une terre de son nom et de ses pères, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, ler déc. 1682.• Nos pères ont péché, nos pères ne sont plus ; Et nous portons la peine de leurs crimes, RAC. Esth. I, 5.• J'irai pleurer au tombeau de mes pères, RAC. ib. III, 9.6° Dieu le Père, le Père éternel, la première personne de la Trinité (avec majuscule).Le père des miséricordes, le père des lumières, notre père, Dieu (avec minuscule).• Vous devez.... vous adresser au père des lumières, et lui demander qu'il vous donne ces oreilles du coeur qui seules font entendre sa voix, MASS. Carême, Parole..• Pour obtenir du père des miséricordes qu'il achève dans leur âme l'ouvrage du salut qu'il a commencé d'y opérer, MASS. ib..• Salut, principe et fin de toi-même et du monde, Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde, âme de l'univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur, LAMART. Méd. I, 16.7° En style de l'Écriture, le père du mensonge, le père du mal, le diable.• Lorsque le père du mal eut fini son discours, CHATEAUBR. Martyrs, VIII.• Le père du mensonge place un esprit d'illusion à chaque simulacre des divinités païennes, CHATEAUBR. ib..8° On donne le nom de père à quelques dieux de la mythologie.• Je renverserai cet autel et je consacrerai ce temple au père Bacchus, SACI Bible, Machab. II, XIV, 33.Poétiquement. Le père du jour, le soleil.Le père du vin, Bacchus.• Reste, reste avec nous, ô père des bons vins ! Dieu propice, ô Bacchus, toi dont les flots divins Versent le doux oubli...., A. CHÉN. Élég. XXII.9° Fig. Celui qui a beaucoup fait pour la prospérité, le bien-être d'une classe nombreuse de personnes. Cet homme est le père des pauvres.• Ah ! que de la patrie il soit, s'il veut, le père ; Mais qu'il songe un peu plus qu'Agrippine est sa mère, RAC. Brit. I, 1.• J'aimerais mieux encore que vous eussiez été le père du peuple que le père des lettres, FÉN. Dial. des morts mod. dial. 10 (Louis XII, François Ier)..Créateur, fondateur.• Socrate, qui un peu après ramena la philosophie à l'étude des bonnes moeurs, et fut le père de la philosophie morale, BOSSUET Hist. I, 8.• Quoiqu'on ne représente plus que six ou sept pièces de trente-trois qu'il [Corneille] a composées, il sera toujours le père du théâtre, VOLT. Louis XIV, Écrivains..• Le père de la tragédie, car c'est le nom qu'on peut donner à ce grand homme [Eschyle], BARTHÉL. Anach. ch. 69.Quand père de.... est un surnom, on met une majuscule. Cicéron fut appelé le Père de la patrie.• Laurent [de Médicis], vengé par ses concitoyens, s'en fit aimer le reste de sa vie ; on le surnomma le Père des Muses, VOLT. Moeurs, 105.• Le titre de Père des lettres semble avoir plus contribué à faire oublier les fautes innombrables de François Ier, que le nom bien plus respectable de Père du peuple n'a servi à effacer celles de Louis XII, D'ALEMB. Ess. sur la société des gens de lett. Oeuv. t. III, p. 26, dans POUGENS..Fig. Principe, origine, cause.• Ces zuingliens sont les pères des calvinistes, VOLT. Ann. Emp. Charles-Quint, 1527.• Le travail est souvent le père du plaisir, VOLT. 4e discours sur l'homme..• [La poésie sacrée] Chante au monde vieilli ce jour père des jours [la création], LAMART. Méd. I, 30.10° Les pères conscrits, ou, simplement, les pères, les sénateurs de l'ancienne Rome.• Les pères consentent à la création des magistrats, BOSSUET Hist. III, 7.• Ces pères des Romains, vengeurs de l'équité, Ont blanchi dans la pourpre et dans la pauvreté, VOLT. Brutus, I, 2.11° Titre qu'on donne aux membres des ordres et des congrégations religieuses. Les pères capucins. Le père un tel.On écrit par abréviation, au singulier, P. et au pluriel PP.Le père correcteur, supérieur d'un couvent de minimes.Le père ministre, supérieur d'un couvent de mathurins.Le père recteur, le supérieur d'un couvent de jésuites.Le père gardien, le supérieur des capucins, des récollets et des cordeliers.Le père maître, le père des novices des capucins.Dans les ordres mendiants, le père temporel, le séculier qui a soin de recevoir les aumônes qu'on leur fait.Petits pères, religieux de l'ordre de Saint-Augustin, qui furent établis à Paris, en 1608, par la reine Marguerite, d'abord au faubourg Saint-Germain, d'où ils furent transportés sept ans après au quartier Montmartre ; ce fut leur pauvreté et la petitesse de leur établissement qui leur firent donner ce nom.Pères de la mort, religieux qui se dévouaient pour soigner les malades.Père en Dieu, titre qu'on donne quelquefois aux évêques et même aux cardinaux.Père d'ordre, se dit, dans l'ordre de Cîteaux, d'un abbé qui commande à plusieurs autres.12° Père spirituel, tout prêtre chargé de la direction de la conscience d'une personne.13° Le saint-père, notre saint-père, notre très saint-père, le père des fidèles, le pape.On dit aussi notre saint-père le pape.En lui parlant ou en lui écrivant, on dit : très saint père.14° Par imitation des coutumes du clergé catholique, les saint-simoniens ont appelé pères ceux qui étaient plus avancés en grade.• Il fallut l'intervention d'un de nos pères en Saint-Simon, pour que son zèle de néophyte ne le portât point à des extrémités fâcheuses, REYBAUD Jér. Paturot, I, 2.Par antonomase, le Père (avec une majuscule), le chef suprême de la religion saint-simonienne.15° Les Pères de l'Église, ou, absolument, les Pères (avec majuscule), les saints docteurs antérieurs au XIIIe siècle, dont l'Église a reçu et approuvé les décisions sur les choses de la foi.• Nous donner de l'horreur pour la malice de ceux qui emploient le raisonnement seul dans la théologie, au lieu de l'autorité de l'Écriture et des Pères, PASC. Frag. d'un traité du vide..• Les saints Pères nous enseignent qu'il y a dans le siècle des séductions imperceptibles, et qu'il faut moins de force à y renoncer, qu'à s'y maintenir avec la sagesse et la modération que Dieu demande, FLÉCH. Dauphine..• Quel étonnement pour tous ceux qui se sont fait une idée des Pères si éloignée de la vérité, s'ils voyaient dans leurs ouvrages plus de tour et de délicatesse, plus de politesse et d'esprit, plus de richesse d'expression et plus de force de raisonnement, des traits plus vifs, et des grâces plus naturelles que l'on en remarque dans la plupart des livres de ce temps !, LA BRUY. XVI.Les Pères grecs, ou les Pères de l'Église grecque, ceux qui ont écrit en grec, tels que saint Chrysostome, saint Clément d'Alexandrie, etc.Les Pères latins ou les Pères de l'Église latine, ceux qui ont écrit en latin, tels que saint Augustin, saint Jérôme, etc.Le titre de Père a été donné par honneur à des auteurs ecclésiastiques modernes.• Un défenseur de la religion, une lumière de l'Église, parlons d'avance le langage de la postérité, un Père de l'Église [Bossuet], LA BRUYÈRE Disc. de réception..Les Pères du désert, les anciens anachorètes.16° Les Pères du concile, les évêques qui assistent au concile (avec majuscule).• Disons à ce nouveau Constantin, à ce nouveau Théodose [Louis XIV révoquant l'édit de Nantes].... ce que les six cent trente Pères dirent autrefois dans le concile de Chalcédoine : Vous avez affermi la foi, vous avez exterminé les hérétiques, BOSSUET le Tellier..17° Fig. et familièrement. Homme d'un rang inférieur, qui est d'un certain âge. Le père Maurice. Dites donc, père Mathurin.Dans un sens plus respectueux, imité du grec et du latin.• Lycus descend, accourt, tend la main, le relève : Salut, père étranger, et que puissent tes voeux Trouver le ciel propice à tout ce que tu veux, A. CHÉNIER le Mendiant..Populairement. Un père la joie, un rieur, un homme qui excite les autres à la gaieté.• Il ravissait mon cousin, qui me dit en parlant de lui qu'il serait un bon vivant, un père la joie, GENLIS Parvenus, t. II, p. 32, dans POUGENS.Un père aux écus, se dit d'un vieillard riche et avare.• Et moi je les garde pour la bonne bouche, et je cours à ce gros père aux écus, D'ALLAINVAL École des bourg. III, 14.Un père douillet, un homme qui se plaint dès qu'il n'a pas toutes ses aises.• Le Poussin, se justifiant du reproche qu'on lui faisait d'avoir donné trop de fierté à son Christ dans la gloire au tableau de saint François Xavier au noviciat des jésuites, et de l'avoir fait ressembler à un Jupiter, écrit qu'il ne peut s'imaginer le Christ dans sa gloire avec un visage de torticolis ou d'un père douillet, vu qu'étant sur la terre parmi les hommes il était difficile de le considérer en face, FÉLIBIEN Entretien 8, sur les vies des peintres, t. IV, p. 34, dans LACURNE..Un gros père, un homme qui a de l'embonpoint ; se dit même des enfants.• Elle fait un éclat de rire immodéré en l'appelant gros père, GENLIS Mém. t. II, p. 60, dans POUGENS.XIe s.• Eufemien, si out à num li pedre, St Alexis, IV.• [Ils] Ne reverront lur peres ne lur parenz, Ch. de Rol. CIX.XIIe s.• Dient Franzois : Dex pere, que feron ?, Ronc. p. 71.• Mes pere estes en Deu, je vus dei honurer, Th. le mart. 114.XIIIe s.• Pere de paradis ! ore est ma vie alée [finie], Berte, XLVI.• Li morteliers sont quite du gueit, et tout tailleur de pierre, très le tans Charles-Martel, si comme li preudome l'en oï dire de pere à fil, Liv. des mét. 111.• Un mal ne dure pas adès [toujours] ; Uns ans est pere, autre parastre ; Se cis anz vos tient à fillastre, Soiez si preuz et si gentix, <
, Ms. de St-Germain, f° 84, dans LACURNE. XVe s.• Encore ai-je deniers et maille, Qu'oncques ne virent pere ne mere, Patelin.XVIe s.• Le priant que il conduist sa femme chez ses pere et mere, lesquelz estoyent gens honnorables et bien famez, RAB. Pant. III, 32.• Bienheureux est le fils de qui l'ame du pere est damnée ; qui est une vieille maxime, que l'on ne se peut jamais tant tout à coup enrichir que l'on ne se donne au diable, BRANT. Capit. franç. t. III, p. 383, dans LACURNE.• À pere, à maistre, à Dieu tout-puissant, Nul ne peut rendre l'equivalent, COTGRAVE .• À pere amasseur fils gaspilleur, ID. .• De pere gardien fils garde rien, COTGRAVE .• De nostre temps, le roy Henri II, voulant eriger un magistrat en chaque baillage qui eut l'oeil sur les baillifs et prevosts, pour en faire son rapport au conseil privé du roy, le voulut intituler pere du peuple, PASQUIER Recherches, II, p. 105, dans LACURNE.• En emancipant son enfant, que l'on dit audit pays vulgairement mettre hors de son pere, Nouv. coust. génér. t. I, p. 374.• Memoratifs des moeurs de leurs peres, MONT. I, 23.• Celui-là est bien pere qui nourrist, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 272.• Il veut monstrer à son pere à faire des enfans, LEROUX DE LINCY ib..Provenç. paire, payre ; catal. pare ; espagn. et ital. padre ; du lat. pater ; allem. Vater ; angl. father ; sanscr. pitri, accusatif pitaram, que les uns tirent du radical pa (a long), nourrir, les autres du sanscrit pati, maître ; ce qui est plus en rapport avec l'idée que l'antiquité s'est faite de pitri, paterfamilias.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.