moi

moi
(moi), pronom singulier de la première personne et des deux genres, dont la destination principale est de servir de régime, mais que l'usage emploie comme sujet quand on a besoin d'une forme qui ne soit pas enclitique, comme le sont je et me ; nous en est le pluriel.
   Moi sert de complément aux prépositions. Selon moi. Il parle de moi. Il vint à moi. Loin de moi une pareille idée. Venez avec moi.
   Il est injuste qu'on s'attache à moi.... car je ne suis la fin de personne, PASC. Pens. XXIV, 39 ter, éd. HAVET..
   Il n'est pas en moi de faire telle chose, c'est-à-dire il n'est pas en mon pouvoir, il n'est pas dans mon caractère de la faire.
   À moi, avec le verbe être, signifie : m'appartient. Ce livre est à moi.
   Il signifie aussi : est à mon service.
   Ayez soin tous deux de marcher immédiatement sur mes pas, afin qu'on voie bien que vous êtes à moi, MOL. Bourg. gentil. III, 1.
   M. Grifon ne sait pas que son fils a l'honneur d'être à moi, REGNARD Sérénade, sc. 3.
   Allez, Brunon, voilà qui est fini, vous êtes à moi, et je souhaite que vous vous en trouviez bien, MARIV. Marianne, 10e part..
   Fig. Je suis à moi, je m'appartiens.
   Un corps qui souffre ôte à l'esprit sa liberté ; désormais je ne suis plus seul, j'ai un hôte qui m'importune, il faut m'en délivrer pour être à moi, J. J. ROUSS. 3e lettre à M. de Malesherbes..
   Fig. Je ne suis plus à moi, je suis éperdu, hors de sens par colère ou chagrin.
   Je ne suis plus à moi, je suis tout à la rage, MOL. Mis. IV, 3.
   Je suis avec moi, je suis seul et occupé de mes réflexions.
   Je vous avoue que les trois heures que je suis dans ces bois toute seule, avec Dieu, moi, vous, vos lettres et mon livre, ne me durent pas un moment, SÉV. 563.
   Moi sert de régime direct ou indirect, au verbe à l'impératif (on met un tiret). Menez-moi. Dites-moi. Là, regardez-moi là durant cet entretien.
   Et jusqu'au moindre mot imprimez-le-vous bien, MOL. Éc. des f. III, 2.
   Ah ! cruel ! par pitié, montrez-moi moins d'amour, RAC. Bérén. V, 5.
   Si le verbe a pour complément direct le, la, les, ces mots se mettent après le verbe et devant moi, avec des tirets. Donnez-le-moi. Prêtez-les-moi.
   Quant à menez-y-moi, voy. la REM. I.
   Il en est de même avec leur, lui, complément indirect. Donnez-leur-moi sur les oreilles.
   Donnez-moi, parlez-moi, etc. sans préposition, ou donnez à moi, parlez à moi, etc. avec la préposition à, ne s'emploient pas indifféremment l'un pour l'autre. On dit donnez-moi lorsqu'on se borne à demander une chose ; et l'on dit donnez à moi lorsqu'on la demande à quelqu'un qui, paraissant ne savoir à qui la donner, est au moment de la donner à un autre.
   Va, bienheureux amant, cajoler ta maîtresse, à cet objet si cher tu dois tous tes discours ; Parler encore à moi, c'est trahir tes amours, CORN. Médée, V, 7.
   Qu'il entre ; à quel dessein vient-il parler à moi ?, CORN. Héracl. II, 4.
   Unulphe, oubliez-vous Que vous parlez à moi, qu'il était mon époux ?, CORN. Perthar. I, 1.
   Mais il est mon époux, et tu parles à moi, CORN. Poly. III, 2.
   Messala, songez-vous que vous parlez à moi ?, VOLT. Brutus, III, 7.
   Donnez-lui donc la main, ajouta-t-il en parlant à moi, CRÉBILLON FILS Lett. de la marq. de M*** XXXV.
   Moi s'emploie comme régime indirect d'une façon explétive et pour donner plus de force à ce qu'on dit (l'idée qui est au fond de cet explétif est : pour moi, en ma faveur, pour me satisfaire). Faites-moi taire ces gens-là. Donnez-leur-moi sur les oreilles.
   Allons, monsieur, faites le dû de votre charge, et dressez-lui-moi son procès comme larron et comme suborneur, MOL. l'Av. V, 3.
   Prends-moi le bon parti, laisse là tous les livres, BOILEAU Sat. VIII.
   Prends-moi dans mon clapier trois lapins de garenne, RAC. Plaid. I, 6.
   Moi, employé seul comme réponse, peut être sujet ou régime direct, et tenir lieu d'une phrase entière. Je partirai demain ; et vous ?Moi, la semaine prochaine. Dans cette phrase il est sujet. Qui a-t-on voulu désigner ? - Moi ; c'est-à-dire on a voulu me désigner. Dans cet exemple il est régime direct.
   Moi peut aussi être complément d'un verbe intransitif.
   Dans un si grand revers que vous reste-t-il ? - Moi, Moi, dis-je, et c'est assez, CORN. Médée, I, 5.
   Moi est régime direct dans les phrases où il est ajouté à d'autres mots qui sont régimes directs. Il a mécontenté ses parents et moi. Il est venu nous voir mon frère et moi.
   Dans un sujet composé où entre le pronom de la 1re personne, c'est de moi qu'on se sert et non de je. Mon avocat et moi sommes de cet avis.
   On peut ajouter explétivement le pronom nous. Vous et moi nous sommes contents de notre sort.
   Mme de Vins et moi nous en attrapons ce que nous pouvons [des relations écrites par Mme de Villars], SÉV. 408.
   Ce sujet composé peut être placé à la fin du membre de phrase. Nous irons à la campagne, lui et moi.
10°   Moi, joint à un nom ou à un autre pronom, ne doit, d'après les convenances de notre politesse, être placé qu'en second, à moins que le nom auquel il est joint ne soit celui d'une personne très inférieure. Vous et moi, sommes de cet avis. Monsieur et moi, nous partons pour la campagne.
   Mais un père dira : moi et mon fils ; un maître dira : moi et mon domestique.
11°   Moi, joint à je, par opposition et réduplication, pour donner plus d'énergie à la phrase, et placé avant le verbe. Vous le voulez, vous ; et moi, je ne le veux pas.
   Moi, je m'arrêterais à de vaines menaces !, RAC. Iphig. I, 2.
   Moi, des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire, RAC. Ath. II, 7.
   Elle ajouta que les gens qui parlaient toujours d'eux-mêmes étaient insupportables, et la force de l'habitude lui fit dire au moment même : moi, je ne parle jamais de moi, GENLIS Ad. et Théod. t. III, p. 340, dans POUGENS.
   Moi placé après le verbe ; cette tournure est souvent familière, tandis que la précédente ne l'est pas.
   Je le savais bien, moi, que vous l'épouseriez, MOL. Femm. sav. V, 5.
   Est-ce que j'ai une de ces physionomies-là, moi ? est-ce qu'on ne saurait s'empêcher de m'aimer quand on me voit ?, MARIVAUX Serm. indiscr. II, 8.
   Et pourquoi ne pas travailler ? je travaille bien, moi, BERN. DE ST-PIERRE Paul et Virginie..
   Moi employé absolument.
   Moi, l'espérance amie est bien loin de mon coeur, A. CHÉN. Élég. XV.
12°   Moi précédant le pronom relatif qui, dont, pronom qui veut nécessairement un antécédent.
   Peut-être que moi qui existe n'existe ainsi que par la force d'une nature universelle, LA BRUY. XVI.
   Si c'est Dieu qui l'a fait [le mal], pourquoi moi qui l'expie ?, LAMART. Joc. VI, 207.
   Le plus souvent dans cette tournure, on reprend la phrase par je. Moi, à qui il a fait tant de mal, je cherche toutes les occasions de le servir.
   Et moi qui l'amenai triomphante, adorée, Je m'en retournerai seule et désespérée, RAC. Iphig. IV, 4.
   Quelquefois moi, au lieu d'être suivi du pronom relatif, l'est d'une apposition. Moi, votre ami, je ne puis vous approuver en cela. Moi, ne songeant à rien, j'allai lui dire ce qui se passait.
   Moi votre ami ? rayez cela de vos papiers, MOL. Mis. I, 1.
   Moi, là-dessus : monsieur, je m'en rapporte à vous qui devez savoir ces choses, P. L. COUR. Pamphlet des pamphlets..
   Lorsque moi précède le pronom relatif et une proposition incidente, le verbe de cette proposition incidente doit être mis à la première personne, et l'on doit dire : moi qui t'aimai et non pas moi qui t'aima. C'est moi qui me nomme Pierre, et non c'est moi qui se nomme Pierre.
   Cette règle n'existait pas au XVIIe siècle, et l'on y trouve moi construit avec qui et un verbe à la 3e personne.
   Et que me diriez-vous, messieurs, si c'était moi Qui vous eût procuré cette bonne fortune ?, MOL. Dép. am. III, 7.
   Ce ne serait pas moi qui se ferait prier, MOL. Sgan. sc. 2.
   Il n'y a que moi qui passe sa vie à être occupée et de la présence et du souvenir de la personne aimée, SÉV. 408.
   Dans ce dernier genre de construction, qui est considéré comme étant de la troisième personne ; quelques langues en usent ainsi, par exemple l'allemand.
13°   Quelquefois moi est seul, et il y a ellipse de je et d'un verbe.
   Moi, trahir le meilleur de mes amis ! Faire une lâcheté, moi ! (c'est-à-dire : Moi, je pourrais trahir le meilleur de mes amis ! Je pourrais faire une lâcheté, moi !) Moi ! le faire empereur ! ingrat, l'avez-vous cru ?, RAC. Brit. IV, 2.
   Je me suis laissé dire que tu voulais nous sabrer. - Moi vous sabrer, bonhomme ?, P. L. COUR. 2e lettre particulière.
   Dans cette tournure elliptique, on se sert quelquefois de que exclamatif.
   Moi, que j'ose opprimer et noircir l'innocence !, RAC. Phèdre, III, 3.
   Dans ces sortes d'exclamations, moi peut se construire avec un adjectif.
   Moi jalouse ! et Thésée est celui que j'implore !, RAC. Phèdre, IV, 6.
   Cette tournure s'emploie quelquefois dans des phrases interrogatives.
   Si ma femme a failli, qu'elle pleure bien fort ; Mais pourquoi moi pleurer, puisque je n'ai point tort ?, MOL. Sgan. SC. 17.
14°   Moi se met aussi par opposition devant ou après me. Voudriez-vous me perdre, moi votre allié ? Moi ! vous me soupçonneriez de vous avoir trahi.
15°   Moi se construit avec les pronoms ce et il dans certaines tournures impersonnelles. C'est moi qui vous en réponds. Il n'y a que moi à qui ces choses-là arrivent.
   C'est moi, prince, c'est moi dont l'utile secours Vous eût du labyrinthe enseigné les détours, RAC. Phèdre, II, 5.
   Je portai ma main sur ce nouvel être ; quel saisissement ! ce n'était pas moi, mais c'était plus que moi, mieux que moi, BUFF. Hist. nat. homme, Oeuv. t. IV, p. 520.
16°   Après une conjonction c'est toujours moi qu'il faut employer. Mon frère et moi. Mon frère ou moi. Mon frère aussi bien que moi. Ni mon frère ni moi. Personne que moi ne lira cette lettre. Nul autre que moi.
17°   De moi, après un nom de personne ou un pronom personnel également précédé de la préposition de, se met quelquefois pour le mien, la mienne. C'est l'opinion de mon frère et de moi que je vous exprime.
18°   À moi, sorte d'exclamation pour faire venir promptement quelqu'un auprès de soi.
   À moi, à moi, soldats ! À moi, Girot, je veux que mon bras m'en délivre [du lutrin], BOILEAU Lutr. IV.
19°   De vous à moi, façon de parler dont on se sert pour témoigner à une personne qu'on lui parle avec sincérité, mais qu'on lui demande le secret. De vous à moi, il ne vaut pas sa réputation.
   On dit dans le même sens : Ceci est de vous à moi, ceci de vous à moi.
   De vous à moi, signifie aussi entre nous deux.
   ....Seigneur bandit, de vous à moi Pas de reproche !, V. HUGO Hernani, II, 3.
20°   Quant à moi, pour moi, façons de parler dont on se sert pour marquer plus particulièrement ce qu'on pense. Quant à moi, pour moi, je sais bien ce qui en est.
   Pour moi, je vous demande un portrait qui soit moi, et qui n'oblige point à demander qui c'est, MOL. le Sicil. 12.
   Quant-à-moi, employé comme un substantif masculin et un seul mot, et signifiant un air fier ou réservé (il est du langage familier). Garder son quant-à-moi.
   Quand nous avons quelque différend, ma soeur et moi, si je fais la froide et l'indifférente, elle me recherche ; si elle se tient sur son quant-à-moi, je vais au-devant, LA FONT. Psyché, II, p. 140.
21°   Moi, après le verbe être, s'emploie comme adjectif.
   Pourtant quand je me tâte et que je me rappelle, Il me semble que je suis moi...., MOL. Amph. I, 2.
   Et peux-tu faire enfin, quand tu serais démon, Que je ne sois pas moi, que je ne sois Sosie, MOL. ib..
   Ces heures sont les seules où je sois pleinement moi, J. J. ROUSS. Prom. 2.
22°   De moi, dans le sens de pour moi, se disait dans le commencement du XVIIe siècle.
23°   Moi se construit avec l'adverbe même pour appuyer sur le mot.
   Il est véritable que, pour pouvoir dire : je veux être content de moi-même et me suffire à moi-même, il faut aussi pouvoir dire : je me suis fait moi-même, ou plutôt, je suis de moi-même, BOSSUET la Vallière..
   Dans un âge plus mûr moi-même parvenu, Je me suis applaudi quand je me suis connu..., RAC. Phèdre, I, 1.
   Il se met en apposition soit après je, soit avant. Moi-même j'irai présenter votre pétition.
   Je viendrai moi-même chercher mes brebis, et je les visiterai moi-même, SACI Bible, Ézéchiel, XXXIV, 11.
   Moi-même s'emploie quelquefois comme sujet du verbe, sans je.
   En longs habits de pourpre attirant les regards, Moi-même au bord des eaux ferai voler les chars, DELILLE Géorg. III.
   Substantivement. Un autre moi-même, voy. même.
24°   Chez moi, dans ma maison. Vous me trouverez chez moi.
   Substantivement. Un chez moi, une maison où l'on habite, où l'on a sa famille.
   Ils [certains auteurs] sentent leurs bourgeois qui ont pignon sur rue, et toujours un chez moi à la bouche, PASCAL Pens. XXIV, 68, éd. HAVET..
25°   S. m. Le moi, l'attachement de quelqu'un à ce qui lui est personnel.
   Le moi est haïssable ; vous, Miton, le couvrez, vous ne l'ôtez pas pour cela ; vous êtes donc toujours haïssable, PASCAL Pens. VI, 20, éd. HAVET..
   Le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout : il est incommode aux autres, en ce qu'il les veut asservir ; car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres, PASCAL ib..
   La nature de l'amour-propre et de ce moi humain est de ne considérer que soi, PASCAL ib. II, 8.
   La piété chrétienne anéantit le moi humain ; la civilisation le cache et le supprime, PASCAL ib. dans COUSIN.
   Le mot moi, dont l'auteur [Pascal] se sert, ne signifie que l'amour-propre ; c'est un terme dont il avait accoutumé de se servir avec quelques-uns de ses amis, Port-Royal, dans HAVET, Rem. sur les Pensées de Pascal, art. 6.
   Le moi, à qui je rapportais tout autrefois, doit être anéanti pour jamais, FÉN. t. XVIII, p. 224.
   À tout propos, dans chaque phrase, Le moi régnant, le moi vainqueur, Est dans sa bouche ainsi que dans son coeur, DELILLE Convers. II.
26°   Le moi, la personne même.
   Oui moi, non pas le moi d'ici, Mais le moi du logis qui frappe comme quatre, MOL. Amph. II, 1.
   Un moi de vos ordres jaloux, Que vous avez du port envoyé vers Alcmène, Et qui de vos secrets a connaissance pleine, Comme le moi qui parle à vous, MOL. ib..
   Parlez-moi sans cesse de tout cela [les affaires de sa fille].... toutes ces choses composent mon vrai moi, SÉV. 3 juill. 1689.
   Vous voyez bien, ma très chère, que ce que je dis de mon moi est aussi ennuyeux que le récit que vous me faites du vôtre est divertissant, SÉV. 26 juin 1680.
   Le voilà donc mort, ce grand ministre [Louvois], cet homme si considérable, qui tenait une si grande place ; dont le moi, comme dit M. Nicole, était si étendu, SÉV. 26 juillet 1691.
   S'il peut renoncer à sa vie, à sa raison, à son moi, J. J. ROUSS. Ém. V.
   Il peut se dire au pluriel et il ne prend pas d's.
   De ce moi qui n'est plus d'autres moi vont renaître, LAMART. Médit. II, Réflexion..
27°   Terme de philosophie. Le moi, la personne humaine en tant qu'elle a conscience d'elle-même, et qu'elle est à la fois le sujet et l'objet de la pensée.
   Le moi consiste dans ma pensée ; donc moi qui pense n'aurais point été si ma mère eût été tuée avant que je fusse animé, PASC. Pens. I, 11.
   Et l'idée du moi, qui exprime si bien l'idée de l'âme, ne marque-t-elle pas une substance unique, simple et absolument indivisible ?, BOULAINVILLIERS Réfut. de Spinosa, p. 331.
   La conscience de son existence, ce sentiment intérieur qui constitue le moi, est composé chez nous de la sensation de notre existence actuelle et du souvenir de notre existence passée, BUFF. Nature des animaux..
   Ce n'est qu'en comparant le sentiment de son état présent avec le souvenir de ses états passés, que l'être pensant juge qu'il est la même personne ou le même moi ; je veux dire que le moi qui éprouve actuellement une telle perception sent qu'il est le même qui avait éprouvé autrefois cette même perception, BONNET Contempl. nat. IV, 13, note 6.
   Le non-moi, tout ce qui n'est pas le moi ; c'est le synonyme de monde extérieur ou d'objet.
   1. Quand le verbe est suivi de y, moi se met après y (avec des tirets). Attendez-y-moi. Menez-y-moi. Vous allez dans votre voiture, donnez-y-moi une place. Ces constructions sont données par le Dictionnaire de l'Académie, qui dit dans un endroit qu'elles sont bizarres, et, dans un autre, ne leur inflige aucun blâme. Des grammairiens veulent qu'on dise : attendez-m'y, menez-m'y, comme on dit : tirez-m'en.
   2. Quand le verbe est suivi de en, moi ne s'emploie plus, c'est me : Donnez-m'en. Voilà l'embarras ; tirez-m'en.
   3. Quand le verbe à l'impératif est accompagné d'une négation, le pronom régime est me, et non pas moi. Ne m'en parlez pas, et non, n'en parlez pas à moi ; ou du moins cette dernière tournure aurait un sens différent ; voy. ci-dessus le n° 5.
   4. Dans l'ancien français, moi n'était jamais employé comme sujet, et l'on disait : je qui vous parle, et non, comme aujourd'hui, moi qui vous parle. On voit la transition se faire au XVIe siècle. Tandis que Montaigne emploie moi comme nous faisons, Rabelais se sert de je : Voulant donc (je, votre humble esclave) accroistre vos passe-temps, Pant. II, Prol. ; et Calvin : Ce ne suis-je pas qui en suis cause, Inst. 146 ; et Marot : Je qui avois ferme entente et attente D'estre en sepulchre honorable estendu, Suis tout debout à Montfaulcon pendu, I, 394. Même au XVIIe siècle, Scarron commence son Virgile travesti par ce vers : <
   5. Dans l'ancienne langue, je n'était pas ou du moins pouvait ne pas être enclitique. Mais, quand il le devint constamment, alors la nouvelle langue usa de moi pour sujet, en place de je. Par le même principe, toutes les fois qu'on a besoin d'une forme qui ne soit pas enclitique, on met moi et non pas me. Me reprend son emploi quand on a besoin d'une forme enclitique.
   IXe s.
   In o quid [pourvu que] il mi altresi fazet [m'en fasse autant], Serment.
   XIe s.
   Si me direz à Charlemagne rei, Qu'il ait merci de mei, Ch. de Rol. VI.
   XIIe s.
   S'irons tornoier, moi et vos, Chev. au lyon, V. 2501.
   Jamais crerez [croirez] bricon, moi ne autrui, Ronc. 11.
   Porprenez moi ces puis [monts] et ces lariz [champs], ib. 57.
   Moi ai perdu et trestote ma gent, ib. 124.
   Baron, amenez moi mon felon boisseor [traître], ib..
   p. 198. Par tantes fois [j'] ai esté assailliz, Que je n'ai mais pooir de moi defendre., Couci, V.
   Ensemble convient remanoir Moi et amour par estouvoir [par devoir], ib. XVIII.
   XIIIe s.
   Tant que la vraie histoire [j'] emportai avec mi, Berte, I.
   Sire, dist-elle, adieu ! saluez moi mon frere, ib. IV.
   Moi ne chaut qu'on en fasse, mais qu'ele soit tuée, ib. XVI.
   La moy place [la place de moi] il prist delez la place le conte d'Eu, pource que il savoit que le conte d'Eu amoit ma compaignie, JOINV. 278.
   Quant ge voi que losengeor, Et traïtor, et envieus Sunt de moi nuire curieus, la Rose, 4056.
   XVIe s.
   Reveille-moi, belle ; Mon coeur est tout endormy, Reveille le my, MAROT I, 197.
   Ce suis-je moi qui suis, et n'y a autre Dieu que moy, CALVIN Instit. 92.
   La seule mort a causé ma tristesse, La seule mort y pourra mettre cesse, Ne m'empeschant plus longuement de suivre Cet autre moy, pour qui j'aimois à vivre, DESPORTES Épitaphe, Diane, Complainte..
   Ce seroit cesser d'estre moy, Que de cesser d'aimer ma dame, DESPORTES Amours d'Hippolyte, XXII, chanson..
   Las ! que puis-je avoir fait, o moy, pauvre insensé, Qu'Amour de plus en plus mes douleurs renouvelle ?, DESPORTES ib. XXIII.
   Laisse moy l'astrologie divinatrice et l'art de Lullius, comme abuz et vanitez, RABEL. Pant. II, 8.
   Moy qui ay...., MONT. I, 16.
   Moy, selon leur licence et impunité, admire de les voir...., MONT. I, 170.
   Ceuxlà se moquent de toi, Diogenes. Et je ne me sens pas mocqué, moy, respondit-il, AMYOT Comm refréner la col. 30.
   Pic. et wall. mi ; provenç. mi, mei ; espagn. portug. et ital. mi ; du lat. mihi ; allem. mich ; angl. me ; sanscr. ma. La forme ancienne est mei, mi, à côté de moi ; ce qui exclut l'accusatif latin me.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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