- joindre
- (join-dr'), je joins, nous joignons ; je joignais, nous joignions ; je joignis ; je joindrai ; je joindrais ; joins ; joignons ; que je joigne, que nous joignions ; que je joignisse ; joignant ; joint v. a.1° Mettre des choses l'une à côté de l'autre, en sorte qu'elles se touchent ou qu'elles tiennent ensemble. Joindre deux planches avec de la colle forte, avec des chevilles. Joindre deux morceaux d'étoffe en les cousant ensemble.Joindre deux fleuves, les faire communiquer par un canal.• Rien n'est plus aisé en Allemagne que de joindre le Rhin au Danube ; mais on a mieux aimé s'égorger et se ruiner pour la possession de quelques villages que de contribuer au bonheur du monde, VOLT. Dict. phil. Chemins..Fig.• Votre hymen est le noeud qui joindra les deux mondes, VOLT. Alz. I, 1.• Tout à de tristes nuits joint de plus tristes jours, CRÉBILLON Atrée et Thyeste, II, 2.Joindre les mains, approcher les deux mains en sorte qu'elles se touchent en dedans.Terme de manége. Joindre la piste, marcher au plus près, le long du mur du manége.2° Mettre une chose avec une autre. Joignez cette maison à la vôtre. Il a joint ces deux jardins.• J'avais mis cette bague en des mains assez bonnes Pour la rendre à Don Sanche, et joindre nos couronnes, CORN. D. Sanche, V, 8.• Joindre nos étendards, c'est grossir son empire, CORN. Sertor. III, 4.• Je veux que monsieur le chevalier joigne les deux saisons des eaux par un hiver en Provence, SÉV. 13 juill. 1689.Fig. et familièrement. Avoir de la peine à joindre les deux bouts de l'année, ou, simplement, à joindre les deux bouts, voy. bout, n° 7.Il faut joindre nos bribes, c'est-à-dire il faut apporter chacun notre dîner et dîner ensemble.Terme de procédure. Joindre deux instances, deux causes. Joindre un incident à l'instance principale. Joindre le profit du défaut, Code de procédure, article 153 : " Si de deux ou plusieurs parties assignées, l'une fait défaut et l'autre comparaît, le profit du défaut sera joint, et le jugement de jonction sera signifié à la partie défaillante.... " c'est-à-dire qu'au lieu d'adjuger immédiatement au demandeur le profit du défaut fait par un des défendeurs, c'est-à-dire de faire, par suite de ce défaut, triompher la demande, on joint la cause du défaillant à celle des défendeurs qui ont comparu, pour examiner le tout ensemble et statuer par un jugement qui ne sera plus susceptible d'opposition.En grammaire, joindre un mot à un autre, avec un autre, les unir selon la syntaxe. Joindre un verbe au pronom personnel, avec le pronom personnel.Ajouter.• Joignez à cela qu'il faut.... Il va sur tant d'États couronner Bérénice, Pour joindre à plus de noms le nom d'impératrice, RAC. Bérén. I, 4.• Enfin il se trouva un chef nommé Jean Basilidès ou fils de Basile, homme de courage, qui anima les Russes, s'affranchit de tant de servitude et joignit à ses États Novogorod et la ville de Moscou, VOLT. Moeurs, 119.3° Fig. Unir, allier.• Ils habitaient un bourg plein de gens dont le coeur Joignait aux duretés un sentiment moqueur, LA FONT. Phil. et Baucis..• Si Vasquez les [les conséquences] avait mal tirées de son principe, il aurait joint une faute de jugement avec une erreur dans la morale, PASC. Réfut. de la réponse à la 12e lett..• Faites-lui écrire quelque honnêteté : il ne faut pas joindre le silence avec le long retardement, SÉV. 27 mai 1672.• Cette grande charge reçut un nouvel éclat en sa personne, où elle était jointe à la confiance du prince, BOSSUET, le Tellier Sous prétexte qu'ils adoraient le Dieu d'Israël, quoiqu'ils en joignissent le culte à celui de leurs faux dieux, ID. ib. I, 8.• Sa femme Zénobie ... se rendit célèbre par toute la terre pour avoir joint la chasteté avec la beauté et le savoir avec la valeur, BOSSUET Hist. I, 10.• Jean Frédéric.... souverain puissant, qui avait joint le savoir avec la valeur, la religion catholique avec les vertus de sa maison, BOSSUET Anne de Gonz..• La princesse palatine joignit au respect qu'elle avait pour une aînée de ce rang et de ce mérite [la reine de Pologne] une éternelle reconnaissance, BOSSUET ib..• Je viens vous faire admirer un homme qui a su joindre la politesse du temps à la bonne foi de nos pères, FLÉCH. Duc de Mont..• Ne doutez point.... Qu'à la haine bientôt ils ne joignent l'audace, RAC. Bajaz. I, 1.• Il veut forcer mes mains à seconder sa rage.... Joindre un droit légitime aux droits des assassins, VOLT. Oreste, II, 5.4° Joindre, en parlant des personnes, les associer, les unir par un lien moral.• L'amitié nous joignit bien plus que la nature, ROTR. Antig. III, 7.• Un ami, qui m'est joint d'une amitié fort tendre, MOL. Tart. V, 6.• C'est proprement depuis ce temps (que M. de Saint-Cyran veut qu'on appelle le commencement de la vie), que nous devons nous considérer comme véritablement parents, et qu'il a plu à Dieu de nous joindre aussi bien dans son nouveau monde par l'esprit, comme il avait fait dans le terrestre par la chair, PASC. Lett. 1er avril 1648.• Mais ce lien du sang qui nous joignait tous deux, RAC. Brit. IV, 2.• Ah ! par quel soin cruel le ciel avait-il joint Deux coeurs que l'un pour l'autre il ne destinait point ?, RAC. Mithr. II, 6.• De l'amour qui vous joint vous avez d'autres noeuds, RAC. Iphig. V, 3.• L'hymen qui va nous joindre unit nos intérêts, VOLT. Mérope, III, 6.Réunir dans le mariage.• Dois-je joindre ma main à la main qui te tue ?, DU RYER Scévole, III, 3.• Lorsqu'un heureux hymen, joignant nos destinées, Peut payer en un jour les voeux de cinq années, RAC. Bérén. II, 2.• Oedipe à cette reine a joint sa destinée, VOLT. Oed. I, 1.Réunir dans la mort.• Joins Sabine à Camille, et ta femme à ta soeur, CORN. Hor. IV, 7.• Dieu s'apprête à te joindre à la race parjure...., RAC. Athal. III, 5.• Jeune Soyecour..., je plains cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide frère, LA BRUY. X.• Joins un malheureux père à son malheureux fils, CRÉBILLON Atrée et Thyeste, V, scène dernière.5° Se réunir à, en parlant de troupes qui font leur jonction, de personnes qui se mettent ensemble. L'escadre a joint l'armée navale. Le régiment a joint sa division.• Il se voyait perdu, s'il ne vous eût pas joint, CORN. Sertor. II, 2.• Nos rois lassés du joug et vos persécutés Avec tant de chaleur l'ont joint de tous côtés...., CORN. Sertor. V, 1.• Les Romains pour le joindre [un gros de troupes] ont suspendu leurs coups, RAC. Mithr. V, 4.Absolument.• Notre gauche marcha avec les maréchaux de Villeroy et Boufflers, lequel avait joint depuis deux jours, SAINT-SIMON 23, 4.Terme de marine. Joindre un navire, l'atteindre en le chassant, ou quand on cherche à le rallier.6° Atteindre, attraper. Quoiqu'il fût parti avant moi, je le joignis bientôt.S'approcher de quelqu'un pour se réunir à lui.• Il joint nos députés hier sur la fin du jour, CORN. D. Sanche, V, 3.• Allons vite joindre notre provincial, MOL. Pourc. I, 4.• Timante, toujours le même, ne laissait pas de dégénérer dans l'esprit des courtisans : ....ils le saluaient froidement.... ils commençaient à ne le plus joindre, ils ne l'embrassaient plus, LA BRUY. VIII.• Il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis, LA BRUY. IX.• Revolez à mon camp, je vous joins dans une heure, VOLT. Sophon. III, 2.Joindre quelqu'un, se rencontrer avec lui, parvenir à le trouver et à lui parler.• Je suis bien difficile à joindre ; j'ai plus d'affaires que jamais, MAINTEN. Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 225, dans POUGENS.• Ceux qu'il pouvait joindre se laissaient séduire par les seuls présents dont leur ignorance leur permît de faire cas, RAYNAL Hist. phil. IX, 11.7° Être joignant, contigu.• Au travers de la tapisserie D'un petit cabinet qui joint la galerie, MAIRET Soliman, III, 2.• Cabane qui joignait les murs du parc, HAMILT. Gramm. 9.• On ne faisait pas réflexion que douze villages qui joignent un État valent mieux qu'un royaume à quatre cents lieues de chez soi, VOLT. Moeurs, 107.8° V. n. Se toucher sans laisser d'interstice, être joint. Ces planches ne joignent pas. Faire joindre deux ais.• Jamais pour mon malheur porte ne joignit mieux, RAIM. POISSON, Bar. de la crasse, sc. 2.Terme de marine. Les écoutes du petit hunier sont à joindre quand elles sont halées autant que possible, et de même dans les cas semblables.9° Se joindre, v. réfl. Être joint.• Montrons dans un prince admiré de tout l'univers que ce qui fait les héros, ce qui porte la gloire du monde jusqu'au comble.... ne serait qu'une illusion si la piété ne s'y était jointe, BOSSUET Louis de Bourbon..• Comptez les temps, voyez qu'il touche à peine à l'âge Où la force commence à se joindre au courage, VOLT. Oreste, I, 2.• À cette amabilité se joignait le plus grand sens, la plus rare prudence et la plus solide vertu, MARMONTEL Mém. III.10° Se réunir à, en parlant de personnes.• Je me joins avec vous contre cet insensé, CORN. Poly. V, 3.• Ce voyage proposé donna envie à Mme la duchesse de Chaulnes de le faire aussi ; je me joignis à elle, SÉV. 13 nov. 1687.• Sous lui [le Messie], un peuple inconnu se joindra au peuple d'Israël, et les gentils y accourront de tous côtés, BOSSUET Hist. II, 4.S'associer, s'unir. Je me joins à vous pour supplier votre ami d'être plus prudent.• Ce traître [Nabopolassar].... se joignit avec Astyage, fils de Cyaxare, prit Chinaladan dans Ninive, BOSSUET Hist. I, 7.• Me sera-t-il permis de me joindre à vos voeux ?, RAC. Iphig. II, 3.• Il craignit, en se joignant avec Antoine, que ce général ne prétendît être reconnu pour le chef du parti, VERTOT Rév. rom XIV, 329.11° Se rencontrer en se cherchant l'un l'autre. Depuis huit jours que nous sommes à Paris, nous n'avons pu nous joindre une seule fois.12° S'accoupler.• Le bouc s'accouple volontiers avec la brebis, comme l'âne avec la jument, et le bélier se joint avec la chèvre comme le cheval avec l'ânesse, BUFF. Quadrup. t. I, p. 255.JOINDRE, ACCOSTER, ABORDER. On joint les personnes qu'on va chercher. On accoste une personne que l'on rencontre et que l'on connaît ou que l'on ne connaît pas. On aborde une personne que l'on connaît.XIe s.• Qu'il deviendra, jointes ses mains, tis homs [ton homme, ton vassal], Ch. de Rol.• xv. En Roncevals à Rolant irai juindre, ib. LXXII.XIIe s.• La damoisele a regardé Bernier, Qui plus est joins [bien bâti] que faus [faucon] ne esprevier, Raoul de C. 219.• Le cheval [il] broche, si se joint en l'escuz [se couvre de l'écu], Ronc. p. 90.• Les deux piez [il] juint, si saut en son estal, ib. p. 144.• E li maschun [maçons] Salomun e li maschun Yram les taillerent [les pierres] e parerent, juinstrent e acuplerent de primes as munz, Rois, p. 245.XIIIe s.• L'eschiele de la Pelerine [nom d'un navire] se joint à la tor, VILLEH. CIV.• Ne doit vendre ne apporter pour vendre cuir tanné, ne faire marchié, ne joindre [toucher dans la main], ne bailler deniers à Dé [Dieu], DU CANGE junctura..XVe s.• Quand il oyoit le commandement du duc, il se jetoit à genoux de vant lui en plourant moult tendrement et joindant les mains, FROISS. II, III, 63.• S'avisa qu'il videroit [sortirait] par derriere, et s'en iroit en une eglise qui joignoit près de son hostel, FROISS. I, I, 248.• Et afin qu'elle semble droiste, Luy fault faire sa robe estroicte Par les flans, et soit bien estraincte Afin qu'elle semble plus joincte, E. DESCH. Poésies mss. f° 497.• Sault sur son cheval de plaine terre, et embrasse l'escu, et se joinct en ses armes, Perceforest, t. I, f° 147.• Le suppliant courut après icellui Pierre, et, incontinent qu'il fut joinct [près de lui], il lui bailla sur l'espaule un coup de la fourche, DU CANGE juxta..• Et disoient aussi que le duc de Calabre avoit envoyé homme exprès à Venise pour empoisonner les cisternes, au moins celles où ils pourroient joindre, COMM. VII, 4.• Au temps que le duc estoit joinct avecques luy et son allié, COMM. I, 2.• Le conte de Magne [qui était détaché avec 800 hommes] s'estoit joinct avec le roy, COMM. I, 3.• Pour avoir le passaige de Luxembourg en Bourgongne, et que toutes les seigneuries joignissent ensemble, COMM. IV, 12.XVIe s.• Les memoires excellentes se joignent volontiers aux jugements debiles, MONT. I, 134.• Joinct que personne ne tient registre de leurs mescontes, MONT. I, 46.• On plante les cimetieres joignant les eglises, MONT. I, 80.• La mer a joinct des terres qui estoyent divisées, MONT. I, 231.• Ce que dict Seneque ne joindra pas mal en cet endroict, MONT. III, 91.• Chercher à joindre quelqu'un, MONT. IV, 114.• C'estoient hommes belliqueux et hardiz, qui joignoient de près leur ennemy en bataille, AMYOT Thésée, 5.Provenç. junher, jonher, jonger, joinher ; catal. junyer ; ital. giugnere ; du lat. jungere ; sanscr. yuj, qui prend l'n comme caractéristique de classe : yunajmi, je joins ; yunjmas, nous joignons.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.