- geler
- (je-lé. La syllabe ge prend un accent grave, quand la syllabe qui suit est muette : je gèle, je gèlerai) v. a.1° Transformer en glace, durcir par le froid. Le froid a gelé l'eau du bassin, le vin dans les caves.2° Par extension, détruire la vie dans les plantes, dans leurs boutons, dans leurs fleurs. Le froid a gelé les vignes.On dit dans un sens analogue. Le froid lui a gelé les doigts, le bout des oreilles.3° Par exagération. Causer du froid. Voilà une porte qui nous gèle. Vous avez les mains si froides que vous me gelez. Je suis gelé de froid, ou, simplement, je suis gelé.Fig. Cet homme gèle ceux qui l'abordent, son froid accueil les met mal à l'aise.• Il nous gèle le sang, l'âme et le jugement, RÉGNIER Sat. XVI.4° V. n. Se congeler. La rivière a gelé.• Le thermomètre est ici [Ferney] à treize degrés et un quart au-dessous de la glace ; l'encre gèle, VOLT. Lett. Richelieu, 6 janv. 1768.Il se dit du mal que le froid cause aux végétaux ou à l'homme.• Seigneur Bacchus, laissez geler les Vignes, et ne me refusez pas votre protection pour me faire débiter le vin vieux qui me reste, DANCOURT Impromptu de Surène, sc. 6.• Il dit.... que nous serons la cause Que dans ce pays-ci les vignes gèleront, FAVART Annette et Lubin, sc. 7.• Les doigts de beaucoup d'autres gelèrent sur le fusil qu'ils tenaient encore et qui leur ôtait le mouvement nécessaire pour y entretenir un reste de chaleur et de vie, SÉGUR Hist. de Nap. IX, 11.Par exagération. Avoir un froid excessif. Cette chambre est si froide qu'on y gèle.Fig. N'avoir personne autour de soi, comme auditeurs ou autrement, ce qui rend froide la salle où l'on est.• De l'amitié le prix fut laissé là ; Et la déesse en tous lieux célébrée, Jamais connue et toujours désirée, Gela de froid sur ses sacrés autels, J'en suis fâché pour les pauvres mortels, VOLT. Temple de l'amit..• Cet homme au désespoir de geler de froid seul dans son auditoire, VOLT. Dict. phil. Chim..5° Impersonnellement. Il gèle très fort.• Il n'a pas gelé un moment et il a plu tous les jours, SÉV. 13.• Il gèle à pierre fendre, SÉV. 99.• Il y a très peu de pays où il gèle dans les plaines en deçà du 35e degré de latitude, surtout dans l'hémisphère boréal, BUFF. Théor. terr. Part. hyp. Oeuv. t. IX, p. 340, dans POUGENS..Il a gelé blanc, il y a eu une gelée blanche.6° Se geler, v. réfl. Être transformé en glace. Le mercure se gela dans les thermomètres.Être durci par le froid.• Leurs habits mouillés se gèlent sur eux ; cette enveloppe de glace saisit leurs corps et raidit tous leurs membres, SÉGUR Hist. de Nap. IX, 11.Par exagération. Avoir très froid. Je me gèle ici à vous attendre.• Au creux de cette grotte fraîche Où l'amour se pourrait geler, ST-AMANT dans RICHELET.PROVERBE Plus il gèle, plus il étreint, c'est-à-dire les derniers malheurs sont plus accablants, plus difficiles à supporter que les premiers.XIIIe s.• Li ciex [le ciel] fu cler et estelez, Et li vivier se fu gelez, Ren. 1136.• Et sachiés que il negoit et gieloit à celui point que il se parti de la ville, H. DE VALENC. XIV.XIVe s.• Environ la Toussaint, quant il fait cler temps, et il a ung peu gelé, Modus, f° CXXVII.• Dès la Toussains sont feves de marais ; mais, afin que icelles ne gellent, on en plante vers Noel et en janvier et fevrier, Ménagier, II, 2.XVIe s.• Un vent se leve et un temps si divers Qu'il ressembloit aux plus gelés hivers, ST-GELAIS 44.• Quand les vignes gelent en mon village, MONT. I, 170.• Pour encrouster les pores contre les coups de l'air et du vent gelé qui tiroit lors, MONT. I, 261.• Ce qui se remue n'est pas gelé, ce qui n'est pas gelé est liquide, MONT. II, 168.• Antigonus, se tournant de devers Aratus, luy demanda s'il sentoit point de froid ; Aratus lui respondit qu'il geloit, AMYOT Arat. 53.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.