- fermer
- (fèr-mé) v. a.1° Arrêter, fixer. C'est le sens propre de ce verbe conservé seulement dans ce terme de navigation : fermer un bateau, l'arrêter ou l'attacher ; et dans ce terme de droit coutumier : rendre le témoignage appelé ferme ; et dans ce terme d'architecture : fermer une baie de porte ou de croisée, établir sur ses pieds-droits une arcade ou une plate-bande, ou y poser des linteaux ; et dans ce terme de grammaire : fermer l'e, fermer une voyelle, lui donner le son fermé.2° Appliquer, mettre ferme une chose qui sert à clore. Fermez la porte, la fenêtre, les contrevents.Fermer la porte à quelqu'un, l'empêcher d'entrer.Fermer la porte sur quelqu'un, sur soi, fermer la porte après que quelqu'un est entré ou sorti, fermer la porte en entrant ou sortant.Familièrement. Fermer la porte au nez de quelqu'un, à quelqu'un, pousser rudement la porte contre lui au moment où il se présente pour entrer.Fig. Fermer la porte à quelqu'un, ne pas le recevoir.• Elle m'avait fait fermer sa porte le matin, mais elle me reçut le soir, GENLIS Ad. et Théod. t. I, lett. 3, p. 7, dans POUGENS.Absolument. Fermer sa porte, refuser toute visite.Se faire fermer la porte, éprouver le refus d'être admis.• Anacréon et les gens de sa sorte, Comme Waller, Saint-Évremont et moi, Ne se feront jamais fermer la porte ; Qui n'admettrait Anacréon chez soi ? Qui bannirait Waller et la Fontaine ?, LA FONT. Lett. XVIII.Toutes les portes lui sont fermées, il n'est reçu nulle part.Fig. La porte des emplois, des honneurs, lui est fermée, il n'a aucun moyen d'obtenir une place, des dignités.Fig. et poétiquement. Fermer les portes du temple de Janus, les portes de la guerre, faire la paix (voy. janus).Fig. Fermer la porte aux désordres, aux abus, les empêcher, les prévenir.Fermer la porte aux mauvaises pensées, aux mauvais conseils, les éloigner, les rejeter.Fermer ses portes, se dit d'une ville qui se décide à résister à un ennemi.• Il n'y eut que Samé, qui, après avoir fait sa soumission comme les autres, s'en repentit et ferma ses portes aux Romains, ROLLIN Hist anc. Oeuvres, t. VIII, p. 448, dans POUGENS.3° Par extension, clore ce qui est ouvert. Fermer une chambre, un magasin, un secrétaire, une armoire, une malle. Fermer une boutique.• L'ange du Seigneur se fit voir armé de l'épée, et ferma pour jamais l'entrée de ce jardin de délices, BOURDAL. Exhort. Crucif. et mort de J. C. t. II, p. 175.Fig. et familièrement. Fermer boutique, cesser de travailler ou de vendre en boutique, quitter le commerce.Terme d'architecture. Fermer une voûte, en poser la clef. Fermer un cours d'assises, en poser la dernière pierre.Terme de marine. Fermer un port, en barrer l'entrée ; mettre embargo sur les navires qui s'y trouvent. Fermer une batterie, en laisser tomber les mantelets. Fermer une voile, la brasser au vent. Fermer l'angle, se placer de manière à apercevoir deux objets sur une même ligne.4° Par analogie. Fermer un robinet.Fermer un tiroir, le faire rentrer dans le meuble où il est emboîté.Fermer les rideaux, tirer les rideaux.• Brinon, mon ami, lui dis-je, avec un grand soupir, fermez le rideau, je suis indigne de voir le jour, HAMILT. Gramm. 3.5° Rapprocher l'une contre l'autre des parties dont l'écartement figurait une ouverture. Fermer un couteau, des ciseaux. Fermer un sac. Fermer un livre. Fermer la main.Fermer une lettre, un paquet, plier et cacheter une lettre, un paquet.Fermer les yeux, rapprocher les paupières, de sorte qu'on ne voit plus. Il ferma les yeux à cause du jour trop vif.• Et qui me trouve mal n'a qu'à fermer les yeux, MOL. Éc. des maris, I, 1.Par extension. Fermer les yeux, mourir.Familièrement. Ne pouvoir fermer l'oeil, les yeux, ne pouvoir dormir.• Mais en ma chambre à peine ai-je éteint la lumière, Qu'il ne m'est plus permis de fermer la paupière, BOILEAU Sat. VI.Fig. Fermer les yeux sur quelque chose, faire semblant de ne pas s'apercevoir de ce qui a lieu.• Et moi fermant les yeux sur ce noir attentat, CORN. Rodog. III, 3.• Sur tout ce que j'ai vu, fermons plutôt les yeux, RAC. Baj. IV, 4.Absolument.• Se voyant tromper, elle fermait les yeux, CORN. Rodog. I, 7.• J'aimai mieux fermer les yeux, pour ne pas voir les artifices, FÉN. Tél. XIII.• Plusieurs jésuites se cachèrent dans des provinces éloignées, d'autres dans Kanton même, et on ferma les yeux, VOLT. Dict. phil. Chine..Fermer les yeux à quelque chose, se refuser à voir ce qui est évident, à croire ce qui est certain. Fermer les yeux à la vérité, à l'évidence.• ....Je fermais les yeux à ce nouvel ennui, CORN. Oedipe, II, 2.Fermer les yeux à quelqu'un, empêcher qu'il ne voie les choses telles qu'elles sont.• Thésée ouvre vos yeux en voulant les fermer [sur le mérite d'Aricie], RAC. Phèdre, I, 1.• À tant d'attraits, amour, ferme ses yeux, RAC. Andr. II, 3.• Mon amour pour ma patrie ne m'a jamais fermé les yeux sur le mérite des étrangers, VOLT. Mérope, lett..Fermer les yeux, intercepter la vue.• Il la rendit [la justice], sans l'amollir, douce et traitable ; il leva le bandeau qui fermait ses yeux, et lui laissa jeter des regards de pitié sur les misérables, FLÉCH. Lamoignon..Fermer les yeux à quelqu'un, rapprocher ses paupières après qu'il est mort ; et fig. l'assister dans ses derniers moments.• Céphise, c'est à toi de me fermer les yeux, RAC. Andr. IV, 1.• Je croyais que tes mains fermeraient mes yeux, FÉN. Tél. XVII.• Le fils se revêt des dépouilles du père, lui ferme les yeux, MASS. Carême, Mort..• Tes triomphantes mains vont fermer ma paupière, VOLT. Brutus, IV, 6.Fermer les yeux, signifie quelquefois faire cesser de vivre.• Aux uns à qui la mort allait fermer les yeux, Leurs libérales mains ouvraient déjà les cieux, VOLT. Henr. x..Fermer la bouche, rapprocher ses lèvres de manière que la bouche ne soit plus ouverte.Fermer la bouche, se dit d'une cérémonie dans laquelle le pape impose les doigts sur la bouche d'un nouveau cardinal pour l'avertir qu'il n'a point encore voix délibérative.Fig. Fermer la bouche à quelqu'un, lui imposer silence d'autorité, ou le réduire à ne pouvoir répondre.• Ah ! l'on s'efforce en vain de me fermer la bouche, RAC. Brit. III, 3.• Le duc de Sulli représenta au roi combien l'admission des jésuites était dangereuse, mais Henri lui ferma la bouche en lui disant : ils seront bien plus dangereux encore si je les réduis au désespoir, VOLT. Hist. parl. ch. 42.Le respect me ferme la bouche, il m'interdit de parler.• Approuvez le respect qui me ferme la bouche, RAC. Phèd. IV, 2.Fermer la bouche à la médisance, à la calomnie, aux médisants, obliger les médisants, les calomniateurs à se taire.Fig. Fermer le coeur de quelqu'un à un sentiment, l'empêcher de l'éprouver.• Elle ferme le coeur à tout sentiment de piété, MASS. Carême, Pass. 2.• Mais une telle offense Ferme à la fin mon coeur à la reconnaissance, VOLT. Adél. III, 3.Absolument. Fermer le coeur, y étouffer les sentiments naturels.• On a pu le déchirer [mon coeur], le fermer, mais non le flétrir, GENLIS Mlle de la Fayette, p. 234, dans POUGENS.Fermer son coeur à quelqu'un, cesser d'avoir pour lui de l'affection, et aussi lui cacher les sentiments qu'on éprouve, les pensées qu'on a.Fermer son coeur, signifie aussi se refuser à.• Il a fermé son coeur à tous nos plaisirs, FÉN. Tél. IX..Fermer l'oreille à quelque chose, ne pas l'écouter. Fermer l'oreille aux louanges.• Fermons l'oeil aux présents et l'oreille à la brigue, RAC. Plaid. II, 4.Fermer l'oreille à la calomnie, aux médisances, ne point y ajouter foi.Fermer sa bourse, en nouer les cordons ; et fig. cesser de prêter de l'argent. Je lui al fermé ma bourse.6° Fermer une plaie, la cicatriser.• C'est en fermant la plaie y verser du poison, CORN. Cinna, II, 2.Fig. Fermer une plaie, des plaies, réparer des maux.• Nous sommes demeurés d'accord que nous étions obligés de part et d'autre de travailler de tout notre pouvoir à remédier au schisme qui nous sépare, et à fermer une si grande plaie, BOSSUET Projet de réunion des protestants, récit..• Il fallait du temps pour fermer les plaies de la Livonie, Pays abondant, mais désolé par quinze ans de guerre, par le fer, par le feu et par la contagion, VOLT. Hist. Charles XII, 8.7° Rendre un passage difficile, impossible. Des bancs de sable ferment l'entrée du port. Fermer un chemin, un passage. L'avenue est fermée par des barrières.• Ils s'arrêtaient autrefois à Coulpy, mais avec le temps ils ont osé braver les courants, les bancs mouvants et élevés qui semblaient fermer la navigation du fleuve, RAYNAL Hist. phil. III, 30.Terme de chemin de fer. Fermer la voie, présenter la face rouge du disque mobile pour avertir de s'arrêter lorsque la voie est obstruée par une cause quelconque.8° Empêcher l'accès, repousser. Une armée fermait le passage. Fermer les mers.• J'en rends grâces au ciel, qui, m'arrêtant sans cesse, Semblait m'avoir fermé le chemin de la Grèce, RAC. Andr. I, 1.• Et tout ce vain amas de superstitions, Qui ferment votre temple aux autres nations, RAC. Athal. I, 4.Fig.• Le respect et la crainte Ferment autour de moi le passage à la plainte, RAC. Bérén. II, 2.Fig. Fermer à quelqu'un le chemin des honneurs. Cette carrière lui est fermée.9° Enclore, Fermer une ville, un parc.• Il [Quintius] envoya ses soldats couper du bois pour avoir de quoi fermer son camp lorsqu'il en serait besoin, MALH. le XXXIIIe livre de T. Live, chap. 5.Fermer une parenthèse, mettre le signe qui la termine.Fig. Fermer la parenthèse, terminer une digression, revenir à son sujet.10° Cesser, suspendre des travaux, des exercices, des réunions. Fermer les clubs. Fermer un atelier.• Les temples du paganisme furent renversés, les portes des écoles ecclésiastiques fermées, les philosophes dispersés, DIDER. Opin. des anc. phil. (éclectisme)..Fermer le palais, le théâtre, faire cesser la plaidoirie, les spectacles.• Donnons vite bien des comédies nouvelles ; car, lorsque les jansénistes seront les maîtres, ils feront fermer les théâtres, VOLT. Lett. d'Argental, 15 août 1761.Fermer un bureau, y faire cesser le travail des employés à une certaine heure, ou cesser momentanément de le tenir ouvert aux personnes qui y ont affaire.11° Arrêter, clore, terminer. Fermer une liste. Fermer un débat, une session.• Meurs, misérable prince, et d'une main hardie Ferme l'acte sanglant de cette tragédie, MAIRET Sophon. V, 9.• Tout mourant il te force, et fait dire à l'envie Qu'un si grand conquérant n'eût jamais pu fermer Par un plus digne exploit une si belle vie, CORN. Inscr. mises sur des estampes, XX, prise de Perpignan..• La réflexion qui va fermer ce discours, BOSSUET 1er sermon, Concept. 1.• L'abbé de Chaulieu ferma ce siècle par trois ou quatre pièces de poésie qui partent du coeur, ou qui semblent en partir, VOLT. Mél. littér. Lett. de la Visclède, 1776.• Gabriel Biel naquit à Spire ; il ferma la troisième période de la philosophie scolastique, DIDER. Opin. des anc. philos. (scolastiques)..Fermer la marche, marcher le dernier.• Les chariots rangés quatre à quatre fermaient la marche, ROLLIN Hist. anc. Oeuvres, t. II, p. 271, dans POUGENS.• Ses esclaves, son époux, les parents et les amis fermaient la marche, GENLIS Veillées du château t. II, p. 34, dans POUGENS.12° Terme de domino. Fermer le jeu, se dit au domino quand on pose un dé auquel personne ne peut en adapter un autre.13° Terme de manége. Terminer entièrement une figure. Il se dit surtout du travail de deux pistes. Fermer la volte, la passade.14° V. n. Être bien clos. Cette porte ferme bien.N'être plus ouvert. Les portes de la ville ferment à telle heure. Ce magasin ferme de bonne heure.Ne pas tenir ouvert. Les marchands ferment les jours de fête.Fermer la porte, les portes. On vient de fermer, personne n'est plus admis.Servir à clore. Cette serrure ferme bien, ferme mal.15° Terme de bourse. Les cours ont fermé à tel taux, c'est-à-dire le taux était tel quand les derniers cours ont été cotés, quand la bourse a fermé.16° Se fermer à, v. réfl. S'arrêter à, prendre comme résolution dernière (sens qui vieillit et qui dépend du premier sens de fermer).• M. de Beauvilliers ne trouva jamais mieux [que Torcy] à mettre en sa place, et il se ferma à l'y laisser, SAINT-SIMON 305, 229.• Le roi s'était fermé à n'accorder plus de survivances, SAINT-SIMON 6, 78.17° Être clos, cesser d'être ouvert. Cette porte se ferme d'elle-même. Les bourses se sont fermées, c'est-à-dire l'argent est rare.• Tout chemin d'acquérir se ferme à la vieillesse, RÉGNIER Sat. XIII.• Abîmes, fermez-vous ! fantôme horrible, arrête, VOLT. Sémir. I, 5.Fig. Son coeur va se fermer pour moi.18° Les yeux se ferment, quand les paupières se rapprochent. Le sommeil s'empara de lui, et ses yeux se fermèrent.Ses yeux se ferment, il meurt.• Hippias, étendu par terre, se roule dans la poussière, ses yeux se ferment à la lumière, FÉN. Tél. XVI.• Mes yeux seront témoins de votre fier cou rage, Et vous auront vu vaincre avant de se fermer, VOLT. Tancr. I, 1.Fig. Ses yeux se ferment, il ne veut pas voir la réalité.• Tes yeux s'étaient fermés sur les bords de l'abîme, VOLT. Alz. V, 2.19° Se cicatriser. La plaie commence à se fermer.20° La nuit se ferme, elle devient tout à fait obscure.• La nuit se ferma, mais la porte ne s'ouvrit pas, HAMILT. Gramm. 9.21° S'enfermer.• Oui, tout cesse, on n'entend qu'un cri triste et sauvage ; On charge les fusils, on se ferme, on s'endort, J. J. AMPÉRE Rev. des Deux-Mondes, juillet 1847, p. 236.XIe s.• Esperons d'or ad en ses piez ferme [fixés], Ch. de Rol. XXVI.XIIe s.• Et l'aigle d'or sus el pomel fermer [fixer], Ronc. p. 8.• À trois clos d'or [il] ferma son gonfanon, ib. p. 71.• [Elle] Ferma les huis et serra durement, ib. p. 172.• tut le plus del jur ert [il était] en un suen oratur, E fermout l'uis sur sei, th. le mart. 101.• Quant li arcevesques comença à parler, Et sa cause en latin gentement à mustrer, Cil le comença lues [aussitôt] par tut à traverser ; Quida qu'hum li eüst fait la cause fermer [apprendre par coeur], E, se um le desturbast, nel seüst parfiner, ib. 57.XIIIe s.• Si virent la cité fermée [fortifiée] de haus murs et de grans tours, VILLEH. XLIV.• Et ele a bien fermée [retenu] sa leçon, HUES DE LA FERTÉ Romanc. p. 184.• Puis la [la ville] frema [fortifia] dus Naymes de Baviere autrement, Berte, IX.• Amors a si mon cuer donté, Qu'il n'est mais à ma volenté ; Ains le justise si forment, Qu'il i a faite clef fermant, la Rose, 3096.XVe s.• Et vinrent jusques à une grosse ville que on appelle Fontaine-sur-Somme ; si l'ardirent toute et roberent ; car elle n'estoit point fermée, FROISS. I, I, 276.• Pour Dieu, espoir, venez le secourir ; Il a en vous sa fiance fermée, Ne lui veuilliez à son besoin faillir, CH. D'ORL. Ball. 23.• Aumaires [armoires] Fermans à clef tres bien et fort, CH. D'ORL. Rondel 28.• Or ça, m'amie, estes-vous en ce fermée et conclue de ne rien faire pour moi ?, LOUIS XI Nouv. XLIV.• ... Et incontinant Geuffroy Cueur crya à ses gens : ouvrez la porte, car il n'est pas temps de fermer l'estable quand les chevaulz sont perduz, Bibl. des chartes, 4e série, t. I, p. 277.XVIe s.• L'on commençoit à fermer le camp de la closture de paliz, AMYOT Sylla, 60.• Sans porte, sans fenestre, sans coffre qui ferme, MONT. I, 114.• Ils sont fermez, du costé de la terre. de haultes montagnes, MONT. I, 236.• Ils maintiennent que, quand les grands commandent, on doit fermer les yeux et obeir, LANOUE 217.• Il envoya pour cest effect, de plus de vingt lieues loin, trois mille chevaux, pour la fermer [entourer la ville], LANOUE 632.• Il arriva à nuict fermante à seureté lui et ses gens, LANOUE 641.• La roine-mere se ferma à faire donner cette generallité au duc de Lorraine, D'AUB. Hist. II, 116.Berry, fremer, fromer, freumer, froumer ; picard, fremer ; bourguign. fromai ; norm. frumer ; provenç. fermar ; portug. firmar ; ital. fermare ; du latin firmare, proprement rendre fixe, affermir, fixer ; ce qui est le sens primitif, très fréquent dans les anciens textes ; de là on passe sans peine au sens de fermer une porte, la fixer solidement, la fermer.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.