- désirer
- (dé-zi-ré ; plusieurs, dit l'Académie, écrivent desirer et prononcent de-zi-ré) v. a.1° Avoir désir de quelque chose.• Il désirait de combattre avec sa cavalerie, VAUGEL. Q. C. III, 21.• Pour ce qui est de moi, je désire seulement d'avoir bientôt l'honneur de vous voir, VOIT. Lett. 35.• Quatre Mathusalem bout à bout ne pourraient Mettre à fin ce qu'un seul désire, LA FONT. Fabl. VIII, 25.• Ô femme, votre foi est grande ; qu'il vous soit fait comme vous le désirez, SACI Bible, Év. St Math. XV, 28.• Et les choses que nous désirons, désirons-les peu, nonseulement parce qu'elles ne méritent pas d'être autrement désirées, mais parce que, les désirant beaucoup, elles deviennent le sujet de mille peines, BOURD. Pensées, t. I, p. 379.• Nous ne demandons que faiblement le royaume de Dieu que nous ne désirons pas avec affection, FLÉCH. Serm. II, 147.• Phédime, au nom des dieux, fais ce que je désire, RAC. Mithr. IV, 1.• Voilà ce que vous désirez de savoir, FÉN. Tél. X..• Il y a de certains biens que l'on désire avec emportement et dont l'idée seule nous enlève et nous transporte, LA BRUY. XI.• On ne peut désirer ce qu'on ne connaît pas, VOLT. Zaïre, I, 1.Familièrement. Se faire désirer, ne pas se rendre à l'empressement que les autres ont de nous voir.Ne laisser rien à désirer, être achevé, parfait en son genre.• Voyant ma Caliste si belle Que l'on n'y peut rien désirer, MALH. IV, 10.• La débauche la plus immodérée laisse quelque chose à désirer au déréglement des sens, MASS. Carême, Prod..Dans le sens contraire. Il y a quelque chose, beaucoup de choses à désirer ; c'est-à-dire il y a quelque défaut, beaucoup de défauts.2° Absolument. L'homme désire sans cesse.• Lorsqu'on désire, on se rend à discrétion à celui de qui on espère, LA BRUY. XI.• La vie est courte et ennuyeuse, elle se passe toute à désirer, LA BRUY. ib..• L'âme se lassera enfin de désirer, et elle tombera dans une sorte d'inaction, BONNET Ess. analyt. âme, ch. 17.3° Souhaiter. Je vous désire toutes sortes de prospérités. Il est à désirer qu'il réussisse.• Je vous désire tout ce que je vois de beau, VOIT. Lett. 128.• C'est le bien qu'à tous deux Polyeucte désire, CORN. Polyeucte, IV, 4.4° Convoiter.• Vous ne désirerez point la femme de votre prochain, ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui lui appartienne, SACI Bible, Deutéron. V, 21.• C'est un vilain amant qu'un homme qui vous désire plus qu'il ne vous aime, MARIVAUX Marianne, 1re part..5° Se désirer, v. réfl. Avoir du désir l'un pour l'autre. Ces deux personnes se désirent sans cesse.Être désiré. De tels biens se désirent justement.1. Désirer avec que gouverne le subjonctif : je désire que vous partiez.2. L'Académie essaye d'établir une distinction entre désirer suivi d'un infinitif avec ou sans de, disant qu'avec de cela exprime un désir dont l'accomplissement est incertain, éloigné, difficile : il désire de réussir ; et sans de un désir dont l'accomplissement est prochain, facile, dépendant de la volonté : il désire vous parler. Mais l'usage réel ne fait aucune différence. Autrefois on disait aussi désirer à ; voy. l'historique.XIe s.• Sire Alexis, tans jurs t'ai desirret, St Alexis, XCV.• Ententivement se purpensent cil qui les jugemens ont à faire, que si jugent com si desirent quant il dient : dimitte nobis debita nostra, Lois de Guill. 41.• Comme il le vit, à ferir le [il] desire, Ch. de Rol. CXII.XIIe s.• D'aler en l'aive [eau] estoit mout desirant, Ronc. p. 100.• La mort me vient, que tant ai desirée, ib. p. 175.• J'aim et desir ce qui de moi n'a cure ; Las ! que en puis-je ? Amor le me fait faire, Couci, p. 125.• Et la chair vaincre et plagier Qui tousjours est de peché desirans, QUESNES Romancero, p. 96.• Deus ne li volt [voulut] encore duner le fruit desired de sun ventre, Rois, 2.• Kar les tuens comandemenz je desirowe [désirais], Liber psalm. p. 194.XIIIe s.• Et arbrissel desirent qu'il fussent parfleuri, Berte, I.• Pour sa fille Bertain qu'el [elle] desire veoir, ib. LXV.• Pour ce que longuement [elle] vous avoit desirée, ib. LXXXII.• Requis avons ma dame de cuer très desirant, ib. CVII.• [Qui les vît] Bien deïst que ce fust joie de desirier, ib. CXXIX.• Ce n'estoit pas merveille se on la [Berte] desiroit, ib. CXXXV.• Et li rois Ferrans li remanda qu'il l'auroit volentiers, et moult en estoit desirans, Chron. de Rains, p. 76.• Et s'il vient que li cas desire qu'elles soient mises en prison, BEAUMANOIR 41.• En tele maniere qu'il soit seürs de le [la] partie d'avoir son salaire, selonc ce que le [la] jornée desire, BEAUMANOIR V, 19.XVe s.• Si venoient souvent les compagnons qui desiroient les armes et leurs corps à avancer, escarmoucher aux barrieres, FROISS. II, II, 3.• Pour combattre aux Escots qu'ils desiroient moult à trouver, FROISS. I, 1, 38.• La connoissance en vint au gentil comte Guy de Blois, comment Bretons, Bourguignons et autres gens qui ne desiroient que pillage, menaçoient le bon pays de Hainaut, FROISS. II, II, 101.• [Le roi d'Angleterre en débarquant en Normandie tombe ; ses chevaliers l'engagent à différer son débarquement] Pourquoi [répond le roi] ? mais est un très bon signe pour moi, car la terre me desire, FROISS. I, I, 266.• Nul ne desiroit plus de combattre, COMM. I, 4.• Il desiroit à la prendre d'assault, COMM. III, 10.XVIe s.• Sans point de faute un bien fort retiré Est d'un chascun beaucoup plus desiré, ST-GEL. 201.• Je ne vous en diray plus pour ceste heure, sinon que je prie nostre seigneur vous donner l'aise que vous desire vostre etc., MARG. Lett. 2.• Madame m'a dict qu'elle desire merveilleusement à vous voir en ce lieu, ST-GEL. ib. 11.• C'est une vertu et suffisance qui ne laisse rien à desirer de soy, ST-GEL. III, 194.• Secourans l'un l'autre au besoin, de nos vies et moiens, comme l'occasion le desirera, en toutte diligence et promptitude, D'AUB. Hist. II, 226.• Ilz crioient qu'ilz ne vouloient la guerre qu'aux Romains, et au demourant desiroient d'estre amis de tout le monde, AMYOT Cam. 30.• Nous ne sommes pas tousjours incitez à desirer faire ce que nous trouvons bien fait, AMYOT Péric. 1.• Ayant nouvelles que Antigonus estoit mort, de maniere que les affaires le desiroient et l'appelloient, AMYOT Agis. et Cléom. 57.• Et l'homme mort est bienheureux : Heureux qui plus rien ne desire, RONS. 471.• Mais de quoy sert le desirer, Sinon pour l'homme martirer ? Le desir n'est rien que martire, RONS. ib..• Coeur qui soupire n'a pas ce qu'il desire, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 175.• Ne prends pas tout ce que tu desires, LEROUX DE LINCY ib. p. 354.Provenç. desirar ; catal. desitjar ; espagn. desear ; portug. desejar ; ital. desiare ; du latin desiderare.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREDÉSIRER. Ajoutez :6° Se désirer suivi d'un adjectif, désirer d'être dans la situation que l'adjectif indique.• Je vous laisse mon corps afin de reposer mort au lieu même où je me désire vivant, pour vous servir en servant Dieu, ainsi que j'y suis obligé, RICHELIEU Lettres, etc. 1619, t. VII, p. 425.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.