couper

couper
(kou-pé) v. a.
   Diviser un corps avec un instrument tranchant. Couper du pain avec un couteau, du bois avec une hache.
   David, rencontrant Saül à son avantage, après lui avoir sauvé la vie malgré les instances de tous les siens, se sentit saisi de frayeur pour lui avoir seulement coupé le bord de sa robe et avoir mis la main, quoique d'une manière si innocente, sur sa personne sacrée, BOSSUET Variat. 5e avert. § 30.
   Familièrement. À couper au couteau, se dit de choses épaisses, d'un liquide plus consistant qu'il ne doit l'être. Un brouillard, une fumée à couper au couteau. Voilà un bouillon à couper au couteau.
   Quelques verres d'un gros vin à couper par tranches, J. J. ROUSS. Conf. II.
   Absolument. Ce rasoir coupe bien.
   Couper la bourse à quelqu'un, lui voler sa bourse.
   Couper la gorge à quelqu'un, et, populairement, le sifflet à quelqu'un, l'égorger, le tuer. On coupa la gorge à tous les Français dans les Vêpres siciliennes.
   Fig. Couper la gorge à quelqu'un, lui faire perdre sa position, lui causer un grand dommage.
   Fig. Couper le sifflet à quelqu'un, le rendre muet.
   Familièrement. Je lui couperai les oreilles, se dit par exagération et par menace.
   Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles, MOL. Tart. V, 2.
   On dit aussi couper le nez.
   Laissez-moi lui couper le nez. - Laissez-le aller ; Que feriez-vous, monsieur, du nez d'un marguillier ?, REGNARD Ménechm. III, 11.
   Couper le visage à quelqu'un d'un coup de cravache, lui asséner un coup de cravache à travers la figure.
   Fig. Couper la jupe, couper la robe au cul, façon de parler grossière qui se dit à des prostituées ou à des femmes qui ne valent pas mieux.
   Il me ferait couper ma jupe ; Ma foi, je ne suis pas si dupe, SCARR. Virg. travesti, dans LEROUX, Dict. comique..
   Fig. Couper l'herbe sous le pied à quelqu'un, le supplanter dans une affaire.
   Couper pied à un abus, en ôter la cause.
   Couper bras et jambes à quelqu'un, lui ôter tout moyen d'agir efficacement, et aussi lui causer une consternation grande. Cette nouvelle m'a coupé bras et jambes.
   Je m'en consolerai quand je verrai Phocas Croire affermir son trône en se coupant le bras, CORN. Héracl. IV, 5.
   Fig.
   Quelle horreur d'embrasser un homme dont l'épée De toute ma famille a la trame coupée !, CORN. Hor. V, 3.
   Si vous voulez couper d'une race odieuse Dans ses derniers rameaux la tige dangereuse, VOLT. Orphel. III, 4.
   Couper le mal à sa racine, l'attaquer à sa source et l'extirper.
   C'en est encor bien moins [de prudence] alors qu'on s'imagine Guérir un si grand mat sans couper la racine, CORN. Cinna, II, 2.
   Se couper, couper à soi-même. Se couper les ongles. Coupez-vous du pain. En taillant sa plume, il s'est coupé le doigt.
   Quand on eut appris sa mort chez les barbares, la douleur fut extrême, ils se coupèrent les cheveux, coupèrent les crins de leurs chevaux et de leurs mulets, et remplirent tout le camp de cris et de gémissements, ROLLIN Hist. anc. Oeuvres, t. III, p. 259, dans POUGENS.
   Se couper la gorge, se donner la mort en s'ouvrant la gorge.
   Se couper la gorge avec quelqu'un, se battre en duel avec lui.
   Mon ami, lui dit le chevalier, j'ai autant d'envie que vous de me couper la gorge, car je suis outré de dépit ; mais ce ne sera pas avec vous, s'il vous plaît, MARMONT. Contes mor. Lauret..
   Tailler d'une certaine façon. Il s'entend bien à couper les pierres. Couper un habit.
   La voilà qui me coupe des serviettes, SÉV. 221.
   Terme de gravure. Conduire d'une certaine manière le burin. Ce graveur coupe bien le cuivre. Exécuter en creux ou en relief différents ornements.
   Terme de sculpture. Couper le plâtre, faire à la main des moulures ou autres ornements en plâtre.
   Terme d'architecture. Couper du trait, faire le modèle d'une voûte ou d'une pièce de trait en petit, avec de la craie, du plâtre, etc.
   Absolument, en termes de cordonnier et de tailleur, tailler le cuir ou l'étoffe selon les règles du métier. Il coupe bien.
   En termes de jardinage, couper à l'épaisseur d'un écu, couper en moignon, couper en talus, couper en pied de biche, couper carrément, termes de LA QUINTINYE, Jardins, t. I, dans RICHELET.
   Enlever, retrancher une, partie d'une chose. Couper un pan de bois.
   En termes de maçonnerie, couper une pierre, en ôter trop, de sorte qu'elle ne peut pas servir à l'endroit où elle était destinée.
   En termes de chirurgie, couper un membre, l'amputer. Couper dans le vif, couper, pour mieux extirper un mal, tout autour dans les chairs vives.
   Fig. Couper dans le vif, prendre des mesures énergiques pour mettre fin à une situation mauvaise.
   Terme de vétérinaire. Couper un animal, le châtrer.
   Barrer, détourner, intercepter. Couper le cours d'une rivière. Couper une route, un passage. Les ponts furent coupés pour empêcher les ennemis de passer.
   Couper le chemin à quelqu'un, le lui barrer, passer devant lui.
   Son fils et deux valets me coupent le chemin, CORN. le Ment. II, 5.
   Ils avaient coupé le chemin aux Madianites, BOSSUET Polit..
   Il fait signe aux siens, qui étaient de l'autre côté de l'arbre, de couper le chemin au perfide Adraste, FÉNEL. Tél. XX..
   Depuis, les Russes ont reproché à Napoléon de ne s'être point décidé à cette manoeuvre ; mais ont-ils assez songé qu'aller ainsi se placer par delà un fleuve, une ville forte et une armée ennemie, c'eût été, pour couper aux Russes le chemin de leur capitale, se faire couper à soi-même toute communication avec ses renforts, ses autres armées et l'Europe ?, SÉGUR Hist. de Nap. VI, 3.
   Couper les communications, couper les vivres à une place assiégée, empêcher qu'elle ne communique avec le dehors, qu'elle ne se ravitaille.
   Fig.
   Coupons dès cette nuit tout accès à ses voeux, ROTR. Vencesl. III, 3.
   À tous nos démêlés coupons chemin, de grâce, MOL. Mis. II, 1.
   Couper les vivres à quelqu'un, cesser de subvenir à ses dépenses, lui refuser de l'argent.
   Couper le feu, circonscrire, borner l'action de l'incendie.
   Des capucins travaillèrent si bien qu'ils coupèrent le feu, SÉV. 20.
   Par analogie. Couper la fièvre, empêcher le retour des accès.
   Avec la seconde écorce du sassafras, ils [les sauvages] coupent les fièvres, CHATEAUBR. Amér. 96.
   Fig.
   Je coupe en lui tout intérêt de mentir, J. J. ROUSS. Ém. II.
   Passer devant quelqu'un en le séparant de la personne ou de la chose vers laquelle il va.
   Elle coupe la duchesse et donne la serviette, SÉV. 27.
   Tantôt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis, et tantôt, s'il les trouve en conversation avec vous, il vous coupe et vous les enlève, LA BRUY. IX..
   Vardes convint avec mon père que le carrosse de M. de Vardes couperait celui de mon père, SAINT-SIMON 10, 119.
   Tous [au conseil d'État] étaient assis, et les conseillers d'État y coupaient les secrétaires d'État et le contrôleur général, SAINT-SIMON 417, 7.
   Terme de manége. Couper la volte ou le rond, changer de main en faisant des voltes.
   Séparer, diviser. Je couperai cette pièce en deux par une cloison.
   Ils ont coupé de trop grandes pièces, pour avoir des logements mieux distribués, J. J. ROUSS. Hél. IV, 10.
   Se croiser avec. Ce chemin coupe la route d'Orléans. Une ligne qui en coupe une autre à angle droit.
   Couper l'eau, couper le courant, aller en travers ou en remontant.
   Fig. Couper à quelqu'un sa journée, déranger le plan de ses occupations.
   Terme de marine. Le vaisseau coupe la lame, quand l'avant court sur la lame et la traverse.
   On dit aussi couper la ligne de l'ennemi, quand un ou plusieurs vaisseaux la traversaient et la séparaient en deux, rendant ainsi l'une des parties inutiles pour le combat, alors que les vaisseaux à vapeur n'existaient pas. À Trafalgar, les Anglais coupèrent la ligne française.
   Fig. Couper l'équateur, traverser l'équateur.
   Terme de jeu de carte. Prendre avec l'atout une carte de son adversaire. Je coupe le carreau.
   Le jeu rassemble tout ; il unit à la fois Le turbulent marquis, le paisible bourgeois ; La femme du banquier, dorée et triomphante, Coupe orgueilleusement la duchesse indigente, REGNARD le Joueur, III, 6.
   Absolument. Je coupe à carreau.
   Empêcher, en parlant de la voix, de la parole.
   La Parque à ce mot lui coupe la parole, CORN. Rodog. V, 4.
   Ce n'est que la douleur qui lui coupe la voix, CORN. Théod. V, 9.
   Peut-être, si la voix ne m'eût été coupée, L'affreuse vérité me serait échappée, RAC. Phèdre, IV, 5.
   Ses pleurs précipités ont coupé mes discours, RAC. Baj. III, 4.
   Couper la parole à quelqu'un, l'interrompre en la prenant soi-même.
   Couper la parole à son maître, LA BRUY. IV.
   Néron lui coupe la parole et lui réplique que Claude ne fit jamais accuser personne, DIDER. Ess. s. Claude..
10°   Gercer, en parlant du froid Le froid m'a coupé les lèvres.
   Ce vent coupe la figure, il est vif et froid.
11°   Tempérer un liquide par un autre. Couper du vin blanc avec du vin rouge.
   Absolument. Couper, c'est mélanger d'eau. Couper le bouillon.
   On a beau couper le lait de mille manières, J. J. ROUSS. Ém. I.
12°   Couper le style, faire des phrases courtes et d'où les liaisons sont absentes.
   Mettre les repos dans les phrases, dans les vers. Ce vers est heureusement coupé. L'orateur a mal coupé ses phrases.
   Il faut couper vos phrases à propos ; mais il y a une manière de les couper qui, bien loin d'interrompre l'harmonie, sert à la continuer, D'OLIVET Prosodie fr. art. V, § 2.
   Terme de musique. Couper les sons, marquer un silence d'un son à l'autre.
13°   À la paume, couper le coup, couper la balle, pousser la balle de manière qu'elle ne fasse point de bond.
   Ils la touchent en biaisant de leur raquette, ce qu'ils nomment couper, DESC. Diopt. 5.
   Terme de jeu. Couper cul, se retirer après avoir gagné et sans donner de revanche.
   Couper les dés, les jeter en retirant le cornet, pour qu'ils restent à la même place.
14°   Couper court, abréger.
   Je dirais beaucoup de choses sur ce sujet que je coupe court par mille raisons, SÉV. 346.
   Absolument. Couper court au discours ; et, elliptiquement, couper au discours.
   Tout cela va le mieux du monde, Mais enfin coupons au discours, MOL. Amph. III, 11.
   Par extension, mettre un terme.
   Coupons court Aux erreurs de la jeunesse, BÉRANG. Chap..
   Couper court à quelqu'un, le quitter brusquement en lui faisant une réponse brève et décisive. Et absolument : Monsieur, point tant de paroles, coupons court.
15°   V. n. Passer la racloire sur une mesure de grains qui est comble.
16°   Couper à travers champs, par le plus court chemin, se diriger par la ligne la plus courte.
   Terme de vénerie. Un chien coupe, lorsqu'il veut gagner la tête de la meute ou lorsqu'il manque de force.
17°   Terme de peinture. On dit qu'une couleur coupe quand elle n'est pas assez fondue.
18°   Terme de danse. Exécuter le pas dit coupé.
   Terme d'escrime. Exécuter le dégagement dit coupé. Couper sous le poignet, dégager par-dessous le poignet de son adversaire. Couper sur pointe, porter une botte en dégageant par-dessus la pointe de l'épée de l'adversaire.
   On dit aussi couper la mesure, la dégager.
19°   Terme de jeu de cartes. Séparer en deux un jeu de cartes, après que celui qui les tient les a bien mêlées.
   Au jeu du lansquenet, prendre carte et se mettre au nombre des joueurs. Il coupait.
20°   Terme de marine. Couper à terre, aller directement le cap sur la terre.
   Passer entre un vaisseau et un autre. Dans ce moment-là j'avais Ruyter par mon travers, et je voyais l'arrière-garde ennemie dans nos eaux, qui pouvait, en revirant, couper entre notre corps de bataille et la division de M. Gabaret, Mém. de Villette, en 1675, dans JAL.
21°   Se couper, v. réfl. Se blesser avec un instrument tranchant. Elle s'est coupée à la main.
   Terme de manége. On dit que des chevaux se coupent, quand ils s'entre-heurtent les jambes, ou quand, avec l'un des fers, ils se blessent le boulet de l'autre pied.
   Se dit aussi des enfants et des personnes grasses, lorsqu'il leur vient des excoriations aux plis que forme la peau.
22°   Être coupé. Le roc cède et se coupe aisément.
   En parlant des étoffes, se gâter par les plis. Les étoffes fortes se coupent plutôt que celles qui sont souples et déliées.
23°   S'entre-croiser. Ces deux lignes, ces deux routes se coupent.
24°   Fig. Se contredire dans ses assertions. On se coupe aisément quand on ne dit pas la vérité.
   Ces deux réponses se coupent, BOSSUET Nouv. myst. 90.
   La comtesse de Soissons, craignant toujours qu'on ne lui eût fait quelque finesse, tourna tant Vardes qu'il se coupa sur deux ou trois choses, Mme DE LA FAYETTE Hist. d'Henr. d'Anglet. Oeuvres, t. III, p. 157, dans POUGENS..
   XIe s.
   Si ço avent que alquen colpe le poin à altre u le pied, Lois de Guill. 13.
   XIIe s.
   Au bon destrier [il] a l'eschine coupée, Ronc. p. 66.
   Ne faiz pas cum saint Piere qui dona la colée ; Al serf al prince aveit l'une oreille coupée, Th. le mart. 90.
   Par douz [deux] feis i fu pris : si l'en laissa aler, Mais ainceis li fist l'um les oreilles couper, ib. 31.
   XIIIe s.
   Et li François lor remanderent qu'il i seroient l'endemain devant tierce, et le [l'ormeau] copperoient ou despit de lui, Chr. de Rains, p. 63.
   Se feme tient bos [bois] en douaire, elle ne le poet couper devant que il ait sept ans acomplis, BEAUMANOIR XIII, 7.
   Et quant il les orent pris, il lor coperent les testes à toz, BEAUMANOIR XXX, 63.
   Et lors il me porterent à terre et me saillirent sur le cors pour moy coper la gorge, JOINV. 240.
   Mal apertement se partirent les Turs de Damiete, quant il ne firent coper le pont qui estoit de nez [nefs], JOINV. 216.
   XIVe s.
   Et on voit qu'uns larons qui se met à l'embler, Il n'aconte noient d'une bourse à couper, Baud. de Seb. VI, 263.
   XVe s.
   Et à tant je coupe le compte de che chevalier, jusques cy après que j'en releveray le remannant, G. CHASTEL. Chron. des ducs de Bourg. l. I, ch. 54.
   Que ce vin on ne coupe ; Ainçois qu'on boive net ; Je pry toute la troupe De vider le godet, BASSELIN XVIII.
   XVIe s.
   S'estant si lourdement couppé [contredit], MONT. I, 39.
   C'estoit un precipice si droict et si couppé, que...., MONT. I, 156.
   Un mont coupé, rabotteux et inaccessible, MONT. I, 176.
   Un langage trop serré, coupé, MONT. I, 292.
   Murena en rencontra les uns fuyans, ausquelz il couppa le chemin et les desfeit, AMYOT Sylla, 40.
   Ses ennemis luy coupoient les vivres, AMYOT Lucull. 4.
   La montée n'estoit pas fort roide ny couppée [à pic], AMYOT ib. 53.
   Il faut couper la cause de la fievre par son contraire, PARÉ XX, 5.
   Coup ; picard, coper ; bourguig. côpai.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • COUPER — v. tr. Diviser un corps continu, avec quelque chose de tranchant. Couper en deux. Couper en morceaux. Couper de la viande. Couper du papier. Couper avec un couteau, avec des ciseaux, avec un canif, avec une hache, etc. On lui a coupé un bras, une …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • couper — vt. ; débiter (des troncs) ; inciser : keupâ (Montagny Bozel.026a, St Jean Arvey), KOPÂ (026b, Aillon V., Aix, Albanais.001, Albertville. 021.VAU., Annecy.003, Arvillard.228, Attignat Oncin, Aussois, Balme Si.020, Billième.173, Chambéry, Compôte… …   Dictionnaire Français-Savoyard

  • couper — v.t. Couper le sifflet, couper la parole. Couper la chique, déconcerter : Ça te la coupe ! □ v.i. Couper à une corvée, y échapper. Ne pas y couper, ne pas échapper à une corvée, à une punition, etc. / Couper dans le truc, donner dans le panneau …   Dictionnaire du Français argotique et populaire

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