corne

corne
(kor-n') s. f.
   Terme d'histoire naturelle. Nom d'éminences coniques et dures qui naissent sur le front des ruminants, sur le nez du rhinocéros. Les bêtes à cornes, les boeufs, les vaches, les chèvres, par opposition aux brebis et aux moutons. Un troupeau de bêtes à cornes.
   Son front large est orné de cornes menaçantes, RAC. Phèd. V, 6.
   Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles, Craignit que quelque inquisiteur N'allât interpréter à cornes leur longueur, Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles, LA FONT. Fabl. V, 4.
   On les fera passer [les oreilles du lièvre] pour cornes, Dit l'animal craintif, et cornes de licornes, LA FONT. ib..
   Fig. Attaquer, prendre le taureau par les cornes, entamer une affaire par le côté le plus difficile, et aussi attaquer en face les difficultés.
   Montrer les cornes, se mettre en état de défense.
   M. de Fréjus commença, tout petit garçon qu'il était encore, à montrer les cornes au cardinal de Noailles, SAINT-SIMON 450, 38.
   Lever les cornes, se mettre en état d'agir contre son supérieur.
   Terme de vétérinaire. Catarrhe des cornes, affection de la membrane muqueuse des sinus frontaux du boeuf, caractérisée par l'inflammation et une sécrétion abondante de mucosités.
   Fig. Les cornes lui en sont venues à la tête, il en a été tout surpris.
   Il est aussi étonné que si les cornes lui venaient à la tête, se dit pour exprimer l'étonnement d'un homme pour quelque nouvelle, quelque événement.
   Contez cela au coadjuteur pour lui faire venir des cornes à la tête, SÉV. 161.
   Faire les cornes à quelqu'un, faire avec les doigts disposés de manière à représenter des cornes, un geste qui est un geste de raillerie et injurieux. On dit aussi dans le même sens : montrer les cornes.
   Mettre des cornes à un enfant qui ne sait pas ses leçons, qui fait mal ses devoirs, lui placer derrière les oreilles des feuillets de papier roulés en forme de cornes.
   Je n'ai dormi qu'un moment, Et voilà son rudiment, Le coquin m'en fait des cornes, BÉRANG. Me d'école..
   Fig. Porter des cornes, avoir des cornes, être trompé par sa femme, par allusion sans doute aux cornes, symbole de moquerie.
   Cocu de long et de travers, Sot au delà de toutes bornes, Comment te plains-tu de mes vers, Toi qui souffres si bien les cornes ?, MALH. IV, 15.
   Je ne veux point porter des cornes, si je puis, MOL. Éc. des maris, I, 2.
   Voilà un hardi maraut de vouloir planter des cornes à Jupiter, D'ABLANCOURT Lucien, t. I, dans RICHELET.
   Une femme qui ait déjà planté cornes au front de son mari, VOLT. Phil. III, 329.
   Attribut que la mythologie donnait aux représentations des fleuves et aux satyres.
   Qui n'a vu dessous leurs combats Le Pô mettre les cornes bas ?, MALH. IV, 5.
   Attribut que la légende chrétienne a donné aux diables. Le diable et ses cornes.
   Le Tasse, en donnant des cornes à Satan, l'a rendu presque ridicule, CHATEAUB. Génie, II, V, 9.
   Fig.
   Voilà qui fut fait, je lui trouvai des cornes [je le trouvai laid], SÉV. 233.
   Il mangerait le diable et ses cornes, se dit l'un grand mangeur.
   Corne de cerf, le bois du cerf lorsqu'il est employé dans les arts.
   Qui croirait avilir l'honneur de ses châteaux, Si de cinquante cerfs les cornes menaçantes N'ornaient pompeusement ses portes triomphantes ?, DELILLE Homme des champs, I.
   Terme de vénerie. Corne, la tête du chevreuil.
   Corne de narval ou de licorne de mer, dont conique, droite et longue de la mâchoire supérieure d'un cétacé.
   Terme de pathologie. Cornes cutanées, productions morbides qui s'observent chez l'homme, surtout chez les vieillards, à la face, aux mains et aux autres parties du corps habituellement découvertes.
   Substance compacte, blanchâtre ou noirâtre, terne ou luisante, dure ou molle, qui revêt ordinairement des parties du corps de certains animaux.
   La partie dure qui est aux pieds du cheval, de l'âne, etc.
   Voyant son maître en joie, il [l'âne] s'en vient lourdement, Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement, LA FONT. Fab. IV, 5.
   Substance cornée. Tabatière, peigne de corne.
   L'autre [porte des enfers] est faite de corne, et du sein des lieux sombres Elle donne passage aux véritables ombres, DELILLE Énéide, VI.
   C'est de la corne, se dit d'une viande qui est dure.
   Nom de différents ustensiles.
   Corne d'amorce, corne de boeuf façonnée en étui et renfermant de la poudre.
   Terme de jeux. Tenir la corne, avoir les dés et jouer pour son compte. Corne est ici pour cornet.
   Terme de vétérinaire. Donner un coup de corne à un cheval, le saigner au palais avec une corne de cerf ou de chevreuil dont le bout est pointu et affilé.
   Il n'a pas besoin qu'on lui donne un coup de corne pour avoir de l'appétit, se dit d'un homme qui mange de grand appétit.
   Petite palette en corne, dite aussi chausse-pied, dont on se sert pour mettre ses souliers.
   Instrument à vent, dont se servent les vachers et qui est ordinairement fait d'une corne.
   Les Romains se formaient en bataille aux éclats de la corne et du lituus, CHATEAUB. Mart. 193.
   Appendice assimilé à une corne.
   Petites touffes de plumes qui sont sur la tête du duc, sorte d'oiseau de nuit.
   Éminences pointues que le céraste d'Égypte [serpent] porte au-dessus de chaque oeil.
   Prolongement qui surmonte la tête ou le corselet de divers insectes. Ce cerf-volant a de belles cornes.
   Pédicules qui supportent les yeux des limaçons. Les limaçons montrent leurs cornes.
   À peine étais-je assis sur une de ces bornes Que deux gros limaçons me présentent les cornes, BOURSAULT Merc. gal. III, 4.
   Terme de botanique. Appendices qui naissent sur la fructification de certains cryptogames. Éperons de certaines fleurs.
   Terme d'anatomie. Nom de diverses parties plus ou moins saillantes à la surface des organes dont elles dépendent. Les cornes de l'os hyoïde. Les cornes de l'utérus.
   Terme du langage poétique. Corne d'abondance, corne de la chèvre Amalthée, nourrice de Jupiter, de laquelle il avait voulu, pour récompense, qu'il sortît sans cesse une abondance de toutes sortes de biens.
   Il le dépeignait tenant en main la corne d'abondance, FÉN. Tél. XIV.
   D'augustes déités Qui viennent sur les pas de la belle espérance Verser la corne d'or où fleurit l'abondance, A. CHÉN. 36.
   Corne d'or ou d'abondance. On nommait ainsi autrefois le port de Constantinople, parce que le commerce y transportait tous les produits de l'univers.
   Angle saillant et recourbé comme une corne. Les cornes d'un autel antique.
   Les cornes de la charrue, nom donné au manche de la charrue, parce qu'il présente en effet deux bâtons qui vont en s'écartant l'un de l'autre comme des cornes.
   Nouveau Cincinnatus, on l'a vu [M. Lullin de Châteauvieux] tenir alternativement les rênes du gouvernement et les cornes de la charrue, BONNET Usage des feuilles, 5e mém..
   Chapeau à trois cornes, chapeau dont le bord a été relevé en trois parties, de manière à présenter trois pointes ou cornes. Il n'est guère en usage que chez les ecclésiastiques. Dans le chapeau d'ordonnance qu'on nomme souvent à trois cornes par suite d'anciennes habitudes, une des cornes s'est aplatie et a disparu ; il n'en reste vraiment que deux.
   Le capuce et la toque à trois cornes Ont extorqué des hommages sans bornes, VOLT. P. diable.
   Corne ducale, bonnet que portait le doge de Venise et qui avait une pointe arrondie sur le derrière.
   Faire une corne à un livre, y faire une marque en pliant le coin d'une page.
   Cornes du croissant de la lune, les parties du croissant qui sont tournées vers la région du ciel opposée au soleil.
   Voilà deux grandes cornes [le Péloponnèse et l'Égypte] arrachées au croissant des Turcs, VOLT. Lett. à Cath. 45.
   Terme de marine. Corne d'artimon, vergue qui porte la voile du mât de ce nom.
   Terme de géographie. Sommet anguleux d'une montagne, dit aussi aiguille et dent.
10°   Terme de fortification. Ouvrage à cornes, pièce extérieure, dont la tête est fortifiée de deux demi-bastions, joints par une courtine, et fermés de deux côtés par deux ailes parallèles l'une à l'autre.
   Prendre les dehors du plus bel ouvrage à cornes, SÉV. 301.
   C'est la prise d'un ouvrage à cornes, SÉV. 472.
11°   Terme d'architecture. Corne d'abaque, encoignure du tailloir des chapiteaux corinthiens.
   Corne de bélier, ornement qui sert de volute au chapiteau ionique composé.
   Corne de vache, espèce de voûte, en cône tronqué.
   Maison corne en coin, maison mal orientée.
12°   Terme de botanique. Corne de cerf, nom vulgaire de la sénebière corne de cerf et du plantain.
13°   Corne d'Ammon, genre de coquillage fossile, en forme de corne de bélier. Voy. ammon.
14°   Terme de métiers. Éminence qui dépasse le rebord d'un réchaud.
   Nom de plusieurs outils de tonnelier et de charron.
   Raie blanche sur la tranche de cuir indiquant qu'il a été mal tanné.
PROVERBES
   Il entend de corne, il a mangé de la vache, se dit de quelqu'un qui a mal entendu.
   On prend les hommes par les paroles et les bêtes par les cornes.
   XIIe s.
   Je dis as mesfaisanz : ne voilez [veuillez] exalcer la corne, Liber psalm. p. 100.
   Si ad enpaint Reinalt qu'ariere rehusa [recula], E le corn del mantel hors des mains li sacha, Th. le mart. 148.
   Sedechias, li fiz Chanaa, se fist cornes de fer, si dist...., Rois, 335.
   E Sadoc prist une corne à ulie [huile] del tabernacle, e enuinst à rei Salomun, ib. 225.
   XIIIe s.
   [La mitre] a deux cornes, dont l'une senefie confession et l'autre satisfacion, Chron. de Rains, p. 105.
   Jehan le Ermin, qui estoit artillier le roy, ala lors à Damas pour acheter cornes et glus pour faire arbalestres, JOINV. 258.
   Belin [le bélier] s'esmuet de grant ravine ; Quant vint au leu [loup], ses cornes cline, Ren. 6428.
   Et Turc aux ars de cor les vont bien destruisant, Chanson d'Antioche, t. I, p. 31.
   XIVe s.
   Item un arc de cor d'arbaleste ou prix de vingt sols, DE LABORDE Émaux, p. 223.
   Arbalestes de cor et d'if, DE LABORDE ib..
   XVe s.
   Les dames et damoiselles menoient grands et excessifs estats, et cornes merveilleuses hautes et larges, et avoient de chascun costé en lieu de bourleis deux grandes oreilles si larges que, quand elles vouloient passer l'huys d'une chambre, il falloit qu'elles se tournassent de costé et baissassent, ou elles n'eussent pu passer, JUVÉNAL DES URSINS Hist. de Charles VI, p. 336, dans LACURNE.
   Et eurent les Anglois sur corne [furent battus], Vigiles de Charles VII, t. II, p. 97, dans LACURNE.
   Pour bailler aux Anglois sur corne, ib. p. 57.
   Et elle, qui fut tant esbahie que se cornes lui fussent venues, de primesaut ne sut que repondre, LOUIS XI Nouv. XXXI.
   XVIe s.
   Plusieurs garçons lui faisoient des cornes par derriere, en signe de moquerie, MARG. Nouv. III.
   Afin que, quand vos maris vous donneront les cornes de chevreuil, vous leur en donniez de cerf, MARG. ib. III.
   On veoit croistre la nuict des cornes à tel qui ne les avoit pas en se couchant, MONT. I, 92.
   S'humilier et baisser les cornes, MONT. II, 227.
   Des couppes d'argent, des tasses et gobelets faits en forme des cornes d'abondance, AMYOT P. Aem. 55.
   Suivoient six vingt boeufs gras et refaicts, ayans toutes les cornes dorées et les testes couronnées de festons, AMYOT ib. 56.
   Et la recueille lon ne plus ne moins qu'une rosée dedans la corne du pied d'un asne, pour ce qu'il n'y a autre sorte de vaisseau qui la puisse contenir, AMYOT Alex. 123.
   Le mareschal d'Aumont faisoit la corne [l'aile] gauche, aiant à chacun de ses estriers un regiment françois, D'AUB. Hist. III, 229.
   Il se sent tant mon obligé, que c'est pour l'amour de moy qu'il porte cette corne de cheveux, D'AUB. Conf. II, 1.
   Les elephans, estant irrités, chargent les hommes sur leurs cornes, et les jettent si haut, que...., PARÉ Animaux, 13.
   La corne-de-cerf, le cerfeuil, le nazitor ou cresson alenois, et autres menues herbes, O. DE SERRES 536.
   Nous fismes une autre grande attaque, en la quelle nous ecornasmes la moitié de la corne, BASSOMPIERRE Mém. t. II, p. 234, dans LACURNE.
   Doncq quel proufit vient il à l'humain gendre [au genre humain] Dessus son chief les cornes d'orgueil prendre ?, Les triomphes de Pétrarque, trad. par le baron D'OPEDE, f° 97, dans LACURNE.
   Boeufs portent cornes, et veaux cornettes, DES ACCORDS Bigarr. f° 48, dans LACURNE.
   Bourguig. cone ; wallon, coine ; provenç. corn ; espagn. cuerno ; ital. corno ; du latin cornu; allem. Horn. On remarquera dans l'historique, arc de cor : c'est un arc fait de deux cornes reliées par le milieu avec du bois d'if ; que cor puisse provenir de cornu, c'est ce que prouvent les cors du cerf.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
CORNE. Ajoutez :
15°   Synonyme de croissant, petit pain ou gâteau ainsi nommé pour sa forme.
16°   Nom donné dans le Midi aux bras principaux de la vigne, sur lesquels naissent les sarments fructifères.
   La Corne (avec un grand C) se dit de certains caps.
   Constantin qui rendit si célèbre par tout l'univers le golfe de la Corne d'or, Journ. offic. 13 oct. 1874, p. 7001, 2e col..
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corne 2.
(kor-n') s. f.
Le fruit du cornouiller, dit aussi cornouille.
   XIIIe s.
   Cornes sont froides et sekes ; mais quant eles sont bien meüres, si ne sont pas si froides, ALEBRANT f° 56, verso..
   Voy. cornouille.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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