- ciel
- (sièl) s. m.Le pluriel est ciels (sièl) ou cieux (sieû), suivant l'emploi. Voy. la REMARQUE.1° Espace que nous apercevons étendu au-dessus de nos têtes en forme de voûte et circonscrit par l'horizon. Le ciel est pur. Le ciel est chargé. Ciel changeant. Ciel menaçant. Un ciel gris, sombre. Le ciel bleu. La voûte du ciel ou des cieux.• La lune est dans le ciel, et le ciel est sans voile, LAMART. Harm. I, 10.• Un monde est assoupi sous la voûte des cieux, LAMART. ib. II, 4.• Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile, immobile et sans voix, LAMART. ib. II, 2.• Il [l'homme qui a fait une faute] rougit de lui-même, et combien qu'il ne sente Rien que le ciel présent et la terre présente, Pense qu'en se voyant tout le monde l'a vu, MALH. I, 4.On ne voit ni ciel ni terre, se dit de ténèbres fort épaisses.On dit de choses fort différentes, qu'elles sont éloignées comme le ciel et la terre.Entre terre et ciel, dans l'air.Couleur bleu de ciel.Sous le ciel, sur la terre.• Tircis disait un jour à la jeune Amarante : Ah ! si vous connaissiez comme moi certain mal Qui nous plaît et qui nous enchante, Il n'est rien sous le ciel qui vous parût égal, LA FONT. Fabl. VIII, 13.Élever quelqu'un jusqu'au ciel, le louer avec excès.• Tel porte jusqu'au ciel leur vertu sans égale, CORN. Hor. III, 2.• On vous loua jusqu'au ciel, SÉV. 49.• Et la France a les destinées Pour elle tellement tournées Contre les vents séditieux, Qu'au lieu de craindre la tempête, Il semble que jamais sa tête Ne fut plus voisine des cieux, MALH. III, 2.Le Fils du ciel, l'empereur de Chine. Le ciel inférieur, la Chine.2° Terme d'astronomie ancienne. Les diverses sphères cristallines et concentriques à la terre que les anciens avaient supposées pour expliquer les mouvements apparents des astres. Le ciel de la lune. Le ciel de Jupiter.• Comme le ciel mobile, éternel en son cours, Fait les siècles, les ans et les mois et les jours, RÉGNIER Sat. III.Les anciens ne s'accordaient pas sur le nombre de ces ciels. Ils en avaient d'abord sept pour les sept planètes, la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne. Après ceux-là venait le ciel des étoiles fixes, qu'on appelait aussi empyrée, ou premier mobile, comme donnant le mouvement à tout ; ou firmament, comme enveloppant ou affermissant tout l'univers. Plus tard on imagina sous le nom de premier ou second cristallin des ciels intermédiaires entre le firmament et le ciel de Saturne pour expliquer divers mouvements nouvellement observés. Plus tard enfin, au XVIe siècle et au commencement du XVIIe, avant que le système de Copernic triomphât définitivement, on réduisit toutes ces sphères à trois, une pour les planètes (qui en contenait réellement sept), une pour les étoiles fixes, et une autre fort mal déterminée à laquelle on laissa le nom d'empyrée.• Tous ces ciels étaient supposés solides, et de là ces expressions-ci : Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me venge !, CORN. Rod. V, 1.Familièrement. Si le ciel tombait, il y aurait bien des alouettes prises, se dit pour se moquer d'une supposition absurde.Tomber du ciel, se dit d'une chose ou d'une personne qui arrivent tout à fait à l'improviste et qui d'ordinaire apportent quelque chose de très avantageux. Ce secours tombait bien véritablement du ciel. On l'avait regardé comme tombé du ciel pour cela.• Vous qui, dès le berceau, de bon oeil me voyez, Qui du troisième ciel mes destins envoyez, Belle et sainte planète, astre de ma naissance, RÉGNIER Élég. V.Être ravi au troisième ciel, au septième ciel, éprouver une vive joie.3° Dans l'astronomie moderne, l'espace immense dans lequel les astres accomplissent leurs révolutions : à ce point de vue, la terre, étant une planète, est dans le ciel.• Par delà tous ces cieux le dieu des cieux réside, VOLT. Henr. VII.4° L'ensemble des constellations qui parent le ciel.• Les Égyptiens ont trouvé cette grande année qui ramène tout le ciel à son premier point, BOSSUET Hist. III, 3.• Et qui guide les cieux et leur course rapide ?, LA FONT. Fabl. X, 1.Les influences du ciel, les prétendues influences qu'on attribuait aux astres sur la destinée humaine.• S'il ne sent point du ciel l'influence secrète, Si son astre en naissant ne l'a formé poëte, BOILEAU Art p. I.5° Air, atmosphère, climat. Essuyer l'inclémence du ciel et des saisons. Vous y trouverez un ciel toujours pur et serein.• Jeunes et tendres fleurs par le sort agitées, Sous un ciel étranger comme moi transplantées, RAC. Esth. I, 1.• Cherchant avidement sous un ciel étranger...., RAC. Mithr. III, 1.• Sous un ciel plus heureux et plus digne de vous, RAC. ib. I, 3.• Tout ciel est agréable où notre âme est paisible, DUCIS Macbeth, V, 2.• Je ne puis comprendre pourquoi, toute la Grèce étant placée sous le même ciel et les Grecs nourris de la même manière, il se trouve néanmoins si peu de ressemblance dans leurs moeurs, LA BRUY. Caract. de Théophr. Avant-propos..• D'un vaste champ de fleurs je tire un peu de miel ; Tout m'enrichit, et tout m'appelle ; et, chaque ciel M'offrant quelque dépouille utile et précieuse, Je remplis lentement ma ruche industrieuse, A. CHÉN. Élég. 24.Fig.• Il est temps qu'en son ciel cet astre aille reluire, CORN. Nicom. II, 2.Terme de marine. Ciel fin, ciel clair et sans nuage. Ciel gros, ciel couvert de gros nuages. Le ciel se hausse, il s'éclaircit.Le feu du ciel, la foudre.• Pourquoi vous troublez-vous, enfants de l'Évangile ? à quoi sert dans les cieux ton tonnerre inutile, Disent-ils au Seigneur ?..., LAMART. Harm. I, 5.Un ciel d'airain, des cieux d'airain, un temps sec et sans pluie, et qui dure depuis assez longtemps pour que les biens de la terre en souffrentFig. Un ciel d'airain, les rigueurs inexorables du destin.Familièrement. Remuer ciel et terre, faire tous ses efforts pour arriver à un but.6° Terme de théologie. Le séjour des bienheureux. Ne désirer que le ciel. Les joies du ciel.• Je prétendais autant qu'aucun autre à gagner le ciel, DESC. Mét. I, 11.• L'honneur leur appartient d'avoir ouvert la porte à quiconque osera, d'une âme belle et forte, Pour vivre dans le ciel, en la terre mourir, MALH. I, 4.Voir les cieux ouverts, ressentir une indicible joie.• Ce n'est pas le ciel ouvert, mais enfin on n'a pas mieux, et c'est un parti forcé, VOLT. Lett. Mme du Deffant, 6 janv. 1764.Fig. Les choses, les puissances célestes, divines, Dieu, la Providence. Les dons, les bénédictions du ciel.• Le ciel sur nos souhaits ne règle pas les choses, CORN. Pomp. V, 2.• Ciel, à qui voulez-vous désormais que je fie Le secret de mon âme et le soin de ma vie ?, CORN. Cinna, IV, 2.• Sire, puisque le ciel entre les mains des rois Dépose la justice et la force des lois...., CORN. Hor. V, 2.• Et dédaigne de voir le ciel qui le trahit, CORN. Pomp. II, 2.• Le ciel vous le fait voir un poignard à la main ; Le ciel est juste et sage et ne fait rien en vain, RAC. Ath. II, 5.• Cieux, écoutez ma voix, terre, prête l'oreille, RAC. Athal. III, 7.• Nous préservent les cieux d'un si funeste abus !, VOLT. Brut. II, 4.• Mais le plaisir à ma philosophie Révèle assez des cieux intelligents, BÉRANG. Dieu des b. gens..• Ô nuits, déroulez en silence Les pages du livre des cieux, LAMART. Harm. I, 2.• Mais comment consentir à ce que vous voulez, Sans offenser le ciel, dont toujours vous parlez, MOLIÈRE Tart. IV, 5.• J'aurais une douleur extrême qu'une personne que j'ai chérie tendrement devînt un exemple funeste de la justice du ciel, MOLIÈRE le Festin, IV, 9.• On n'a pas besoin de lumière quand on est conduit par le ciel, MOLIÈRE ib. IV, 12.• Vous me voyez revenu de toutes mes erreurs, je ne suis plus le même d'hier au soir, et le ciel tout d'un coup a fait en moi un changement qui va surprendre tout le monde, MOLIÈRE ib. V, 1.• On le verra bientôt, pompeux en cette ville, Marcher encore chargé des dépouilles d'autrui, Et jouir du ciel même irrité contre lui, BOILEAU Sat. I.Grâce ou grâces au ciel, exclamation par laquelle on se félicite de quelque chose d'heureux.• Je suis revenu, grâces au ciel, de toutes mes folles pensées, MOL. le Festin, IV, 9.Ciel ! ô ciel ! juste ciel ! justes cieux ! exclamations qui expriment l'admiration, la joie, la douleur, la crainte, etc.• Ciel ! quel nombreux essaim d'innocentes beautés...., RAC. Esth. I, 2.7° La piété, la vertu pieuse.• La tendre hypocrisie, aux yeux pleins de douceur, Le ciel est dans ses yeux, l'enfer est dans son coeur, VOLT. Henr. VII.• Venez, enfants du ciel, orphelins sur la terre ; Il est encor pour vous un asile ici-bas, LAMART. Harm. I, 11.8° Terme de peinture. Partie d'un tableau qui représente le ciel. Ce peintre fait bien les ciels.Aspect particulier du ciel de tel ou tel pays. Ce peintre reproduit bien les ciels de l'Italie.9° Le couronnement, le haut d'un lit. Des ciels de lit.• Elle n'eut.... Autre ciel pour objet que le ciel de son lit, RÉGNIER Sat. XIII.Le dais qu'on porte au-dessus du St-Sacrement.Le haut, le plafond d'une carrière. Des infiltrations percent les ciels de carrière.• Dieu les amincissant [les contours des blocs de rocher] en immenses spirales Les sculpte comme un lustre au ciel des cathédrales, LAMART. Joc. II, 82.Carrière à ciel ouvert, carrière qu'on exploite en enlevant à fur et à mesure la terre qui recouvre le gisement.Dans les machines à vapeur, le dessus d'un fourneau. Le pluriel est aussi ciels.PROVERBESLe ciel rouge au soir, blanc au matin, c'est la journée du pèlerin.Les mariages se font au ciel, locution dont on se sert pour exprimer qu'on les attribue à la direction même de la Providence. On dit dans le même sens : cela était écrit au ciel.Ciel pommelé et femme fardée ne sont pas de longue durée, sage conseil donné aux femmes et fondé, quant à l'expression, sur ce qu'en effet un ciel pommelé ne dure pas.• Le ciel, à proprement parler, est cette partie de la voûte azurée que nous voyons ou que nous concevons comme renfermée dans un horizon déterminé. C'est dans ce sens qu'on dit : le ciel de la Provence et celui de l'Italie sont bien différents des ciels de l'Angleterre et de l'Écosse ; ce peintre réussit admirablement dans les ciels. Les ciels de lit tirent leur nom de leur forme et de leur position au-dessus de nos têtes ; et ces exemples nous montrent que, quand on compte les ciels, c'est-à-dire quand on passe au pluriel entendu dans la rigueur de la définition, on le forme régulièrement en ajoutant un s au singulier. Le mot cieux, au contraire, indique non la pluralité, mais l'universalité indivise de la sphère céleste, ou, au figuré, la Providence, le pouvoir céleste, JULLIEN .Xe s.• Qu'elle Deo raneiet [renie], chi maent [demeure] sus en ciel, Eulalie.XIe s.• N'a tel vassal sous la cape du ciel, Ch. de Rol. XL.• Souz cel n'i a plus encrismé felon, ib. XCII.• Mors est Rolans ; Deus en a l'ame es cels, ib. CLXXIII.XIIe s.• Qui fit le ciel et la terre et la mer, Roncisv. p. 32.• Charles regarde amont vers les hauz ciez, ib. p. 112.• [Je] N'en donroie le desir Pour tout l'avoir dessouz ciel, Couci, XII.XIIIe s.• Dame, merci, pour Dieu qui fit ciel et rosée, Berte, XVI.• Comment diable ! estes vos tiex [tel] ? Quidiez-vos monter as sainz ciex, Avec Dame Dieu là amont ?, Ren. 24746.• Il sembloit que ce fust uns anges, Qui fust tantost venu du ciau, la Rose, 907.• Des roses i ot grans monciaus ; Si beles ne vit homs sous ciaus, ib. 1646.• Et ce face dire deus ou trois feiz, ainsi que les esteilles aperent ou ciel, Ass. de Jér. 82.• Li cuers le conte est à Citiaux, Et l'arme [âme] là sus en sains ciaux, Et li cors en gist outre mer, RUTEB. 59.• Et la contrée du ciel ne aide pas sans plus à la force des corps, ainczois vault moult à la force des couraiges, J. DE MEUNG Végèce, I, 2.XIVe s.• Mais aucuns qui se voient en fortune tramper, Cuident aucune fois jusques au ciel aler, Et ne regardent pas des degrez avaler, Guesclin. 15180.• Dix huit ais de blanc bois, dont on fist le chiel de la dite chapelle, Bulletin du comité de la langue, t. II, n° 1, p. 54.XVe s.• Il est ravy trop plus hault qu'aux tiers cieulx Et prend pour soy tousjours la chose aux mieulx, AL. CHARTIER Le débat des deux fortunes..• Veux tu mettre ta bouche au ciel [t'en prendre aux grands], parler des grands seigneurs auxquels on ne peut dire : pourquoy faictes vous ainsi ?, GERSON Harangue au roi Charles VI, p. 17.• Le roy entra en la ville ; sur lequel quatre gentilhommes et chevaliers demeurans en icelle porterent un ciel ou dais, et estoient toutes les rues par où il passoit tendues à ciel, J. CHARTIER Hist. de Charles VII, p. 209, dans LACURNE.XVIe s.• Le ciel ou poisle [de l'autel] est un cedre embasmant Les coeurs humains, MAROT I, 173.• Et firent oster de dessus son berceau les ciels, poisles et daix qui y estoient, avec les rideaux et tour du lict, CARL. III, 17.• Le soleil est de trois epicycles, c'est à dire ciels ou estages, au dessus de la lune [c'est-à-dire ceux de Mercure, de Vénus et le sien propre], PARÉ Monstr. ap. 4.• Je m'asseuroy qu'au changement des cieux Cest an nouveau romproit ma destinée, RONS. Amours, I, 180.• De ces nations qui n'ont aulcune cognoissance de vestements, il s'en treuve d'assises environ soubs mesme ciel que le nostre et soubs bien plus rude ciel que le nostre, MONT. I, 259.• Ce ciel de lit tout enflé d'or et de perles n'a aulcune vertu à rappaiser les trenchées d'une verte colique, MONT. I, 326.• Ciel immobile on ne cognoist, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 97.Picard, ciu ; bourguig. cier ; bressan, ciar ; franc-comtois, cié ; wallon, sîr ; provenç. cel ; espagn. et ital. cielo ; du latin coelum, qui se rattache au mot grec qui signifie creux (car l'orthographe caelum paraît devoir être rejetée). Notre pluriel cieux est le cas régime, dans l'ancien français le nominatif pluriel étant li ciel.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRECIEL. Ajoutez :9° En termes de marin, le vieux ciel, le ciel tel qu'il était avant qu'il se couvrît de nuages.• Dès qu'ils [les nuages] sont coupés, et que l'on aperçoit entre eux l'azur du ciel, ou, comme s'expriment les marins, le vieux ciel, on est assuré que le coup de vent touche à sa fin, LA COUDRAYE Théorie des vents et des ondes, p. 45.10° Au théâtre, ciel ouvert, sorte de toiture au-dessus de la scène.• On nous écrit de Lyon : à sept heures et demie environ le ciel ouvert, formant toiture au-dessus de la scène, s'est effondré, et dès lors on put considérer l'incendie comme terminé, Gaz. des Trib. 6 nov. 1875, p. 1071, 4e col..11°
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.