- cafarde
- cafard, cafarde(ka-far, ka-far-d' ; le d ne se lie pas : un ka-far adroit ; au pluriel l's ne se lie pas : des ka-far adroits ; d'autres lient cette s, disant : des ka-far-z adroits) s. m. et f.1° Celui, celle qui, n'ayant pas la dévotion, en affecte l'apparence, ou qui, l'ayant, affecte les airs de la bigoterie.• C'était un cafard qui en bannit la science et y mit tout en misérables minuties, SAINT-SIMON 50, 91.• À table hier, par un triste hasard, J'étais assis près d'un maître cafard, VOLT. Apol. du luxe..• Peut-être un cafard qui sait peindre Jusqu'au charme de la vertu, BÉRANG. Portrait..• Au demeurant, il faisait le cafard, LA FONT. Herm..2° Adj. Avoir l'air cafard, la mine cafarde.Damas cafard, damas mêlé de soie et de fleuret.3° Nom, dans quelques provinces, de la blatte, insecte qui recherche les endroits chauds, dite aussi bête noire (blatta orientalis).CAFARD, BIGOT. Le bigot est livré à des pratiques minutieuses de dévotion, il ne les affecte pas ; il les suit par inclination ou par éducation. Le cafard, en tant qu'il n'est pas hypocrite, est le bigot faisant montre et parade de sa dévotion, et l'affectant dans son maintien, dans l'expression de ses traits, dans son langage.XVIe s.• Lui aiant jusques ici plustost senti l'atheiste que le caphard, D'AUB. Hist. III, 490.• Ce mot de caphard très odieux a esté mis en usage par les huguenots pour denigrer l'honneur de la prestrise, GARASSE Recherche des recherches, p. 718, dans LACURNE.• C'est, à parler sainement, toujours pris en mauvaise part pour un religieux qui a fait banqueroute à sa sainte profession, et jeté le froc aux orties, LÉON TRIPAULT Celthellenisme, dans LACURNE.Ménage y rapporte le catalan cafre, infidèle ; espagn. et portug. cafre, dur, cruel ; de l'arabe kâfir, infidèle, mécréant. Au contraire Du Cange le tire de caphardum ou chabbardum, sorte de vêtement qui est mentionné, au XIVe siècle, dans des statuts d'université. Le fait est que d'Aubigné écrit caphard, et qu'on ne voit pas comment le mot arabe kâfir, avec son dérivé roman cafre, aurait pris le suffixe ard. L'étymologie de Du Cange est la plus vraisemblable ; mais il ne nous apprend rien sur l'origine de caphardum même.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRECAFARD. - ÉTYM. Ajoutez : M. F. Bovet, de Genève, qui combat à la fois l'étymologie par l'arabe kâfir, et par le bas-lat. caphardum, tire cafard de cathare, nom d'hérétiques du moyen âge (cathares voulait dire les purs). " C'est, dit-il, un sobriquet populaire, qui aura été dans la bouche du peuple longtemps avant d'être écrit et dont par conséquent l'orthographe aura suivi la prononciation. Les Grecs prononcent d'une manière qui ressemble à s'y méprendre, non pas le th anglais comme on le dit souvent, mais bien plutôt notre f. En russe Théodore est devenu Féodor et Fédor, et j'ai été frappé en Grèce d'entendre des Français illettrés prononcer le Thèbes comme s'il était écrit Fiva. " Il est difficile d'admettre l'opinion de M. Bovet ; ce qui la réduit toujours à être une conjecture, c'est qu'elle ne rend compte ni de l'interruption qu'aurait subie cathare (cafard ne paraissant qu'au XVIe siècle), ni de la présence du d. D'un autre côté M. G. d'Eichthal suggère que le cafard bigot pourrait bien dériver, pour la couleur et les moeurs cachées, du cafard grillon, de l'allem. Käfer, même sens. Ce rapprochement est inadmissible ; mais il se pourrait en effet que l'emploi ancien de cafard appartînt à l'insecte, et que, au XVIe siècle, les réformés en eussent fait une application haineuse aux religieux catholiques. Dans cette hypothèse, le cafard grillon aurait été ainsi nommé, à cause de sa couleur noire, du bas-lat. caphardum, sorte de vêtement universitaire.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.