- adoucir
- (a-dou-sir) v. a.1° Rendre doux. Adoucir l'amertume, l'âpreté des fruits. Adoucir des fruits par la culture.• Il n'est rien de si amer dont cette onction céleste n'adoucisse l'amertume, BOURD. Pensées, t. I, p. 100.2° Par extension, ôter les qualités qui blessent. La pluie adoucit le temps [le rend moins froid]. Adoucir sa voix, parler d'un ton moins élevé, moins aigre. Adoucir la prononciation d'une langue.• S'il m'en restait un seul, j'adoucirais ma plainte, LA FONT. Fab. III, 6.• .... cher amour, épanche ta douleur ; J'adoucirai ta peine en écoutant ta plainte, Et mon coeur versera le baume dans ton coeur, LAMART. Nouv. Médit. X..• Ses aumônes, s'étendant, par leur abondance, même sur les ennemis de la foi, adoucissaient leur aigreur et les ramenaient à l'Église, BOSSUET Reine d'Anglet..• Elle [Cérès] montrait à ces hommes grossiers l'art d'adoucir la terre, FÉN. Tél. XVII.• Cécrops, apportant des lois utiles de l'Égypte, qui a été pour la Grèce la source des lettres et des bonnes moeurs, adoucit les naturels farouches des bourgs de l'Attique et les unit par les liens de la société, FÉN. ib. XIX..• Ne pourrai-je adoucir vos inflexibles moeurs ?, VOLT. Alz. IV, 1.3° Au moral, rendre plus supportable.• Ô vous, admirables personnes, qui, par la douceur de vos chants, avez l'art d'adoucir les plus fâcheuses inquiétudes...., MOL. Prince d'Él. IV, interm. sc. 1.• Si l'espoir de régner et de vivre en mon coeur Peut de son infortune adoucir la rigueur...., RAC. Bérén. III, 1.• Vous seule adouciriez le destin des vaincus, VOLT. Orphel. IV, 5.• S'il ne tarit, au moins il adoucit mes larmes, DUCIS Osc. III, 2.• Ce qui porte avec soi quelque difficulté, il le propose comme difficile et ne cherche point à l'adoucir par de faux tempéraments, BOURD. Pensées, t. I, p. 88.4° Calmer, apaiser. Adoucir la colère. On parvint à adoucir son ressentiment. Rien ne pouvait l'adoucir. Le juge que l'avocat doit adoucir.• Je l'irritais encore au lieu de l'adoucir, VOLT. Orph. I, 3.• Comme par sa prudence il a tout adouci...., CORN. Rod. V, 4.• Ce qui irrite la douleur en un temps, l'adoucit en un autre, FÉN. Tél. XXI.• Il ne faut quelquefois qu'une jolie maison dont on hérite, qu'un beau cheval ou un joli chien dont on se trouve le maître, pour adoucir une grande douleur, LA BRUY. 11.5° Polir, ôter les aspérités. On adoucit le bois avec la prêle. On adoucit les glaces avec l'émeri.6° En peinture et en sculpture, adoucir, rendre moins saillant, moins tranchant ; adoucir les contours.En un sens analogue, cette coiffure adoucit l'air du visage.• Adoucissez ce front et ce regard austère, ANCELOT Fiesque, I, 4.7° Mitiger, atténuer, présenter d'une façon plus excusable, plus acceptable. Adoucir une expression, des reproches.• Je puis me vanter, répliquai-je, que je vous adoucis bien tout ce système, FONTEN. Mondes, 1er soir..• Eux seuls [les gens de bien] vous épargnent, cachent vos vices, adoucissent vos défauts, excusent vos fautes, MASS. Injust. du monde..8° S'adoucir, v. réfl. Devenir plus doux, au propre et au figuré. Le raisin s'adoucit en mûrissant. Le froid s'étant adouci. Que la voix s'adoucisse. Les moeurs se sont adoucies. Le vainqueur ne s'est pas adouci à l'égard des vaincus.• Le peuple par leur mort pourrait s'être adouci, CORN. Nic. V, 4.• Un vainqueur s'adoucit auprès de sa captive, CORN. ib. IV, 3.• Et déjà son courroux semble s'être adouci, RAC. Andr. I, 1.• Quand même ma fierté pourrait s'être adoucie...., RAC. Phèd. I, 1.• Ils se persuadent que les devoirs rigoureux que l'Évangile prescrivait d'abord aux premiers âges de l'Église, se sont adoucis avec le relâchement des moeurs, MASS. Car. Immutab..• Votre coeur malgré vous s'émeut et s'adoucit, VOLT. Alz. I, 1.1° ADOUCIR, MITIGER, MODÉRER, TEMPÉRER. Tous ces verbes sont opposés au trop et en expriment le retranchement. On adoucit par quelque chose de doux ; on mitige par quelque chose de débonnaire ; on modère par quelque chose qui apporte de la mesure ; on tempère par quelque chose qui apporte du mélange. De là vient ce qu'il y a de commun et ce qu'il y a de différent dans ces quatre verbes. On adoucit l'amertume de la douleur ; on mitige une pénalité sévère ; on modère la passion ; on tempère la crainte avec l'espérance.2° ADOUCIR, RADOUCIR., Rendre doux, au propre et au figuré. Souvent ces deux verbes ont un même sens et s'emploient l'un pour l'autre ; mais, quand ils sont distincts, radoucir se dit des choses ou des personnes qui, étant douces. ont été changées, et en général qu'on ramène à la douceur. La pluie adoucit le temps ; mais la pluie a radouci le temps signifie que le temps s'était mis au froid et qu'il redevient doux On adoucit l'humeur d'une personne rude naturellement ; mais un homme en colère se radoucit.XIIIe s.• Dit Renoars : Or vois je [je vais] aprenant ; Des ore iré [j'irai] mes cox [coups] plus adouçant, Bat. d'Aleschans, 5757.• Quant Pierres l'a oï, s'el [alors il le] prent à adolchier, Ch. d'Ant. VII, 915.XVe s.• Lorsqu'il est en grant courroux, Voulez-vous Lui adoucir le couraige ? Faites lui tout seulement Promptement Boire quelque breuvaige, BASSEL. 36.XVIe s.• J'espère, si le temps s'adoulcist ou qu'elle fasse une pierre, que ce sera la guerison, MARGUER. Lettr. 40.• Les chants addoucissoient les cueurs felons des escoutans, et les induisoient à aimer les choses honnestes, AMYOT Lyc. 4.• Il voulut entremesler le rire parmy leurs convives et autres assemblées, comme une saulse plaisante pour adoulcir le travail et la dureté de leur regle de vivre, AMYOT Lyc. 54.• Ils desguisoient et addoulcissoient des plus gracieux noms qu'ils pouvoient, les faultes qu'il faisoit, AMYOT Alcib. 28.Picard. adouchir ; bourguig. édouci ; provenç. adolzar, adoulzar, adolcir, adossir ; espagn. adolcir, et anc. espagn. adulzar ; portug. aducir, adoçar ; ital. addolcire, addolcare et addolciare ; de ad, à (voy. à), et dulcis, doux. Les conjugaisons romanes viennent de deux formes bas-latin, addulcire et addulcare. L'ancien français adoucer est tombé en désuétude ; il n'est resté que adoucir.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREADOUCIR. - HIST. Ajoutez :XIIe s.• Ainceis [Guillaume le Conquérant] lor [aux seigneurs anglais] fait dire et semundre Qu'à lui viengent en bonne pais, Senz crieme nule et senz esmais : Eissi's [ainsi les] adoucist e apele, BENOÎT Chronique, t. III, p. 218, V. 37660.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.