vapeur

vapeur
(va-peur) s. f.
   Espèce de fumée qui s'élève des corps humides par l'effet de la chaleur.
   Je ne suis point cet assemblage de membres que l'on appelle le corps humain, je ne suis point un air délié et pénétrant répandu dans tous ces membres, je ne suis point un vent, un souffle, une vapeur, DESC. Méd. II, 5.
   Celles qui ont dîné ont mal au coeur, et sont suffoquées de la vapeur des viandes, SÉV. 185.
   Elle [l'âme qui a oublié Dieu] dit : je suis une vapeur, je suis un souffle, je suis un air délié ou un feu subtil, sans doute une vapeur qui aime Dieu, un feu qui connaît Dieu, un air fait à son image, BOSSUET la Vallière..
   Telle, à peine marquant sa trace passagère, Vole sur les marais une vapeur légère, DELILLE Parad. perdu, XII.
   Des plus douces vapeurs l'encens délicieux En nuage odorant s'exhalait vers les cieux, ID. ib. VIII.
   Ce qui s'exhale des corps solides par voie de décomposition, de combustion.
   Pour recueillir l'arsenic et en éviter en même temps les vapeurs funestes, on construit des cheminées inclinées et longues de vingt à trente toises au-dessus du fourneau où l'on travaille la mine de cobalt, BUFF. Min. t. VI, p. 69.
   Terme d'alchimie. Vapeur potentielle, l'essence, la splendeur, l'âme du métal.
   Il s'est dit en parlant de l'atmosphère.
   Cette mer de vapeurs dans laquelle nous nageons, qui nous menace sans cesse, et sans laquelle nous ne pourrions vivre, comprime de tous côtés notre globe et ses habitants, VOLT. Dict. phil. Air..
   Exhalaison qui voile, qui obscurcit.
   Et l'enfer, couvrant tout de ses vapeurs funèbres, Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres, RAC. Esth. Prologue..
   Mille noires vapeurs obscurcissent le jour, J. B. ROUSS. Cantate, Circé..
   L'océan trompeur Couvre de vapeur La dune, V. HUGO Cromwell, IV, 1.
   Fig.
   Les événements passés demandent, pour être agrandis aux yeux de l'imagination, non-seulement une grande distance, mais une certaine vapeur répandue dans l'intervalle, MARMONTEL Oeuv. t. II, p. 327.
   En physique, nom donné à des fluides aériformes, très coercibles, provenant de la vaporisation, par la chaleur, de corps habituellement liquides ou solides à la température ordinaire, et repassant à l'état liquide ou solide quand la température baisse sensiblement, ou que la pression devient plus forte. La vapeur d'éther, d'alcool, de camphre.
   L'expérience m'a appris que la vapeur de l'eau peut entretenir et augmenter le feu, comme le fait l'air ordinaire, BUFF. Hist. Min. introd. Oeuv. t. VI, p. 140.
   Les vapeurs qui s'élèvent au-dessus de la mer et que les vents transportent sur la terre, suffisent pour former toutes les rivières et entretenir toutes les eaux qui sont à la surface de la terre, BUFF. Hist. nat. th. terr. t. II, p. 73.
   Si l'air qui reçoit la vapeur est déjà chargé d'eau, et que sa température ne soit que de sept à huit degrés ou au-dessous, alors la vapeur y devient apparente, et y forme un nuage très sensible d'un gris blanc ; aussi voit-on fumer en hiver l'eau qu'on tire d'un puits un peu profond, ce qui n'arrive pas en été, BRISSON Traité de phys. t. II, p. 145.
   Il faut considérer que les vapeurs agissent tantôt comme causes productives de l'électricité aérienne, tantôt comme conductrices de cette électricité, SAUSSURE Voy. Alpes, t. III, p. 372.
   L'eau en vapeur existe dans l'air atmosphérique, même bien au-dessous de zéro, THENARD Traité de chim. t. I, p. 513, dans POUGENS.
   Chaleur latente des vapeurs, calorique qu'elles abandonnent quand elles se condensent, et auquel elles doivent leur force élastique.
   Tension des vapeurs, voy. tension.
   Vapeur vésiculaire, nom donné longtemps aux parcelles d'eau visibles dont l'ensemble forme les brouillards et les nuages, parce qu'on les croyait formées d'une bulle d'eau pleine d'air. On sait aujourd'hui que ce terme est impropre, ces vapeurs visibles étant formées par des gouttelettes très fines.
   Vapeur de charbon de bois, de charbon de terre, de coke, ou vapeur de bois chauffé, nom donné au gaz et à la vapeur d'eau qui se dégagent et se mêlent à l'air libre ou confiné lorsque les corps susdits brûlent dans de telles conditions que l'oxygène leur arrive en quantité insuffisante pour qu'il y ait, par combustion, complète transformation en eau et en acide carbonique. La vapeur de charbon asphyxie.
   Machine à vapeur, voy. machine, n° 4.
   Bateau à vapeur, bateau qui marche à l'aide d'une machine à vapeur.
   Aller à pleine vapeur, à toute vapeur, se dit d'un convoi, d'un bâtiment qui marche avec toute la vapeur que la machine peut donner.
   Contre-vapeur, mécanisme à l'aide duquel, sur les locomotives, on use de la vapeur à contre-sens, pour diminuer la rapidité des trains. L'emploi de la contre-vapeur.
   Absolument, la vapeur, la force que possède la vapeur d'eau grâce au calorique, et dont on dispose dans toute sorte de mécanismes.
   La presse éclaire, et le gaz illumine, Et la vapeur vole aplanir les mers, BÉRANG. Comète..
   On dirait que pour vous le fleuve qui se presse Lutte avec la vapeur de force et de vitesse, P. LEBRUN Poés. t. II, 35.
   Fig. Faire une chose à la vapeur, la faire très vite.
   Bain de vapeur, bain que l'on prend en restant exposé dans un endroit clos à des vapeurs chaudes.
   Terme de chimie. Bain de vapeur, distillation dans laquelle le vaisseau contenant les matières à distiller est échauffé par la vapeur de l'eau bouillante.
   Terme de peinture. Représentation des vapeurs par le pinceau.
   Vernet balance Claude le Lorrain dans l'art d'élever des vapeurs sur la toile, DIDER. Salon de 1765, Oeuv. t. XIII, p. 147, dans POUGENS.
   Au sing. Fig. Manière douce et affaiblie qui montre les objets comme à travers un voile transparent. Il y a de la vapeur dans ce tableau.
   Les vapeurs du vin, l'étourdissement que le vin pris en trop grande quantité produit dans le cerveau.
10°   Fig. Trouble comparé aux vapeurs du vin, et survenant dans l'esprit.
   L'âme bizarrement de vapeurs occupée, RÉGNIER Sat. x..
   Est-ce qu'une vapeur, par sa malignité, Amphitryon, a, dans votre âme, Du retour d'hier au soir brouillé la vérité ?, MOL. Amph. II, 2.
   À moins d'une vapeur qui vous trouble l'esprit, On ne peut pas sauver ce que de vous j'écoute, MOL. ib. II, 2.
   Ce sont des vapeurs de morale Qui nous vont à la tête, et que Sénèque exhale, REGNARD le Joueur, IV, 14.
   Crains l'attrait spécieux du mensonge, les vapeurs enivrantes de l'orgueil, J. J. ROUSS. Em. III.
11°   Fig. Nom employé dans le XVIIe siècle pour désigner des accidents subits qui portaient au cerveau.
   Mlle de Meri voulut venir ici me garder ; il lui prit une vapeur si terrible, qu'elle fut contrainte de s'enfuir, SÉV. 477.
   J'ai su qu'à minuit le malade [Saint-Aubin] eut une horrible vapeur à la tête ; la machine se démontait, SÉV. 483.
   Girot en vain l'assure, et, riant de sa peur, Nomme sa vision l'effet d'une vapeur, BOIL. Lutr. IV.
   Vapeur de fille, ancien nom de l'hystérie.
   La Marbeuf pleure une jeune nièce de dix-sept ans, belle, riche, de bonne maison.... elle est expirée en trois jours d'une vapeur de fille, SÉV. 1er oct. 1684.
12°   Au plur. Humeur subtile qui s'élève des parties basses et qui occupe et blesse le cerveau, d'après Furetière, et, pour la médecine d'à présent, nom représentant toutes sortes d'affections nerveuses, hypocondrie, hystérie, névropathie, etc.. ainsi dites parce que les anciens les attribuaient à des vapeurs qu'ils supposaient partir de la matrice, de la rate, des hypocondres, et s'élever jusqu'au cerveau.
   Sganarelle : Ce sont quelques vapeurs qui me viennent de monter à la tête. - Dorimène : C'est un mal aujourd'hui qui attaque beaucoup de gens, MOL. Mar. forcé, 4.
   L'archevêque de Lyon, Alphonse, frère du cardinal de Richelieu, est le premier en France qui ait fait usage du chocolat (1661) ; il en prenait pour modérer les vapeurs de sa rate, Dict. des origines, au mot chocolat.
   On l'accuse [le chocolat] de tous les maux qu'on a ; il est la source des vapeurs et des palpitations, SÉV. 42.
   Vous ne voulez donc pas qu'on dise vapeurs ; mais que ferons-nous, si vous nous ôtez ce mot ? car on le met à tout : en attendant que vous autres cartésiens en ayez trouvé un autre, je vous demande permission de m'en servir, SÉV. 543.
   Vous me paraissez raccommodée avec le mot de vapeurs, que vous ne vouliez plus prononcer qu'on ne vous l'eût expliqué, SÉV. 6 juill. 1689.
   Pour moi, je n'ai plus de vapeurs ; je crois qu'elles ne venaient que parce que j'en faisais cas : comme elles savent que je les méprise, elles sont allées effrayer quelques sottes, SÉV. 5 nov. 1684.
   Avez-vous des vapeurs ? vous savez que je ne les souffre point aux personnes raisonnables, MAINTENON Lett. à Mme de Dangeau, 10 nov. 1715.
   Il était taciturne à donner des vapeurs, HAMILT. Gram. 7.
   [L'abbé Testu] C'est un des premiers hommes qui ait fait connaître ce qu'on appelle des vapeurs, SAINT-SIMON 160, 106.
   C'était un de ces médecins à la mode que les femmes envoient chercher quand elles ont des vapeurs, ou quand elles n'ont rien du tout, VOLT. Cosi Sancta..
   Les vapeurs sont les maladies des gens heureux ; c'était la mienne, J. J. ROUSS. Conf. VI.
   Les excellentes leçons que Votre Majesté veut bien me donner sur l'hypocondrie plus élégamment appelée vapeurs, me font craindre pour l'honneur de ma raison, que Votre Majesté ne me croie attaqué de cette maladie, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 29 juin 1781.
   Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc ? c'est un mal de condition qu'on ne prend que dans les boudoirs, BEAUMARCH. Mar. de Figaro, III, 9.
   Fig. Donner des vapeurs, inquiéter, tourmenter.
   Le roi d'Angleterre, qui avait été homme de mer étant duc d'York, ne fut pas content de la marine, et le manda au roi ; cela donna des vapeurs à M. de Seignelay, LA FAY. Mém. Cour de France, Oeuv. t. III, p. 17, dans POUGENS..
   Vapeurs de rate, ancien nom du spleen.
   Veut-on qu'on rabatte Par des moyens doux Les vapeurs de rate Qui nous minent tous, Qu'on laisse Hippocrate, Et qu'on vienne à nous, MOL. Am. méd. III, 8.
13°   S. m. Un vapeur, un bateau à vapeur. Il est arrivé par le vapeur. On vient d'expédier un vapeur. Le vapeur arrivera bientôt.
   L'usage fait ce mot masculin en ce sens spécial, avec raison, de la même façon qu'on dit un remise pour une voiture de remise.
   VAPEUR, GAZ. On peut faire entre la vapeur et le gaz cette différence, qu'un gaz est permanent à la température et sous la pression atmosphérique ordinaires, tandis que, dans les mêmes circonstances, la vapeur se résout en eau, ou en un autre liquide.
   XIIIe s.
   Lors s'en ist [de la terre échauffée] une vapors aussi comme fumée, BRUN. LATINI Trésor, p. 118.
   Et quant espars [éclair] vient en tonoire, Si repuet l'en sovent veoir Des vapeurs les pierres cheoir, Qui ne monterent mie pierres, la Rose, 16306.
   XIVe s.
   Raempli d'esperit et de vapours, H. DE MONDEVILLE f° 31.
   Il ne peut estre que là où le feu a esté longuement, qu'il n'y demeure toujours aucune vapeur, Ménagier, 1, 9.
   Medecine atemprée chaude o [avec] une visqueuseté qui ne leisse la vapeur exaler, LANFRANC f° 113, verso..
   XVIe s.
   Une vapeur acre qui exhale de tout leur corps, PARÉ Introd. 6.
   Aucunes fois est faite telle sublimation à la vapeur d'eau, qu'ils appellent balneum mariae, PARÉ XXV, 24.
   Ils [des mets] remplissoient.... la salle.... d'une très souefve vapeur qui ne se perdoit pas si tost, MONT. I, 393.
   Provenç. et espagn. vapor ; ital. vapore ; du latin vaporem. Vapor, d'après les éthymologistes, est pour kvapor, et tient au sanscr. kapi, du grec fumée ; l'intermédiaire est le lithuanien kvapa, haleine, parfum, évaporation.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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