- triompher
- (tri-on-fé) v. n.1° Terme d'antiquité romaine. Faire une entrée pompeuse et solennelle dans Rome après une éclatante victoire.• Le dictateur se démit de sa dignité, après avoir triomphé pour la victoire qu'il avait remportée sur les Volsques, VERTOT Rév. rom. VII, p. 122.Scipion triompha de l'Afrique, il obtint les honneurs du triomphe pour avoir soumis l'Afrique.Il s'est dit, par extension, de tout triomphe comparé à la pompe triomphale chez les Romains.• On ne pouvait lui reprocher [à Sésostris] en toute sa vie que d'avoir triomphé avec trop de faste des rois qu'il avait vaincus, FÉN. Tél. II.2° Vaincre par les armes, par la force.• À vaincre sans péril on triomphe sans gloire, CORN. Cid, II, 2.• Elle assiège et prend d'assaut, en passant, une place considérable qui s'opposait à sa marche, elle triomphe, elle pardonne, BOSSUET Reine d'Anglet..• Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort, RAC. Mithr. I, 1.• Achille va combattre et triomphe en courant, RAC. Iphig. I, 1.• Le hasard seul vous a empêché de triompher du lion ; votre valeur n'en est pas moins admirable, VOLT. Princ. de Babylone, 1.3° L'emporter sur, avoir l'avantage.• Monsieur revint chez lui, triomphant dans son imagination, RETZ Mém. t. II, IIV. III, p. 488, dans POUGENS.• Trahi de toutes parts, accablé d'injustices, Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices, MOL. Mis. v, 8.• Dans ce même tribunal où il fit si bien triompher autrefois la justice de ma cause, SÉV. 530.• De quel avantage est-il pour nous que cette loi ait triomphé de toutes les puissances du siècle et de l'enfer, si elle ne triomphe pas de nos faiblesses ?, BOURDAL. 6e dimanche après l'Épiphanie, Dominic. t. I, p. 330.• Esther a triomphé des filles des Persans, RAC. Esth. III, 9.• Il serait bien étrange que la vérité ne triomphât pas, quand c'est vous qui l'annoncez, VOLT. Lett. d'Argental, 20 déc. 1756.• Ne rougissez point, Aline ; je dois dévoiler tout ce qui peut faire triompher votre innocence, GENLIS Théât. d'éduc. Lingère, II, 6.4° Fig. Surmonter, maîtriser.• Je triomphe aujourd'hui du plus juste courroux De qui le souvenir puisse aller jusqu'à vous [postérité], CORN. Cinna, V, 3.• Faites à votre amour un peu de violence ; J'ai triomphé du mien, CORN. Sertor. IV, 3.• Combien de fois, soupirant après ces lumières vives et efficaces qui seules triomphent des erreurs de l'esprit humain, dit-il [M. de Turenne] à Jésus-Christ : Seigneur, faites que je voie, FLÉCH. Turenne..• Une de tes passions a dévoré les autres, et tu crois avoir triomphé de toi !, VOLT. Dict. phil. Caractère..• En cachant ses sentiments, elle croyait en triompher, RICCOBONI Oeuv. t. II, p. 22, dans POUGENS.• La raison ne consiste pas à triompher de soi selon les règles, mais comme on le peut, STAËL Corinne, VI, 1.Il se dit du triomphe de la grâce.• Voulez-vous savoir combien la grâce qui a fait triompher Madame a été puissante...., BOSSUET Duch. d'Orl..5° Dans le langage de la galanterie, triompher d'une femme, vaincre sa résistance.• L'amour n'a-t-il encor triomphé que de vous ?, RAC. Phèdre, IV, 6.• Nous éprouverons bientôt si son aimable chevalier saurait triompher de moi aussi facilement qu'il a triomphé d'elle, LEGRAND Temps présent, 2e part. sc. 2.6° Triompher du temps, avoir une durée très longue.• Elle [l'Égypte] imagina ses pyramides, qui, par leur figure autant que par leur grandeur, triomphent du temps et des barbares, BOSSUET Hist. III, 3.7° Avoir du succès.• Mon fils triomphe aux états [de Bretagne], SÉV. 379.• Elle [Hélène] triompha lorsque Thésée l'eut ravie ; elle triompha lorsqu'elle eut été enlevée par le fils de Priam ; elle triompha enfin lorsque les dieux l'eurent rendue à Ménélas, MONTESQ. Temple de Gnide, 3.8° Se prévaloir.• Et, d'autre part aussi, sa charmante moitié Triomphait d'être inconsolable, LA FONT. Joconde..• Les jésuites triompheront ; ce sera leur grâce suffisante en effet, et non pas la vôtre [des dominicains], qui ne l'est que de nom, qui passera pour établie, PASC. Prov. II.• Aubertin triomphe d'un passage de Seyssel, BOSSUET Var. 11.• Elle [Agrippine] se hâte trop, Burrhus, de triompher, RAC. Brit. IV, 3.• Les évêques espagnols, aidés de quelques prélats arrivés de France, soutiennent leurs prétentions ; c'est à cette occasion qu'ils se plaignent que le Saint-Esprit arrive toujours de Rome dans la malle du courrier, bon mot célèbre dont les protestants ont triomphé, VOLT. Moeurs, 172.Tirer vanité.• Bien loin de s'en confondre, on s'en glorifie, on s'en applaudit, on s'en élève, on en triomphe, BOURDAL. Myst. Pass de Jésus-Chr. t. I, p. 156.• Aussitôt [après un trait malin de satire] je triomphe, et ma muse en secret S'estime et s'applaudit du beau coup qu'elle a fait, BOILEAU Sat. VII.9° Être ravi de joie, à propos de quelque avantage.• Après vous avoir vu triompher des victoires de nos ennemis, je suis bien aise de vous mander que nous avons pris Corbie, VOIT. Lett. 74.• Et voilà que le P. Bourgoing étant arrivé en la bienheureuse terre des vivants, il chante et il triomphe avec les saints anges, BOSSUET Bourgoing.• La Discorde triomphe, et du combat fatal Par un cri donne en l'air l'effroyable signal, BOILEAU Lutr. v..• Parmi les déplaisirs où son âme se noie, Il s'élève en la mienne une secrète joie ; Je triomphe, RAC. Andr. I, 1.• Les ennemis du sénat et des conjurés triomphaient de la réunion d'Antoine et d'Octave, VERTOT Rév. rom. XIV, p. 312.10° Exceller en traitant quelque sujet. Quand il est sur cette matière, il triomphe.• Mais, poursuivit-il, notre père Antoine Sirmond, qui triomphe sur cette matière...., PASC. Prov. X..Exceller en quelque chose préférablement à d'autres. C'est quand il peint des fleurs que ce peintre triompheIl se conjugue avec l'auxiliaire avoir.XIIIe s.• Ta lumiere se fit veable à ceulx qui vie langoreuse Muerent en vie joieuse, Quant tu triumphas de deable, J. DE MEUNG Tr. 708.XVIe s.• Et ne doy point differer jusques à voir le jour, ou que mon filz prisonnier soit mené en triumphe par ses citoyens, ou que luy mesme triumphe de son païs, AMYOT Cor. 55.Lat. triumphare, de triumphus, triomphe ; prov. triomfar ; esp. triunfar ; ital. trionfare.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.