- sécher
- (sè-ché ; la syllabe sé prend un accent grave, quand la syllabe qui suit est muette : je sèche, excepté au futur et au conditionnel : je sécherai, je sécherais) v. a.1° Rendre sec. Sécher ses vêtements mouillés par la pluie. Le grand hâle sèche les fleurs.• Qu'il soit comme le fruit en naissant arraché, Ou qu'un souffle ennemi dans sa fleur a séché !, RAC. Athal. I, 2.• Et j'essuyai mon front que vint sécher la brise, LAMART. Jocelyn, Prologue..2° Mettre à sec.• Il a changé les fleuves en lieux secs et déserts, et séché les sources et les ruisseaux, SACI Bible, Psaum. CVI, 33.• Nous avons appris qu'à votre sortie d'Égypte, le Seigneur sécha les eaux de la mer Rouge, SACI Josué, II, 10.Par extension.• Déjà l'ardente soif le sèche et le dévore, DUCIS Abuf. I, 3.Fig.• Je suis trop embarrassé du mauvais succès de mes affaires, et cette inquiétude sèche toutes les pensées de vers, RAC. Lett. 20, à Levasseur..Fig. Dans l'argot de certaines hautes écoles, sécher un élève, lui donner des notes par suite desquelles il sera déclaré n'avoir pas satisfait aux examens de sortie (voy. fruit 1, n° 2).3° Fig. Sécher les larmes, consoler, empêcher de pleurer.• Quels pleurs ai-je séchés ? dans quels yeux satisfaits Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?, RAC. Bérén. IV, 4.• C'est moi, mon ami, qui ai apaisé vos premiers cris, séché vos premières larmes, A. DUVAL Men. de Livonie, III, 11.On dit de même : sécher les yeux.• Cette pitoyable nouvelle n'a pas séché mes yeux, SÉV. 115.Sécher ses pleurs, cesser de pleurer.• Sèche tes pleurs, Sabine, ou les cache à ma vue, CORN. Hor. IV, 7.• D'Antin pleurait et disait que.... il sécha et regretta bientôt ses larmes, SAINT-SIMON 197, 133.• La cuisinière entra, Mlle Hubert sécha ses pleurs, MARIV. Pays. parv. 3e part..4° V. n. Devenir sec. Les arbres séchèrent sur pied. Faire sécher des fruits au four.• Au même moment le figuier sécha, SACI Bible, Évang. Matthieu XXI, 19.• Tout le reste du peuple a séché de soif, SACI ib. Isaïe, V, 13.• Qu'on vous couronne de fleurs, qu'on vous compose des guirlandes, ces fleurs ne seront bonnes qu'à sécher sur votre tombeau, FLÉCH. Duch. de Montaus..• Sa justice [de Dieu], indignée que vous employiez contre lui ses propres bienfaits.... renverse vos fortunes, éteint vos familles, fait sécher la racine de votre postérité, MASS. Pet. carême, Vices et vert..• La superbe Carthage n'était point encore un port de mer ; il n'y avait là que quelques Numides qui faisaient sécher des poissons au soleil, VOLT. Princ. de Babyl. XI.• Faut-il demander.... pourquoi l'on voit des années qui n'ont ni printemps ni automne, où les fruits de l'année sèchent dans leur fleur ?, VAUVENARGUES Clazomène ou la Vertu malheureuse.Par extension.• Je vis sa femme [du maréchal de Créquy qui venait d'être défait].... elle n'est pas reconnaissable ; les yeux ne lui sèchent pas, SÉV. 26 août 1675.Se tarir.• Cette horrible famine.... funeste aux mères qui voyaient sécher leurs mamelles, BOSSUET Hist. II, 8.Fig. Les paroles sèchent, la langue sèche, se dit quand on ne peut parler.• Que dit-on quand on a tort ? pour moi, je n'ai pas le mot à dire ; les paroles me sèchent à la gorge, SÉV. à Bussy, 29 mai 1679.• La langue de l'impie sécha toujours devant lui de honte et de confusion, MASS. Or. fun. Dauphin, 2e p..5° Être frappé d'un desséchement, en parlant d'une partie du corps. La jambe droite lui a séché.Fig.• Si j'avais écrit comme on le désirait, j'aurais bien dit d'autres merveilles ; mais j'aurais eu peur que ma main n'eût séché, SÉV. 23 janv. 1682.6° Fig. Languir, dépérir.• Je crois qu'avant deux jours je sécherais d'ennui, CORN. Galerie, IV, 8.• Pouvons-nous être témoins de tant de chutes et de tant de malheurs, et n'en pas sécher de douleur comme le prophète ?, BOURDAL. Exhort. char. env. un sémin. t. I, p. 151.• Mme de Montespan sèche de notre joie ; elle meurt de jalousie, MAINTENON Lett. à Mme de St Géran, 7 août 1682.• Je me consume de chagrins et de veilles : je sèche à vue, MAINTENON Lett. à l'abbé Gobelin, 29 juill. 1676.• Que Rohault vainement sèche pour concevoir Comme, tout étant plein, tout a pu se mouvoir, BOILEAU Épît. V.• Va maigrir, si tu veux, et sécher sur un livre, BOILEAU Lutr. IV.• On voit quelquefois des enfants qui sèchent et qui dépérissent d'une langueur secrète, parce que d'autres sont plus caressés qu'eux, FÉN. t. XVII, p. 35.• Rousseau a, de son aveu même, séché souvent six mois sur les strophes d'un cantique, GILB. Lett. à M. Imbert..Éprouver un sentiment d'impatience, de contrariété.• On sèche quand on entend sortir ces discours d'une telle bouche [Fénelon] ; n'aurait-on pas plus tôt fait d'avouer une faute humaine..., BOSSUET Préf. Instruct. pastor. 55.• La Monsery séchait d'impatience, HAMILT. Gramm. 7.• Voici l'heure fatale où l'arrêt [au théâtre, sur une pièce] se prononce ! Je sèche, je me meurs ; quel métier ! j'y renonce, PIR. Métrom. V, 1.• Je sèche en attendant la consultation des avocats en faveur de cet infortuné [Calas] qui est mort avec plus de courage que Socrate, VOLT. Lett. Damilaville, 25 juill. 1766.Sécher sur pied, se consumer d'ennui, de tristesse, ou être en proie à une inquiétude qui cause une sorte d'abattement.• La répétition du mariage de Monsieur me fait sécher sur pied, SÉV. 95.• Malgré toutes les attentions de mes hôtes, malgré la beauté du séjour de la Haye, je sèche sur pied ; il faut que je vous revoie tous, DIDER. Lett. à Mlle Voland, 3 sept. 1774.Mme de Sévigné a dit : sécher sur le pied. On verra bientôt cette dernière sécher sur le pied, 19 août 1676.Sécher sur pied, se dit aussi, par plaisanterie, d'une fille qui ne trouve point à se marier.7° Se sécher, v. réfl. Se rendre sec.• Les feux bien allumés, ils [les soldats] passèrent la nuit à se sécher, au bruit des imprécations, des gémissements de ceux qui achevaient de franchir le torrent, ou qui du haut de ses berges roulaient et se perdaient dans ses glaçons, SÉGUR Hist. de Nap. IX, 13.Devenir à sec.• Quelque temps après le torrent se sécha, car il n'avait point plu sur la terre, SACI Bible, Rois, III, XVII, 7.8° Devenir sec.• La main qu'il [Jéroboam] avait étendue contre le prophète, se sécha, et il ne put plus la retirer à lui, SACI Bible, Rois, III, XIII, 4.• Tant de lauriers qui avaient levé leurs têtes jusqu'aux nues, se séchèrent bientôt dans une terre épuisée, VOLT. Princ. de Babyl. 10.Fig. Votre main aurait dû se sécher, se dit pour exprimer que pour rien au monde on n'eût dû faire tel ou tel acte. Votre main aurait dû se sécher avant de signer ce papier.• Que du ciel sur les rois les arrêts sont terribles !.... Nos mains se sécheraient en touchant la couronne, Si nous savions, mon fils, à quel titre il la donne, DUCIS Hamlet, II, 5.9° Cesser de couler.• Ce qui me parut étonnant, c'est que ses larmes se séchèrent tout à coup, MARIV. Pays. parv. 7e part..XIIe s.• Ensi perdrai tout fors merci crier, Et secherai de duel [deuil] et de pesance, Hist. litt. de la Fr. t. XXIII, p. 576.• Tu derumpis les fontaines, tu secchas les fluvies [fleuves], Liber psalm. p. 99.• Puis avint que la riviere sechad, Rois, p. 310.XIIIe s.• Nule riens ne seche si tost comme larmes, BRUN. LATINI Trésor, p. 572.• Si com echo.... Qui seicha tote d'ardure, Fors la voix qui encor dure, Hist. litt. de la Fr. t. XXIII, p. 717.• On doit sayer [essayer] pour mius aprendre, Piecha c'on dist : qui siet, il seche, BAUDOUIN DE CONDÉ t. I, p. 17.XIVe s.• Ne jà il ne l'aura si chier, Qu'il ne le face tout sechier, Et qu'il ne li toille [ôte] vigour, MACHAUT p. 27.XVe s.• Pour quoi fait donc dame ne pucelette Si grant dangier de s'amour à ami, Qui sechera soubz le pié com l'erbette ?, E. DESCH Profiter de la jeunesse..• Ne laissons pas seicher Le passaige des vivres ; Mais que nous soyons yvres, Nous nous irons couchier, BASSEL. XLII.XVIe s.• Qu'en dictes-vous, quel dueil, quel ennuy est-ce, De veoir secher la fleur de tous noz champs ?, MAROT III, 298.• Le meilleur conte du monde se seiche entre mes mains et se ternit, MONT. III, 37.• C'estoient tapisseries que l'on avoit tendues pour les secher, AMYOT Thém. 54.• Quoi ! je ne boy que par procuration ; mouillez-vous pour seicher, ou seichez-vous pour mouiller, RAB. Garg. I, 5.Wallon, sechi ; Berry, chécher ; norm. séquer ; prov. secar, sechar ; catal. seccar ; esp. secar ; ital. seccare ; du lat. siccare, de siccus, sec.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.