- sinistre
- (si-ni-str') adj.1° Qui fait craindre des malheurs.• Et, dans le ventre creux du pupitre fatal, Va placer de ce pas le sinistre animal [le hibou], BOILEAU Lutr. III.• Toute la nature Conspire à t'avertir par un sinistre augure, VOLT. M. de Cés. III, 5.• [Un oiseau funèbre].... Et bat le bouclier de son aile sinistre, DELILLE Én. XII.Terme de chiromancie. Ligne sinistre, ligne qui présage des malheurs.On disait de même dans l'astrologie : L'aspect sinistre des astres.2° Il se dit de l'apparence sombre et méchante des traits, de l'oeil.• Un feu noir et sinistre allume son regard, DELILLE Imag. II.• On remarquait dans ses yeux et dans ses sourcils je ne sais quoi de sombre et de sinistre qui frappait au premier abord, GENLIS Ad. et Théod. t. II, p. 339, dans POUGENS.3° Pernicieux, dangereux, funeste.• Après ces sentiments à mon honneur sinistres, ROTR. Vencesl. II, 1.• Oh ! que, si je vivais sous les règnes sinistres De ces rois nés valets de leurs propres ministres...., BOILEAU Epît. VIII.• Laissez les pleurs, madame, à vos seuls ennemis ; Qu'ils mettent ce malheur au rang des plus sinistres, RAC. Brit. V, 6.• Ah ! de tant de conseils événement sinistre !, RAC. Bajaz. IV, 7.• Je vis moi-même alors le fruit de leurs amours : D'un sinistre avenir je menaçai ses jours, RAC. Iphig. V, 6.• Hé bien ! que nous fait-elle annoncer de sinistre ? Quel sera l'ordre affreux qu'apporte un tel ministre ?, RAC. Athal. III, 5.On l'a dit des personnes.• Cet insolent ministre Qui vous est précieux autant qu'il m'est sinistre, ROTR. Vencesl. I, 1.• Infidèles politiques, Qui nous cachez vos pratiques Sous tant de voiles épais, Cessez de troubler la terre, Moins terribles dans la guerre Que sinistres dans la paix, J. B. ROUSS. Odes, IV, 1.4° Tourné en mauvaise part.• Il se fera un odieux plaisir de chercher à tout de sinistres interprétations, et à ne voir en bien rien même de ce qui est bien, J. J. ROUSS. Ém. IV.Qui naît de mauvais pressentiments.• Les plus sinistres idées suspendaient en lui tout attendrissement, GENLIS Voeux témér. t. III, p. 156, dans POUGENS.5° S. m. Pertes et dommages qui arrivent aux assurés, surtout en cas d'incendie et, dans les assurances maritimes, de naufrage. Évaluer le sinistre. Payer le sinistre.6° Nom donné à d'anciens sectaires qui avaient en horreur leur main gauche.XVe s.• Roy terrien, fault qu'il soit maistre, Et n'ait condition senestre, S'ilz doit estre plein comme un flun De pité...., E. DESCH. Poésies mss f° 80.• Senestre soupeçon, Ordonn. des rois de Fr. t. III, p. 349.XVIe s.• N'aventure point la precieuse galée de ton eaige fleurissant au vent d'ambition sinistre et de gloyre vayne et demesurée, J. LEMAIRE Pallas parlant à Pâris..• Toutes actions hors les bornes ordinaires sont subjectes à sinistre interpretation, MONT. II, 21.• Aux prognostiques ou evenements sinistres des affaires, MONT. IV, 160.• Il n'advint pas un seul sinistre accident en toute celle expedition, à ceulx qui y furent soubs sa charge, AMYOT Péric. 41.• Sinistre et dangereux presage, AMYOT Péric. 67.• Ceulx qui taschoient à imiter quelcun de ses faicts [Caton], qui ne leur advenoit pas bien, il les appeloit sinistres [gauches] Catons, AMYOT Caton, 39.• C'est le propre de tous leurs metaux (l'or et l'argent exceptés) de donner quelque sinistre odeur aux eaux qui leur adherent, jusques à les infecter de leurs mauvaises qualités, O. DE SERRES 887.Lat. sinister, gauche (voy. senestre). Sinister est un comparatif ; sinistimus, le plus à gauche, est le superlatif.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.