- saillie
- (sa-llie, ll mouillées, et non sa-yie) s. f.1° Mouvement qui se fait par sauts, par élans. Ce jet d'eau ne vient que par saillies. Un animal qui marche par bonds et par saillies.• Semblable, dans ses sauts hardis et dans sa légère démarche, à ces animaux vigoureux et bondissants, il ne s'avance que par vives et impétueuses saillies, et n'est arrêté ni par montagnes ni par précipices, BOSSUET Louis de Bourbon..Fig.• Le style de ces cantiques [de David] hardi, extraordinaire, naturel toutefois, en ce qu'il est propre à représenter la nature dans ses transports, qui marche, pour cette raison, par de vives et impétueuses saillies, BOSSUET Hist. II, 3.• La même doctrine que dans le Cantique [livre des quiétistes] est établie dans le Moyen court ; et la différence qui se trouve entre ces deux livres, c'est que le Cantique va plus par saillies, et que l'autre va plus par principes, BOSSUET Ét. d'orais. III, 16.2° Fig. Il se dit des mouvements de l'âme, du caractère, de la passion, etc. comparés aux saillies d'un animal.• Il n'est pas question ici de saillie, tout dépend de la conduite, VAUGEL. Q. C. VII, 4.• Le fond de l'esprit du parlement est la paix ; et vous pouvez avoir observé qu'il ne s'en éloigne jamais que par saillies, RETZ Mém. t. I, liv. III, p. 442, dans POUGENS.• Jeunes gens, vous vous glorifiez dans votre force, et, par vos vives saillies et vos fougues impétueuses, vous voulez tout emporter, BOSSUET Concupisc. 31.• Je n'ai rien trouvé à redire aux pieuses saillies de votre billet, BOSSUET Lett. Corn. 12.• Qu'il vienne à leur proposer des moyens pour humilier leur esprit hautain, pour adoucir leur humeur aigre, pour modérer leurs saillies trop promptes...., BOURDAL. Pens. t. I, p. 373.• Elle [Mme de Montausier la mère] réprima [chez son fils] par une sage sévérité les premières vivacités de son esprit et les saillies naturelles d'une fierté encore naissante, FLÉCH. Duc de Mont..• Croyez-vous qu'un grand peintre travaille assidûment depuis le matin jusqu'au soir... ? non.... il faut que tout se fasse irrégulièrement et par saillies, suivant que son goût le mène et que son esprit l'excite, FÉN. Tél. XXII.• Les grandes qualités du prince de Conti ne se bornaient pas à quelques actions louables, mais rares, qui sont plutôt des saillies que des vertus, MASS. Orais. fun. Conti..• On admira bien plus que ses concerts D'un tel amour la bizarre saillie [Orphée descendant aux enfers pour sa femme], J. B. ROUSS. Épigr. II, 1.• Alexandre, dans la rapidité de ses actions, dans le feu de ses passions même, avait, si j'ose me servir de ce terme, une saillie de raison qui le conduisait, MONTESQ. Esp. X, 13.• Parlant sans suite et par saillies, J. J. ROUSS. Hél. V, 6.3° Fig. Trait d'esprit brillant et imprévu.• Rose, secrétaire du cabinet du roi, avait des saillies et des réparties admirables, SAINT-SIMON 85, 108.• Je ne sais ce que c'est, mais tout se tourne contre moi.... j'avais préparé quelques saillies pour relever mon discours ; jamais on n'a voulu souffrir que je les fisse venir, MONTESQ. Lett. pers. 54.• Martyr de sa justesse, il [un géomètre] était offensé d'une saillie comme une vue délicate est offensée par une lumière trop vive, MONTESQ. ib. 128.• C'est là qu'avec grâce on allie Le vrai savoir à l'enjouement, Et la justesse à la saillie, VOLT. Temple du Goût..• Louis XIV avait dans l'esprit plus de justesse et de dignité que de saillies, VOLT. Louis XIV, 28.• Il est singulier qu'un homme [Montesquieu] qui écrit sur les lois dise dans sa préface qu'on ne trouvera point de saillies dans son ouvrage ; et il est encore plus étrange que son livre soit un recueil de saillies, VOLT. Dial. XXIV, 1.• Le mot de saillie vient de sauter : avoir des saillies c'est passer sans gradation d'une idée à une autre qui peut s'y allier, VAUVENARGUES Saillie.• Ces saillies vives, ces traits légers, ce badinage élégant, qui sont l'âme aujourd'hui de nos fêtes de tous les jours, furent constamment inconnus aux peuples jadis les plus polis et les mieux instruits de la terre, CAHUSAC Dans. anc. et mod. I, III, 3.• Comme il se penchait sur son lit [de Mme de Pompadour] pour lui baiser la main, le roi parut : Ah ! madame, s'écria Crébillon, le roi nous a surpris ; je suis perdu. Cette saillie d'un vieillard de quatre-vingts ans plut au roi, MARMONTEL Mém. IV.4° Éminence à la surface de certains objets.• M. de Monaco avait un gros ventre en pointe qui faisait peur, tant il avançait en saillie, SAINT-SIMON 44, 2.• Les orbites des yeux ont beaucoup de saillie ; ce qui fait paraître l'oeil enfoncé, BUFF. Quadrup. t. XII, p. 106.• Sur une saillie de ce rocher j'observai deux figures que l'art n'aurait pas mieux placées pour l'effet, DIDER. Oeuv. t. XIV, p. 175, dans POUGENS.• Il y porta la main [sur un tableau], et fut bien étonné de n'y rencontrer qu'un plan uni et sans aucune saillie, DIDER. Lett. sur les aveug..Fig.• Pour peu qu'on voie les choses avec une certaine étendue, les saillies s'évanouissent ; elles ne naissent d'ordinaire que parce que l'esprit se jette tout d'un côté, et abandonne tous les autres, MONTESQ. Esp. Préface.5° Terme d'architecture. Avance formée par une corniche, un balcon, etc. ou une partie de l'édifice sur une autre, dite aussi et plus exactement par les architectes projecture. Ce balcon n'a pas assez de saillie. Une aile en saillie.• Il [Salomon] fit tailler des chérubins, des palmes et d'autres ornements avec beaucoup de saillie, SACI Bible, Rois, III, VI, 35.• Une espèce de petit balcon vers le haut, en saillie et soutenu en dessous par deux chevrons et deux poutres debout, DIDER. Salon de 1767, Oeuv. p. 360, dans POUGENS.• Ce qui est riche en architecture, c'est le mélange harmonieux des formes, des saillies et des contours, c'est une symétrie en grand, mêlée de variété, MARMONTEL Oeuv. t. V, p. 347.• On ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons, ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a 2m, 19 [six pieds] de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, Code Nap. art. 678.6° Terme de peinture. Relief apparent des objets représentés sur un tableau. Cette figure a peu de saillie.7° Action d'une bête qui saillit une femelle ; accouplement.XIIIe s.• Li Grieu [les Grecs] leur faisoient si sovent saillies, que ils ne les laissoient reposer, VILLEH. LXXV.• Li bons dus de Buillon fu en la praerie, El val où il gaitoit por la gent de Persie, Que il ne facent à l'ost aus crestiens saillie, Ch. d'Ant. VI, 808.• Dius fist la forterece double [les dents et les lèvres], Pour çou c'on ne mente ne double, Et c'on ne die de saillie Parole qui soit soursaillie, BAUDOUIN DE CONDÉ t. I, p. 66.XVe s.• Cil faisoit mainte saillie et mainte envaïe sur ceux de Cambray, FROISS. I, I, 99.XVIe s.• Le patient se doibt, à saillies et divers temps, essayer...., MONT. I, 97.• Les saillies poetiques qui ravissent leur auteur hors de soy, MONT. I, 131.• Si c'estoit une habitude de vertu et non une saillie, MONT. I, 7.• Quant à ces saillies stoïques...., MONT. I, 22.• Il feit encores une autre ordonnance, par laquelle il limita les saillies des dames aux champs, AMYOT Solon, 41.• Faisant demolir et abatre toutes les saillies des edifices privez qui s'avançoient sur les rues et places publiques, AMYOT Caton, 38.• Voilà comme Paris fut reduit ; mais je vous supplie me permettre de faire icy une saillie [digression]...., PASQUIER Recherches, VI, p. 470, dans LACURNE.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRESAILLIE. - HIST. XIIIe s. Ajoutez :• Que li estaus Rose la tripiere, qui est desous la saillie de sa maison... (1289), VARIN Arch. adm. de la ville de Reims, t. I, 2e part. p. 1041.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.