- rougir
- (rou-jir) v. a.1° Rendre rouge, peindre ou teindre en rouge. Rougir une porte.• Ils rougissent le mors d'une sanglante écume, RAC. Phèdre, V, 6.• Jamais le sang humain n'a rougi cette terre, FÉN. Tél. VIII.• Je découvrais au loin la mer de l'Archipel avec toutes ses îles ; le soleil couchant rougissait les côtes de Zea, CHATEAUBR. Itin. part. 1.Ne faire que rougir son eau, mêler à beaucoup d'eau peu de vin.Donner une façon aux cuirs en leur appliquant un rouge composé de bois de Brésil et de chaux.2° Fig. Rougir ses mains de sang, tuer quelqu'un.Par extension, exercer des proscriptions sanglantes.3° V. n. Devenir rouge.• Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné, De combien ont rougi les champs de Macédoine, Combien en a versé la défaite d'Antoine, CORN. Cinna, IV, 3.• À peine son sang coule et fait rougir la terre...., RAC. Iph. V, 6.• Le cuivre et le fer rougissent longtemps avant de fondre, BRISSON Traité de phys. t. II, p. 248.• Les cerises commençaient à rougir, et déjà dans les bois on pouvait cueillir des fraises, GENLIS Veillées du château t. I, p. 446, dans POUGENS.Faire rougir un fer au feu.4° Familièrement. Devenir cardinal.• Deux ans après avoir rougi de la sorte, il [l'archevêque de Rouen] fut chancelier de l'ordre par la mort de Cheverny, SAINT-SIMON 121, 76.5° Les yeux rougissent, ils deviennent rouges pour avoir pleuré.• Mme de Vins s'attendrit en parlant de la bonté de votre coeur, et tous nos yeux rougirent, SÉV. 394.• Il me fit croire que les yeux me rougissaient d'un tel souvenir, SÉV. 414.6° Il se dit des personnes.• Et dans un même instant par un effet contraire Leur front pâlir d'horreur et rougir de colère, CORN. Cinna, I, 3.• Elle rougit, et n'en fut que plus belle, LA FONT. Confid..• Elle rougissait de tout, sans rien faire dont elle eût à rougir, HAMILT. Gramm. 9.• La décence est une autre gêne pour les poëtes comiques ; une mère veut pouvoir mener sa fille au spectacle, sans avoir à rougir pour elle, si elle est innocente ; et sans la voir rougir, si elle ne l'est pas, MARMONTEL Oeuv. t. IX, p. 402.• Malheureusement, ne rougit pas qui veut, GENLIS Ad. et Th. t. II, p. 173, dans POUGENS.• Nous avons regardé Mlle Aline, qui a rougi jusqu'aux oreilles, GENLIS Théât. d'éduc. la Lingère, I, 5.• Plus d'une fois Sa Majesté rougit jusqu'au blanc des yeux, LOMÉNIE DE BRIENNE Mém. inéd. t. II, p. 42, dans POUGENS.• Vous mentirez pour moi, je rougirai pour vous, DELILLE Conversat. II.7° Fig. Avoir honte, confusion.• Dans les affaires pressantes, les particuliers et les républiques vouaient à Vénus des courtisanes, et la république ne rougissait pas d'attribuer son salut aux prières qu'elles faisaient à leur déesse, BOSSUET Hist. II, 5.• La vie de celui dont je viens vous entretenir a été telle par sa grâce [de Dieu], que je ne rougirai point de la célébrer en présence de ses saints autels et au milieu de son église, BOSSUET Bourgoing..• Si tu ne rougis pas de pécher, rougis au moins de ne pas rougir en péchant, BOURDAL. Exhort. sur la flagellat. de J. C. t. II, p. 83.• Il fuyait les acclamations populaires, il rougissait de ses victoires, il venait recevoir des éloges comme on vient faire des apologies, FLÉCH. Turenne..• Si l'homme savait rougir de soi, quels crimes, non-seulement cachés mais publics et connus, ne s'épargnerait-il pas ?, LA BRUY. XI.• Que dira la postérité, lorsqu'il lui faudra rougir de la honte de ses pères ?, MONTESQ. Lett. pers. 146.• J'ai une pension du roi, je rougirais de la recevoir tant qu'il y aura des officiers qui souffriront, VOLT. Lett. Thiriot, 31 janv. 1761.• Pourquoi des malhonnêtes gens rougiraient-ils de l'être, quand on ne rougit pas de leur faire accueil ?, DUCLOS Consid. moeurs, 4.Fig.• Ses instructions [d'un prédicateur] ne rougissent pas de sa conduite, MASS. Carême, Mélange..• Notre raison rougit tout bas de la faiblesse de nos penchants, MASS. Carême, Pécheresse..Absolument.• Mais, pour moi, dont le front trop aisément rougit, Ma bouche a déjà peur de t'en avoir trop dit, BOILEAU Sat. X..• N'osez-vous sans rougir être père un moment ?, RAC. Iphig. II, 2.Faire rougir, couvrir de confusion.• Qui ne nous touche point ne nous fait point rougir, CORN. Hor. V, 3.• Il pourrait faire rougir la Sorbonne, si les corps rougissaient, VOLT. Lett. Damilaville, 10 avril 1767.XIIe s.• Par les escuz ù l'or rugist, Se passent les grans fers d'acier, BENOÎT II, 5266.• Car um veïst le sanc el blanc cervel rouir, Le cervel ensement el vermeil sanc blanchir, Th. le mart. 151.• D'ire et de mautalent [il] roigit come cerise, Sax. XXIII.• Li uns rouir, altres palir, Rou, V. 13146.XIIIe s.• Tybers, qui gardoit l'huis, de paour en rougi, Berte, LXXXIX.• Cil aient honte et s'en rogissent, Qui por mes dolors s'esjoissent, Psaumes, dans Liber psalm. p. 284.XIVe s.• Ceulx qui ont verconde rougissent, et ceulx qui ont paour de mort pallissent, ORESME Éth. 138.XVe s.• Yeulx rougis, plains de piteux pleurs, CH. D'ORL. Bal. 88.• Tant chauffe on le fer qu'il rougist, VILLON Ballade..XVIe s.• Ne rougissant non plus d'estre rencontré en cela, que si on l'eust trouvé plantant des aulx, MONT. II, 351.• J'en ai rougi pour vous, quand l'acier de mes vers Burinoit votre histoire aux yeux de l'univers, D'AUB. Tragiques, princes..Rouge 1 ; wallon, rogi ; norm. faire rouir des oignons, les faire cuire dans le beurre roux ; provenç. rogir. L'ancienne langue avait le verbe roujoier, roujeier, présenter des teintes rouges.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREROUGIR. Ajoutez :8° S. m. Le rougir, action de devenir rouge.• La nature veut que les plus forts connaissent qu'ils ne le sont pas assez pour lui résister ; le rougir est du nombre de ces infirmités, MALH. Lexique, éd. L. Lalanne..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.