rire

rire
(ri-r'), je ris, tu ris, il rit, nous rions, vous riez, ils rient ; je riais, nous riions, vous riiez ; je ris, nous rîmes ; je rirai ; je rirais ; ris, rions, riez ; que je rie, que nous riions, que vous riiez ; que je risse, que nous rissions ; riant, ri, v. n.
   Faire un certain mouvement de la bouche causé par l'impression qu'excite en nous quelque chose de gai, de plaisant.
   Je vous assure qu'elle fit bien rire toute la compagnie, et que j'en ai bien ri depuis, soit qu'il y eût véritablement de quoi en rire, ou que je sois de celles qui rient de peu de chose, SCARR. Rom. com. II, 3.
   N'avez-vous pas vu Niquedouille, qui ne saurait rire sans montrer les dents ?, CYR. DE BERG. Pédant joué, II, 2.
   Qu'un pape rie, en bonne foi, Je n'ose l'assurer ; mais je tiendrais un roi Bien malheureux s'il n'osait rire, LA FONT. Fabl. XII, 12.
   Vienne l'an neuf, ballade est destinée ; Qui rit ce jour, il rit tout l'année ; Or la ballade a cela, ce dit-on, Qu'elle fait rire, ou ne vaut un bouton, LA FONT. Poésies mêl. IX.
   Horace : Je ne puis y songer sans de bon coeur en rire, Et vous n'en riez pas assez à mon avis. - Arnolphe : Pardonnez-moi, j'en ris tout autant que je puis, MOL. Éc. des femm. III, 4.
   Je fus sur le point d'éclater de rire, PASC. Prov. VIII.
   Vous ai-je mandé que M. le président Barantin mourut à sa place du grand conseil, il y a deux jours ? sa femme, qui rit toujours, rira-t-elle de cette aventure ?, SÉV. 525.
   Et toi [Lamoignon].... Viens d'un regard heureux animer mon projet, Et garde-toi de rire en ce grave sujet, BOILEAU Lutr. I.
   Mais un auteur malin qui rit et qui fait rire...., BOILEAU Sat. VII.
   Il n'est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer, LA BRUY. V.
   Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri, LA BRUY. IV.
   Lorsque nous voulons nous empêcher de rire, notre rire redouble à cause du contraste qui est entre la situation où nous sommes et celle où nous devrions être, MONTESQ. Goût, des beautés qui résultent d'un embarras de l'âme.
   On s'est avisé de jouer à Lyon le Dépositaire ; on y a ri de tout son coeur, et il a fort réussi ; les Lyonnais apparemment ne sont point gâtés par La Chaussée ; ils vont à la comédie pour rire, VOLT. Lett. d'Argental, 5 sept. 1772.
   Toute joie ne fait pas rire ; les grands plaisirs sont sérieux ; les plaisirs de l'amour, de l'ambition, de l'avarice n'ont jamais fait rire personne, VOLT. Dict. phil. Rire.
   L'homme est le seul animal qui pleure et qui rie, VOLT. ib..
   Comme nous ne pleurons que de ce qui nous afflige, nous ne rions que de ce qui nous égaye ; les raisonneurs ont prétendu que ce rire naît de l'orgueil, qu'on se croit supérieur à celui dont on rit.... quiconque rit éprouve une joie gaie dans ce moment-là, sans avoir un autre sentiment, VOLT. ib..
   L'Égyptien, en riant d'un sot rire, se retira dans son quartier, VOLT. Pr. de Babyl. 4.
   Ils l'appelaient tous monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes, VOLT. Candide, 1.
   Celui qui ne riait pas aux comédies de Regnard, n'avait pas le droit de rire aux comédies de Molière, DIDER. Salon de 1765, Oeuv. t. XIII, p. 183, dans POUGENS.
   Comme il me faisait rire, il croyait m'amuser ; On ne sait pas toujours faire la différence Des ris de la pitié d'avec ceux du plaisir, LA CHAUSSÉE Retour imprévu, II, 8.
   Rire de, avec un infinitif.
   Je riais de le voir avec sa mine étique, Son rabat jadis blanc et sa perruque antique...., BOILEAU Sat. III.
   Rire aux larmes, rire si fort que les larmes coulent des yeux.
   Nous avons ri aux larmes de votre Mme de la Charce et de Philis, sa fille aînée, âgée de trente-neuf ans, SÉV. 215.
   La belle dame est enchantée de cette réponse ; et le roi en a ri aux larmes, MAINTENON Lett. à Mme d'Haudicour, 24 déc. 1672.
   Rire à gorge déployée, rire comme un fou, rire extrêmement.
   Je suis assuré que, si Térence et Cicéron revenaient au monde, ils riraient à gorge déployée des ouvrages latins des Fernel, des Sannazar et des Muret, BOILEAU Lett..
À Brossette, XIX., Lorsqu'elles m'eurent reconnu, elles se mirent à rire comme deux folles, en me voyant ajusté comme je l'étais, LESAGE, Est. Gonz. 43.
   Avoir le mot pour rire, dire habituellement des choses plaisantes, qui font rire.
   ...Il parle livre, il a le mot pour rire, RÉGNIER Sat. XIII.
   Il n'y a pas le mot pour rire, on ne trouve pas le mot pour rire dans cet ouvrage, se dit d'un ouvrage qui a été fait pour amuser, et où il n'y a rien d'amusant, ou même d'un ouvrage sérieux où l'on cherche mal à propos l'amusement.
   Par extension.
   Il n'y a pas le mot pour rire au crime, J. J. ROUSS. Hél. II, 17.
   Pincer sans rire, voy. pincer, n° 1.
   Et de rire, se met quelquefois à la fin d'un récit, et signifie : on se mit à rire.
   La duchesse de Bouillon alla demander à la Voisin un peu de poison pour faire mourir un vieux mari qu'elle avait qui la faisait mourir d'ennui, et une invention pour épouser un jeune homme qui la menait sans que personne le sût ; ce jeune homme était M. de Vendôme, qui la menait d'une main, et M. de Bouillon de l'autre ; et de rire, SÉV. 31 janv. 1680.
   Mourir de rire, être saisi d'un rire tel qu'on se pâme.
   Elle en pensa mourir de rire, HAMILT. Gramm. XI.
   Mourir de rire, signifie aussi éprouver un vif sentiment de moquerie.
   J'ai reçu une lettre de Dumesnil ; ils me font tous mourir de rire avec leurs demandes, Mme DE CHATEAUROUX Corresp. t. II, p. 99, dans POUGENS.
   Crever de rire, même sens.
   Il y a trois mois que je crève de rire en me levant et en me couchant, VOLT. Lett. Thiriot, 11 août 1760.
   Plutarque à présent me fait crever de rire : je ne crois plus aux grands hommes, P. L. COUR. Lett. à M. de Sacy, 3 oct. 1810.
   Être à mourir de rire, exciter la risée, être très ridicule.
   Il est à mourir de rire avec ses idées romanesques, GENLIS Théât. d'éduc. Fausses délicat. II, 11.
   Se faire rire, chercher les occasions, les motifs de rire.
   Celui-ci, qui ne demandait pas mieux que de se faire rire encore, recommença tout de nouveau son histoire, et y ajouta de plus, comme pour me désespérer, la mienne, LESAGE Guzm. d'Alfar. I, 6.
   Se chatouiller pour se faire rire, tâcher de rire sans en avoir sujet.
   Fig. Rire du bout des dents, du bout des lèvres, ne rire que du bout des dents, du bout des lèvres, rire jaune, se dit d'une personne qui ne rit pas de bon coeur, qui cache sous un rire forcé son déplaisir, qui rit par contrainte, grimace ou politesse.
   Je te promets, marquis, qu'il fait dessein d'aller sur le théâtre rire, avec tous les autres, du portrait qu'on a fait de lui. - Parbleu ! ce sera du bout des dents qu'il rira, MOL. Impromptu, 3.
   Je dissimulais, et, riant du bout des dents, je lui dis que je trouvais cette aventure plaisante, LESAGE Guzm. d'Alf. V, 4.
   Fig. Rire sous cape, rire dans sa barbe, éprouver une satisfaction maligne qu'on dissimule.
   Au grand plaisir de mes sergents et du geôlier, qui étaient présents et qui riaient sous cape, LESAGE ib. IV, 7.
   Rire intérieurement, éprouver un sentiment de joie qui ferait rire, mais que l'on ne manifeste pas.
   Rire aux anges, voy. ange.
   Rire à son mérite, laisser paraître sur sa figure le contentement qu'on a de son propre mérite.
   Cet indolent état de confiance extrême, Qui le rend en tout temps si content de soi-même, Qui fait qu'à son mérite incessamment il rit, MOL. Fem. sav. I, 3.
   Il n'y a pas à rire pour tout le monde, se dit en parlant d'une chose qui donne de la joie à certaines personnes, mais qui en afflige d'autres.
   On dit dans le même sens : il n'y a pas trop à rire pour vous, de quoi rire pour vous, il n'y a pas tant à rire.
   Nous n'avons pas sujet de rire, il n'y a pas là de quoi rire, se dit d'une chose qui afflige ou inquiète.
   On dit de même : n'avoir pas envie de rire.
   Oui, vraiment, nous avons fort envie de rire, fort envie de rire nous avons, MOL. Bourg. gent. III, 5.
   Il se dit de l'aspect que prend la physionomie d'une personne qui rit.
   Vous auriez dit qu'il sortait de la conversation la plus badine, sa bouche et ses yeux riaient encore, MARIV. Jeux de l'am. et du haz. I, 1.
   Fig.
   Une certaine audace qui lui rit, qui le venge de son peu de relief et de l'inaction dans laquelle il passe la journée, MARIV. dans DESFONTAINES.
   Fig. Le coeur me rit, j'éprouve un doux contentement.
   Le coeur me rit, et il me semble que je me ranime au projet d'aller partager avec vous cette retraite charmante, J. J. ROUSS. Lett. à Vernes, 24 juin 1761.
   Fig. Avoir un aspect gracieux, qui plaît, comme est celui d'un visage riant.
   La terre ne lui rit plus [à l'homme] comme auparavant, BOSSUET Hist. II, 1.
   Et les Alpes de loin, s'élevant dans la nue, D'un long amphithéâtre enferment ces coteaux, Où le pampre en festons rit parmi les ormeaux, VOLT. Ép. à Horace..
   C'est une chose bien singulière que mon imagination ne se monte jamais plus agréablement que quand mon état est le moins agréable, et qu'au contraire elle est moins riante lorsque tout rit autour de moi, J. J. ROUSS. Confess. IV.
   Quand tout rit de bonheur, d'espérance et d'amour, DELILLE Jard. I.
   Le long de cette haie, de ces sillons où rit la première verdure des blés, CHATEAUB. Mart. X.
   Il [le soleil] gonfle de ses feux les trésors dont l'automne En riant se couronne, DELAV. Paria, I, 5.
   Être favorable.
   L'occasion vous rit, et vous en userez, CORN. Pomp. II, 3.
   Par ses soins tout nous rit, tout fleurit, tout succède, ROTR. Vencesl. V, 9.
   La fortune vous rit, et ne rit pas toujours, ROTR. ib. II, 1.
   Tout riait au chevalier dans la nouvelle tendresse qui l'occupait, HAMILT. Gramm. 7.
   Les heureux du monde à qui tout rit, MASS. Pet. carême, Hum..
   Rire à quelqu'un, lui sourire avec bienveillance, lui faire un accueil flatteur.
   On l'accueille, on lui rit, partout il s'insinue, MOL. Mis. I, 1.
   Le monde est plus dangereux, lorsqu'il nous rit, que lorsqu'il nous maltraite, MASS. Carême, Prosp. temp..
   Le monde, qui jusqu'ici vous a ri, vous aura bientôt oubliée, MASS. Prof. relig. 4.
   Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux, A. CHÉN. la Jeune captive.
Fig.
   La fleur nouvelle Rit aux zéphirs, QUIN. Thés. IV, 7.
   Plaire, être agréable. Cela rit à l'imagination.
   Il me vient un projet d'une grande importance, Et qui me rit, COLLIN D'HARLEV. Inconst. III, 12.
10°   Petiller.
   Casaux.... Du plaisir de sa chute a fait rire nos yeux, MALH. II, 6.
   Elle voit le barbier, qui, d'une main légère, Tient un verre de vin qui rit dans la fougère (voy. FOUGÈRE, n° 2), BOILEAU Lutr. III.
11°   Se moquer de, plaisanter de.
   Mme de Coëtquen est grosse ; voudriez-vous en rire ? riez-en, SÉV. 370.
   Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire ! On sera ridicule, et je n'oserai rire !, BOILEAU Sat. IX.
   Le théâtre perdit son antique fureur ; La comédie apprit à rire sans aigreur, BOILEAU Art p. III.
   Le fanatisme était si puissant, et Cromwell si respecté, que personne ne rit d'un pareil discours [où Harry disait de Cromwell qui venait de mourir, qu'il serait assis à la droite de Jésus-Christ], VOLT. Moeurs, 181.
   Elle rit, et avec raison, des sottises des hommes, dont je ferais bien de rire aussi, et dont je rirais comme elle, si je digérais et si je dormais mieux, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 3 nov. 1780.
   Rire de quelqu'un, se moquer de lui.
   Ceux-là me parlent de vous, et nous rions un peu de notre prochain, SÉV. 75.
   Rire au nez de quelqu'un, se moquer de quelqu'un en face.
   Ragotin se mourait de dépit de ne pouvoir trouver à quereller avec un homme qui lui riait au nez, et lui faisait mille révérences, SCARR. Rom. com. II, 16.
   Laissez passer les personnes sans leur rire au nez, MOL. Pourc. I, 5.
   Il veut parler, elle lui éclate de rire au nez, CARMONTELLE Prov. posth. Visite du jour de l'an, sc. 17.
   J'aurais dû leur rire au nez pour toute réponse, je fus assez bête pour me piquer, J. J. ROUSS. Conf. XII.
   Apprêter, offrir à rire, se dit de quelqu'un qui donne sujet qu'on se moque de lui.
   Ceux de qui la conduite offre le plus à rire, Sont toujours sur autrui les premiers à médire, MOL. Tart. I, 1.
   N'apprêtons point à rire aux hommes, En nous disant nos vérités, MOL. Amph. Prologue.
   Faire rire, exciter les moqueries.
   Ce mariage doit être heureux, car il donne de la joie à tout le monde, et je fais rire tous ceux à qui j'en parle, MOL. Mar. forcé, 3.
   Vous me faites rire, se dit à quelqu'un qui dit ou fait des choses peu pertinentes.
   Vous me faites rire ; est-ce qu'il faut être belle pour se croire charmante ?, GENLIS Théât. d'éduc. la Mère rivale, I, 1.
12°   Absolument. Se divertir, se réjouir.
   Mais, de retour enfin, que prétendez-vous faire. - Alors, cher Cinéas, victorieux, contents, Nous pourrons rire à l'aise, et prendre du bon temps. - Eh ! seigneur, dès ce jour, sans sortir de l'Épire, Du matin jusqu'au soir qui vous défend de rire ?, BOILEAU Ép. I.
   Rions, chantons, dit cette troupe impie ; De fleurs en fleurs, de plaisirs en plaisirs, Promenons nos désirs, RAC. Ath. II, 9.
   On ne rit point entre les peines présentes et un anéantissement prochain, VOLT. Lett. d'Argental, 8 mai 1773.
   Hélas ! je ris et je n'en ai guère envie, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 28 déc. 1776.
   Rire aux dépens d'autrui, se divertir à relever les défauts, les ridicules d'autrui.
13°   Badiner, ne pas parler ou ne pas agir sérieusement.
   Est-ce que vous riez, ou si c'est tout de bon ? Ces paroles, quoique dites en riant, firent une vive impression dans l'esprit de Madame de Clèves ; elles lui donnèrent du remords, LA FAY. Princ. de Clèves, Oeuv. compl. t. II, p. 107, dans POUGENS..
   Ces hommes, en apparence frivoles, qui détruisent tout en riant, CHATEAUBR. Génie, I, I, 1.
   Dès que le sang coule, on ne rit plus, on blâme, C. DELAV. Éc. des vieillards, IV, 6.
   Familièrement. Vous voulez rire, se dit à une personne qui fait une proposition peu convenable, ou qui dit des choses incroyables.
   Ils [des laboureurs à qui on adressait des questions métaphysiques] ont cru que je voulais rire, et ont continué à labourer leurs champs sans me répondre, VOLT. Phil. Ignor. 3.
   C'est pour rire, ce n'est pas sérieusement dit ou fait.
   Si vous la blâmez, c'est pour rire ; Si vous l'aimez, c'est tout de bon, PANNARD Oeuv. t. III, p. 405.
   Ne voyez-vous pas bien que c'est pour rire tout ce qu'ils vous disent ?, LOMÉNIE DE BRIENNE Mém. inéd. t. II, p. 401.
   Pour rire, non effectivement.
   Un roi pour rire En vrais apprentis qui ne le sont pas pour rire, J. J. ROUSS. Ém. III.
14°   Ne point se soucier de quelque chose, n'en tenir compte.
   Après tout cependant, riez de ma faiblesse, CORN. Médée, II, 5.
   Félix, dans la prison j'ai triomphé de toi, J'ai ri de ta menace, CORN. Poly. IV, 1.
   Mon âme jouira de ton inquiétude, Je rirai de ta peine, CORN. Héracl. IV, 5.
   Elle a cru me braver ; mais je n'en fais que rire, CORN. la Veuve, II, 6.
   Cependant Athalie, un poignard à la main, Rit des faibles remparts de nos portes d'airain, RAC. Ath. V, 1.
   Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu, qui ne fait que rire de toutes les choses qui sont très essentielles pour les amateurs des beaux-arts, VOLT. Lett. d'Argental, 11 avril 1767.
15°   Se dit, par plaisanterie, d'une chose qui se fend, qui s'entr'ouvre. Cet habit, cette muraille rit.
   Rire comme un coffre, rire à bouche très ouverte, parce qu'un coffre qu'on ouvre semble présenter une grande bouche.
16°   Se rire, v. réfl. Se divertir, se jouer.
   Si quelqu'un après boire avait laissé aller une parole un peu libre, si un autre en se riant avait dit quelque chose de naïf, tout était mis aux tablettes, MALH. le Traité des Bienf. de Sénèque, III, 26.
17°   Se moquer de, ne tenir aucun compte de, mépriser. Ils se sont ri, elles se sont ri de tous ces projets.
   Le débauché se rit des sermons de son père, RÉGNIER Sat. V.
   On se rirait de vous, Alceste, tout de bon, Si l'on vous entendait parler de la façon, MOL. Mis. I, 1.
   L'esprit d'impiété se rit de ce qu'il y a de plus sacré, PASC. Prov. XI.
   Les sages les prévirent [les malheurs qui suivraient la réforme en Angleterre] ; mais les sages sont-ils crus en ces temps d'emportement, et ne se rit-on pas de leurs prophéties ?, BOSSUET Reine d'Anglet..
   Le perfide triomphe et se rit de ma rage, RAC. Andr. V, 1.
PROVERBES
   C'est le vieux jeu, on n'en rit plus, se dit d'une plaisanterie usée.
   Plus on est de fous, plus on rit.
   Rira bien qui rira le dernier, se dit en parlant de quelqu'un qui se flatte du succès en une affaire où l'on compte l'emporter sur lui.
   Tel qui rit vendredi dimanche pleurera (RAC. Plaid. I, 1), souvent la tristesse succède en peu de temps à la joie.
   Marchand qui perd ne peut rire.
   Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
   " Je ris et pleure, pour je ri et pleure " non pas que ny t, ny s soit à telle personne, mais pourtant qu'il plaist ainsi à l'oreille " RAMUS, dans LIVET, Gramm. franç. p. 212. Quoi qu'il en soit de ce dire de Ramus, l's, à la 1re personne du singulier du présent de l'indicatif, est, partout où elle n'est pas radicale, une fauté que l'ancienne langue ne commettait pas, mais que la moderne s'est appropriée.
   XIe s.
   Quant ce veit Guenes qu'ore s'en rit Rolanz, Ch. de rol. XXII.
   Mort il l'abat, qui qu'en plurt ou qu'en rie, ib. CCXLIV.
   XIIe s.
   Quant de moi [elle] rit, et je l'ai tant plorée, Couci, VI.
   XIIIe s.
   Mout fut la vieille aaise, de joie prist à rire, Berte, XIV.
   Ainsinc cum en tel point estoient Mars et Venus qui s'entr'amoient, Des diex i ot mains qui vosissent Que li autres diex se risissent En tel point cum il font de Mars, la Rose, 14364.
   Dont aucun furent qui disoient Que li petit enfanchon l'oient [le bruit des sphères célestes], Quant il rient en leur dormant, Qu'il dient qu'il oient chantant Les angles Deu en paradis, Qui les ont en tel joie mis, Hist. litt. de la Fr. t. XXIII, p. 314.
   Teux [tel] rit au main ki au soir pleure, Renart le nouvel, 3250.
   XIVe s.
   Et entendent plus et resgardent à ce que il facent rire les gens, que il ne font à dire choses avenans et honnestes, ORESME Eth. 136.
   XVe s.
   Quand on les ot lues et entendues [les lettres de Philippe d'Artevelle à Charles VI], on n'en fit que rire, FROISS. II, II, 166.
   Car se le dire Atrayoit à soy l'esconduire [amenait qu'on fût éconduit], Il n'y auroit plus de quoy rire, A. CHART. Livre des quatre dames, p. 599.
   Jehanne s'en va riant à sa dame : de quoy vous riez-vous, Jehanne ? fait la dame, Les 15 joyes du mariage, p. 52.
   Ils se prindrent si fort à rire, qu'on les eust peu tous nuds desvestir, Perceforest, t. I, f° 130.
   Souvent mon cueur de joye rit, CH. D'ORL. Bal. VIII.
   Vous qui devez la loy garder, Faictez le prendre sans tarder ; Sy le faictez tenir de rire, la Pass. de N. S. J. C.
   Nostre roy [Louis XI] commença à dire au roy d'Angleterre en se ryant...., COMM. IV, 10.
   XVIe s.
   Lycurgus n'estoit point si austere que l'on ne le vist jamais rire : ce fut luy qui dedia la petite image du Ris qui est à Lacedaemone, ayant voulu entremesler le rire parmi leurs convives et autres assemblées, AMYOT Lyc. 54.
   Pour lors fortune luy rioit, AMYOT Démétr. 31.
   Au partir de là, comme ses familiers se rissent ensemble et se moquassent de luy, il leur dit...., AMYOT Alex. 22.
   Rire un ris acheté à prix d'argent à des baladins, AMYOT De la tranq. d'âme, 40.
   Mieulx est de ris que de larmes escripre, Pour ce que rire est le propre de l'homme, RAB. Gar. aux lecteurs..
   La poësie ne rid point ailleurs comme elle faict en un subject folastre, MONT. I, 223.
   Y meslant quelquefois des mots pour rire, MONT. I, 295.
   Si ma santé me rid et la clarté d'un beau jour...., MONT. II, 323.
   Ce que nous rions en elle [une aveugle qui croyait que c'était le jour qui manquait], je te prie de croire qu'il advient à chascun de nous, MONT. III, 106.
   Le prevost lui dit en riant, mais c'etoit un rire d'hostelier [un rire du bout des dents].... , DESPER. Contes, LXXXIII.
   Je luy appris à rire du coin des dents, ou comme un chien à qui on presente de l'ail, à parler de la gorge...., D'AUB. Conf. II, 1.
   ... Et de rang verse à la troupe Du vin qui rit dedans l'or, RONS. 334.
   Bien dire Fait rire, Bien faire Fait taire, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 248.
   Rire sans propos est propre aux fols, LEROUX DE LINCY ib. p. 413.
   Sa mere qui rioit sous son chaperon, Nuits de Straparole, t. II, p. 42, dans LACURNE.
   Femme rit quand elle peut, et pleure quand elle veut, COTGRAVE .
   Tel rit qui mord, ID. .
   Provenç. rire, rir ; catal. riurer ; espagn. reir ; portug. rir ; ital. ridere ; du lat. ridere. Notre verbe rire suppose une forme vulgaire ridere (1er e bref) au lieu de ridere (1er e long).
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rire 2.
(ri-r') s. m.
   Action de rire, ou, dans le langage de la physiologie, série de petites expirations saccadées, plus ou moins bruyantes, dépendant, en grande partie, de contractions du diaphragme, et accompagnées de contractions également involontaires des muscles faciaux.
   Le rire va quelquefois jusqu'aux convulsions ; on dit même que quelques personnes sont mortes de rire ; j'ai peine à le croire, et sûrement il en est davantage qui sont mortes de chagrin, VOLT. Dict. phil. Rire..
   Ceux qui cherchent des causes métaphysiques au rire ne sont pas gais ; ceux qui savent pourquoi cette espèce de joie qui excite le ris, retire vers les oreilles le muscle zygomatique, l'un des treize muscles de la face, sont bien savants, VOLT. ib..
   Mais le rire vous prend, et cela ne vaut rien, PIRON Métrom. III, 8.
   Le rire et les pleurs sont des signes particuliers à l'espèce humaine pour exprimer le plaisir ou la douleur de l'âme, BUFF. Hist. nat. Homme, Oeuvr. t. IV, p. 183.
   Qui de vous n'a pas regretté cet âge où le rire est toujours sur les lèvres ?, J. J. ROUSS. Ém. II.
   Au ton dont il s'explique, à son air où l'on voit, dans un rire ironique, L'estime de lui-même et le mépris d'autrui, GRESSET Méchant, I, 5.
   Lycurgue.... n'était pas un cénobite misanthrope qui prît plaisir à tourmenter les hommes ; il a élevé des autels au rire et à la gaieté, CONDIL. Étud. hist. I, 5.
   Le rire bien franc et bien naturel vaut mieux pour eux [les enfants] que tous les médicaments du monde, GENLIS Maison rust. t. II, p. 245, dans POUGENS.
   Pour ces penseurs profonds le rire est trop bourgeois, C. DELAV. Coméd. I, 7.
   La tristesse a deux manières de s'exprimer, le rire et les larmes ; et de ces deux formes de la tristesse, les larmes ne sont pas toujours la plus triste, LOUIS BLANC Temps du 9 janv. 1864, sur Thackeray..
   Fou rire, ou rire fou, rire dont on n'est pas le maître. J'ai eu dans la journée deux fous rires pour des causes très diverses. Oubliant tout jusqu'à leurs chaînes, Nos gens poussent des rires fous, BÉRANG.
   Un rire inextinguible, un rire qui ne peut être arrêté.
   Un gros rire, un rire bruyant et prolongé.
   Le gros rire qui lui prit, de la frayeur de tout le peuple, ne se peut exprimer, COMTE DE CAYLUS Féeries, Oeuv. t. VIII, p. 365, dans POUGENS.
   Un rire homérique, voy. homérique.
   Il se dit aussi des contractions semblables au rire qu'excitent le désespoir, une douleur qui déchire.
   Ce rire du désespoir est l'effet le plus difficile et le plus remarquable que le jeu dramatique puisse produire, STAËL Corinne, XVII, 4.
   Ce rire déchirant qui suppose ou l'ignorance de tous les maux de la vie, ou tant de douleur au fond de l'âme, qu'aucune forme de la mort ne peut plus épouvanter !, STAËL ib. I, 4.
   Terme de médecine. Rire sardonique ou sardonien, sorte de spasme convulsif dans les lèvres et les joues, ainsi appelé parce qu'on l'observait, disait-on, chez les individus qui mangeaient une espèce de renoncule qui croît en Sardaigne.
   Fig. Un rire sardonique se dit d'un rire à contre-coeur et par grimace, ou, plus souvent, d'un rire amer.
   Le rire sardonique, qui est la grimace de ceux qui meurent de faim, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 4 août 1767.
   Rire sardonique, se dit aujourd'hui pour rire ironique.
   XVIe s.
   Je ne puis tantost plus arracher un pauvre rire de ce meschant corps, MONT. III, 307.
   Rire 1.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • RIRE (LE) — RIRE LE (1894 1940) La publication de l’hebdomadaire Le Rire , où la place des illustrations en noir et en couleurs l’emporte sur celle des textes, marque, dans l’histoire du journalisme humoristique, le passage définitif du stade artisanal au… …   Encyclopédie Universelle

  • rire — RIRE: Toujours homérique …   Dictionnaire des idées reçues

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  • rire — vi. ; sourire : rî (Peisey.187), RIRE (Aix.017, Albanais.001, Alex, Annecy.003, Arvillard.228, Aussois, Bellevaux.136, Billième.173, Chambéry.025, Flumet.198, Genève.022, Cordon.083, Giettaz, Montagny Bozel.026, Morzine.081, Notre Dame Be.214, St …   Dictionnaire Français-Savoyard

  • RIRE — v. intr. Marquer un sentiment de gaieté par un mouvement de la bouche accompagné souvent de bruit et par une expression correspondante des regards et des traits du visage. éclater de rire. Rire aux éclats. Se tenir les côtes de rire, à force de… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • Rire — Pour les articles homonymes, voir Le Rire (homonymie). Theodore Roosevelt en train de rire. Le rire est un comportement réflex …   Wikipédia en Français

  • RIRE — v. n. ( Je ris, tu ris, il rit ; nous rions, etc. Je riais ; nous riions, vous rirez. Je ris. J ai ri. Je rirai. Je rirais. Ris ou Ri, riez. Que je rie. Que je risse. Riant. Ri. ) Faire un certain mouvement de la bouche, souvent accompagné d… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • rire — I. RIRE. v. n. Faire un certain mouvement de la bouche causé par l impression qu excite en nous quelque chose de plaisant. Esclater de rire. se tenir les costez de rire. rire à gorge desployée. crever de rire. estouffer de rire, pasmer de rire.… …   Dictionnaire de l'Académie française

  • RIRE — s. m. Action de rire. Cette femme a le rire agréable, charmant. Un rire moqueur. Un rire fou et extravagant. Un rire ironique. Un rire amer. Un rire forcé. Un rire convulsif. Un rire niais. De grands éclats de rire. Il lui prit un rire fou, un… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

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