- renaître
- (re-nê-tr') v. a.Il se conjugue comme naître.1° Naître de nouveau, revenir à la vie. Hippolyte renaquit suivant la Fable.• La gloire des méchants en un moment s'éteint : L'affreux tombeau pour jamais les dévore ; Il n'en est pas ainsi de celui qui te craint : Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore, RAC. Esth. II, 9.• Si Cromwell renaissait, lui qui a fait couper la tête à son roi et s'est fait souverain, il serait un simple citoyen de Londres, VOLT. Dict. phil. Socinien..• On a vu dans Bénarès des disciples de brames et jusqu'à des brames même se brûler pour renaître bienheureux, VOLT. Pol. et lég. Fragm. sur l'Inde, 24.• Il [un coupable dans les enfers] périt pour renaître, il renaît pour souffrir ; Il joint l'horreur de vivre à l'horreur de mourir, DELILLE Én. VI.Fig. Renaître par le baptême, par la pénitence, rentrer en état de grâce.En un sens analogue.• Prends un coeur tout nouveau ; viens, obéis, suis-moi, Et renais Espagnole, en renonçant à toi, VOLT. Alz. I, 4.Par exagération. Renaître à la vie, recouvrer la santé, après avoir été fort malade.• Tout nous appelle aux champs, le printemps va renaître ; Et j'y vais renaître avec lui, GRESSET Ép. à ma soeur..• Lorsque plus tard, las de souffrir, Pour renaître ou pour en finir, J'ai voulu m'exiler de France, A. DE MUSSET Poésies nouv. Nuit de décembre.Fig. Renaître au bonheur, redevenir heureux, après beaucoup d'afflictions, de malheurs.2° Il se dit d'êtres animés qui prennent la place d'êtres semblables morts ou détruits. On ne saurait venir à bout de nettoyer ce jardin de colimaçons ; plus on en tue, plus il en renaît.Particulièrement. Être reproduit semblable, en parlant de personnages.• Mille vengeurs d'un roi renaîtront de sa cendre, DU RYER Scévole, II, 3.• Renaîtra-t-il jamais un autre ami de la vérité que mon sort n'effraye pas ?, J. J. ROUSS. Lett. de la Montagne, 5.3° En parlant des végétaux, repousser, croître de nouveau. Au printemps les fleurs renaissent.On dit à peu près dans le même sens : Toute la nature renaît au printemps.Il se dit, par analogie, de tout ce qui repousse. Ses cheveux commencent à renaître. Quand les premières dents sont tombées, il en renaît d'autres. Les têtes de l'hydre de Lerne renaissaient sous la main d'Hercule qui les coupait.4° Reparaître, se remontrer. Le Rhône se perd sous la terre, puis renaît un peu plus loin. Les loupes renaissent quelquefois, quand on les croyait guéries.• Tel fut cet empereur sous qui Rome adorée Vit renaître les jours de Saturne et de Rhée, BOILEAU Épit. I.• J'aime les beaux vers autant que M. le comte de Provence, à qui je sais bon gré d'ailleurs de faire renaître le temps des anciens troubadours, VOLT. Lett. Delisle, 10 juill. 1774.5° Fig. Il se dit de tout ce que l'on compare à une renaissance.• Le quiétisme renaissant en M. de Cambrai, BOSSUET Rem. Réponse, VII, 12, 54.• Cette gloire [situation éclatante] qu'il a maintenue, et qu'il a vue renaître en ses enfants de génération en génération, FLÉCH. le Tellier..• [C'est] L'ennemi des Romains, l'héritier et l'appui D'un empire et d'un nom qui vont renaître en lui, RAC. Mith. III, 5.• Jérusalem renaît plus brillante et plus belle, RAC. Athal. III, 7.• Je remarquais ce que disait Mentor, et je sentais renaître mon courage au fond de mon coeur à mesure que ce sage ami me parlait, FÉN. Tél. II.• Les conjurations au commencement du règne d'Auguste renaissaient toujours, MONTESQ. Rom. 11.• Ces feux qu'on croit éteints renaissent de leur cendre, VOLT. Oedipe, II, 2.• Ah ! je revois le jour, et mes forces renaissent, MONTESQ. Fanat. IV, 4.• L'Allemagne se polit et s'embellit tous les jours ; l'Italie semble renaître ; puisse durer longtemps une félicité dont on ne sent pas assez le prix !, MONTESQ. Pol. et lég. Fragm. sur l'Inde, 34.6° Absolument. Reprendre des forces, des qualités morales.• Avec la liberté Rome s'en va renaître, CORN. Cinna, I, 3.• Je renais, et je sens s'affermir dans mon sein Cette intrépidité dont je doutais encore, VOLT. Orphel. V, 4.• Rustan, en entendant ces paroles, se sentit renaître, VOLT. Blanc et noir..• Nous renaissons, ma Julie ; tous les vrais sentiments de nos âmes reprennent leur cours ; la nature nous a conservé l'être, et l'amour nous rend la vie, J. J. ROUSS. Hél. III, 16.• S'il pouvait à la fois retrouver les souvenirs de sa patrie et recevoir par l'imagination une vie nouvelle, renaître pour l'avenir, sans rompre avec le passé !, STAËL Corinne, II, 4.Renaître jusque-là que..., reprendre ses premières vertus au point de....• ....si jusque-là Rome pouvait renaître, Qu'elle fût en état de se passer de maître, CORN. Othon, III, 3.Il se conjugue avec l'auxiliaire être : Il est rené à l'espérance.XIIe s.• Ne que li hom porroit entrer Au ventre sa mere et renestre, la Charrette, 3056.XIIIe s.• Quant li pecheour, qui sunt ausi come foins, seront rené, ce est resuscité au jour del joïse [jugement], Psautier, f° 112.• Car les estoiles si comportent, De signe en signe se reportent, Or se coukent [couchent] selonc droiture, Or renaissent selonc nature, GUI DE CAMBRAI Barl. et Jos. p. 171.• Le jour de la Saint Marc, me dit le roy que à celi jour il avoit esté né ; et je li diz que encore pooit il bien dire que il estoit renez, quant il de celle perilleuse terre eschapoit, JOINV. 283.XVIe s.• Il feist renaistre es courages des soudards une envie de se trouver aux prises, AMYOT Pélop. et Marc. comp. 3.Re..., et naître ; prov. renascer ; cat. renaixer ; espagn. renacer ; ital. rinascere.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.