- remède
- (re-mè-d') s. m.1° Tout ce qui peut déterminer un changement salutaire dans l'économie en général et dans un organe en particulier, que ces moyens soient hygiéniques, chirurgicaux ou pharmaceutiques.• Il [mon médecin] m'ordonne des remèdes, je ne les fais pas, et je guéris, MOL. 3e placet au roi pour Tartufe.• Argan : Tant pis pour lui [Molière], s'il n'a point recours aux remèdes. - Béralde : Il a ses raisons pour n'en point vouloir, et il soutient que cela n'est permis qu'aux gens vigoureux et robustes, et qui ont des forces de reste pour porter les remèdes avec la maladie, MOL. Mal. imag. III, 4.• Tout le monde conte qu'on s'est tiré de toutes sortes de maux par des remèdes, et vous affectez de n'en prendre aucun ; ma très chère, ils sont pourtant nécessaires, et je m'en suis bien trouvée aux Rochers, SÉV. 358.• C'est dommage que Molière soit mort ; il ferait une scène merveilleuse de Daquin [premier médecin du roi], qui est enragé de n'avoir point le bon remède, et de tous les autres médecins, qui sont accablés par les expériences, par les succès et par les prophéties comme divines de ce petit homme [l'Anglais Talbot qui donnait le quinquina], SÉV. 8 nov. 1680.• Il [Ch. de Sévigné] est malade des remèdes.... il en a fait dont il n'avait pas besoin, SÉV. 15 sept. 1680.• Si vous trouvez que ces connaissances [de la médecine] vont lentement, et qu'on n'invente pas assez de remèdes pour vaincre tous les maux, il s'en faut prendre au fonds inépuisable d'infirmité qui est en nous, BOSSUET Polit. X, V, 2.• La mort se déclare ; on ne tente plus de remède contre ses funestes attaques, BOSSUET le Tellier..• Pouvons-nous n'apercevoir pas ce que nous perdons sans cesse avec les années ? le repos et la nourriture ne sont-ils pas de faibles remèdes de la continuelle maladie qui nous travaille ?, BOSSUET Mar.-Thér..• Les maladies de langueur sont d'autant plus rudes, que l'on n'en prévoit pas la fin ; il faut supporter et les maux et les remèdes aussi fâcheux que les maux mêmes, FLÉCH. Duch. de Montaus..• Beaucoup de soins, point de remèdes, voilà ma recette, MAINTENON Lett. à M. d'Aubigné, 15 déc. 1679.• Un bon médecin est celui qui a des remèdes spécifiques, LA BRUY. XIV.• On le voyait aller dans les tentes secourir lui-même les malades et les mourants ; il leur donnait de l'argent et des remèdes, FÉN. Tél. XVII.• Tantôt il donnait des remèdes qui faisaient suer, FÉN. ib..• Les remèdes sont eux-mêmes de véritables maux qui usent la nature, et dont il ne faut se servir que dans les pressants besoins, FÉN. ib..• L'amas immense des remèdes ou simples ou composés contenus dans la pharmacopée, ou dans le traité des drogues, semblerait promettre l'immortalité ou du moins une sûre guérison de chaque maladie ; mais il en est comme de la société où l'on reçoit quantité d'offres de services et peu de services, FONTEN. Lémery..Être dans les remèdes, se mettre dans les remèdes, faire des remèdes, se soumettre à un traitement.• Votre médecin, qui dit que mon mal sont des vapeurs, et vous.... n'êtes pas les premiers qui m'avez conseillé de me mettre dans les remèdes spécifiques, SÉV. à Bussy, 5 sept. 1674.• Madame la duchesse de Bourgogne fait beaucoup de remèdes, et n'en est pas mieux, MAINTENON Lett. au D. de Noailles, t. V, p. 55, dans POUGENS.Faire des remèdes, se dit aussi du médecin qui prescrit des remèdes.• Parlons de votre pauvre frère ; un coquin de chirurgien de Paris, après lui avoir fait bien des remèdes, l'assure qu'il est guéri, SÉV. 6 oct. 1680.Remède secret, préparation dont la formule n'est pas inscrite au codex, ou qui n'a pas été composée par un pharmacien, pour un cas particulier, sur l'ordonnance d'un médecin ; ou dont la formule n'a pas été publiée par le gouvernement, conformément au décret de 1810 [aujourd'hui modifié par le décret du 3 mai 1850], Cour de cassation.Dans le langage vulgaire, le grand remède, les grands remèdes, le mercure que l'on administre dans les maladies syphilitiques.• S'il est vrai que ce témoin ait passé cette journée dans la maison où il subissait le grand remède, tout sera bientôt mis au grand jour, VOLT. Pol. et lég. Probab. en fait de justice..Familièrement. Remède de bonne femme, remède simple et populaire, et qui ne produit aucun effet.C'est un remède à tous maux, se dit d'un remède auquel on ne croit aucune efficacité.2° Nom donné à certains médicaments plus ou moins composés dont les auteurs avaient d'abord gardé le secret. Le remède de Pradier (contre la goutte).3° Par euphémisme, lavement.• On le prie de venir voir donner un remède à cinq heures à M. le maréchal de Grammont, SÉV. 91.• Un escadron coiffé d'abord court à son aide, L'une chauffe un bouillon, l'autre apprête un remède, BOILEAU Sat. X..• J'ai bu mes eaux, pris mon bouillon, rendu mon remède, et mangé ma petite soupe, DANCOURT Eaux de Bourbon, sc. 2.• Un remède par moi lui vient d'être donné Tel que l'apothicaire en avait ordonné, REGNARD le Légat. I, 1.4° Fig. Ce qui sert à guérir les vices de l'âme, à calmer les souffrances morales.• Beaucoup par un long âge ont appris comme vous Que le malheur succède au bonheur le plus doux ; Peu savent comme vous s'appliquer ce remède, CORN. Hor. V, 2.• C'est en vain, ô hommes, que vous cherchez dans vous-mêmes le remède à vos misères, PASC. Pens. XII, 2, éd. HAVET..• Il faut qu'elle [la véritable religion] nous rende raison de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien ; il faut qu'elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances, et les moyens d'obtenir ces remèdes, PASC. ib. XII, 1.• Ce qui embarrasse fort mon abbé, la Mousse et mes gens, c'est qu'il n'y a point de remède à mon chagrin, SÉV. 16 sept. 1671.• Un homme [Jésus] qui, joignant la force d'un Dieu à notre nature infirme, nous fit un remède de notre faiblesse, BOSSUET Hist. II, 12.• Vous croyez donc.... qu'un royaume est un remède universel à tous les maux, un baume qui les adoucit, un charme qui les enchante ?, BOSSUET Mar.-Thér..• Elle [la passion de l'avarice] se nourrit et s'enflamme par les remèdes mêmes qui guérissent et éteignent toutes les autres, MASS. Disc. synod. Compass. des pauvres..• Quel remède essayer contre un mal qu'on ignore ?, C. DELAV. Paria, II, 6.Remède de l'âme, Voy. rédemption.Fig. et familièrement. C'est un remède d'amour, se dit d'une personne vieille ou laide.• Je suis bon médecin, et je t'offre mon aide. - Lisette : Oui, vous êtes d'amour, je pense, un vrai remède, DANCOURT Famille extravag. sc. 7.5° Fig. Tout ce qui sert à prévenir, à faire cesser un malheur, une disgrâce.• Ne touchez pas à des maux qui découvriront l'impuissance des remèdes, BALZ. De la cour, 6e disc..• Mais, puisque c'en est fait, le coup est sans remède, CORN. Cid, II, 1.• Ayant donné remède à ce mal [une chicane], je vous écrivis une grande lettre, SÉV. à Bussy, 26 août 1688.• Les malheurs de l'Espagne dont on sait qu'elle [la reine Isabelle, fille de Henri IV] trouva le remède par un zèle et par des conseils qui ranimèrent les grands et les peuples, et, si on le peut dire, le roi même, BOSSUET Mar.-Thér..• Amalasonte.... est empêchée par les Goths de faire instruire le jeune prince comme méritait sa naissance, et, contrainte de l'abandonner aux gens de son âge, elle voit qu'il se perd, sans pouvoir y apporter de remède, BOSSUET Hist. I, 11.• Contre ces dissensions domestiques [à Rome] le sénat ne trouvait point de meilleur remède que de faire naître continuellement des occasions de guerres étrangères, BOSSUET ib. III, 7.• La monarchie ébranlée jusqu'aux fondements, la guerre civile, la guerre étrangère, les remèdes de tous côtés plus dangereux que les maux, les princes [Condé et Conti] arrêtés avec grand péril et délivrés avec un péril encore plus grand, BOSSUET Anne de Gonz..• Dieu a envoyé M. de Silhouette à notre secours [en finances] ; s'il y a quelque bon remède, il le trouvera, VOLT. Lett. en vers et en prose, 123.• Dans le péril qui croît et nous obsède, Vous montrez tous nos maux : montrez-vous le remède ?, VOLT. Rome sauv. V, 1.6° En termes de monnayage, remède se disait autrefois pour ce qu'on nomme aujourd'hui tolérance ; ainsi la tolérance du titre était appelée remède de loi, et la tolérance de poids était nommée remède de poids.PROVERBESIl y a remède à tout, fors à la mort.Le remède est pire que le mal, se dit d'un remède dangereux, d'une résolution très hasardeuse.• J'ai peur que je ne vous épouvante trop, et que le remède dont je veux guérir votre ennui, ne soit plus violent que le mal, VOIT. Lett. XIV.Aux grands maux les grands remèdes.REMÈDE, MÉDICAMENT. Remède a un sens plus étendu que médicament. Le remède comprend tout ce qui est employé pour la cure d'une maladie ; le médicament est toujours une matière simple ou composée que l'on administre soit à l'intérieur soit à l'extérieur. L'exercice peut être un remède, mais n'est jamais un médicament. Le sulfate de quinine est un remède ou un médicament.XIIIe s.• Nepourquant nous y veons aucunne remede comme il poent [peuvent] avoir fief, BEAUMANOIR XLVIII, 1.XIVe s.• Se le dictateur romain n'i eust mis remede, BERCHEURE f° 35, recto..XVe s.• Et se le roy l'eust tenu en son ire, il l'eust fait mourir sans remede, FROISS. I, I, 54.• Madame Jehanne veint au lieu de Digeon, à secours et à remede, devers le duc de Bourgongne, son parent, luy remontrant comme les Luxembourgeois l'avoyent dechassée de son heritage, O. DE LA MARCHE Mém. liv. I, p. 176, dans LACURNE.• Et n'y avoit nul remede [à Fornoue] de passer que par combaître, COMM. VIII, 5.XVIe s.• L'or à 24 carats, à 1/4 de carat de remede.... sur peine de la refonte des ouvrages qui seront trouvez defectueux au dessous desdits remedes, Ordonn. tireurs et batteurs d'or, 1386.Provenç. remedi, remezi ; espag. et ital. remedio, du lat. remedium, de re, et mederi, guérir (voy. médecin). Remède, dans l'acception de lavement, s'est introduit du temps de Louis XIV, pour dissimuler ce que lavement paraissait avoir de grossier.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.