- personnage
- (pèr-so-na-j') s. m.1° Dignité ecclésiastique, cure, etc. (sens du bas-latin personaticum, perdu complétement en français, et conservé dans l'anglais parsonage, cure), s. m.2° Aujourd'hui, par extension, personne considérable, célèbre, en parlant des hommes.• Vous dirai-je les noms de ces grands personnages ?, CORN. Cinna, I, 3.• Se croire un personnage est fort commun en France, LA FONT. Fabl. VIII, 15.• Je vous dis que mon fils n'a rien fait de plus sage Qu'en recueillant chez soi ce dévot personnage, MOL. Tart. I, 1.• Que faites-vous, grand homme d'affaires, homme qui êtes de tous les secrets, et sans lequel cette grande comédie du monde manquerait d'un personnage nécessaire ?, BOSSUET Sermons, Impénit. 2.• Vous ne me parlez point de M. le cardinal de Nerli ; on dit que c'est un personnage, BOSSUET Lett. quiét. 156.• La princesse des Ursins tâta, autant qu'elle put, tout ce qui était ou pouvait devenir personnage, SAINT-SIMON 122, 92.En mauvaise part. Voilà un impudent, un plaisant personnage.• Je ne sors pas d'admiration et d'étonnement à la vue de certains personnages que je ne nomme point, LA BRUY. III.• Le peuple a souvent le plaisir de la tragédie : il voit périr sur le théâtre du monde les personnages les plus odieux, LA BRUY. VI.• M. du Maine faisait le bon personnage en plaignant une soeur avec qui la haine de l'autre soeur l'avait étroitement lié, SAINT-SIMON 309, 43.• Pourquoi donc m'inviter avec ce personnage ?, C. DELAV. la Popular. I, 6.3° Personne fictive, homme ou femme, mise en action dans un ouvrage dramatique.• Tous les personnages qu'il [Molière] représente sont des personnages en l'air, MOL. Impromptu, 3.• D'un nouveau personnage inventez-vous l'idée, BOILEAU Art p. III.• Il faut que tous ceux qui assistent à une pièce de théâtre connaissent tout d'un coup les personnages qui se présentent, excepté ceux dont l'intérêt est de cacher leur nom, VOLT. Comm. Corn. Rem. Héracl. I, 1.• Dans cette tragédie d'un patriote et d'un philosophe [Addison], le rôle de Caton me paraît surtout un des plus beaux personnages qui soient sur aucun théâtre, VOLT. Mél. litt. Trag. anglaise..Il se dit aussi des personnages d'un poëme narratif, d'un roman.• À peine ai-je parcouru quelques pages de Clarisse, que je compte déjà quinze ou seize personnages ; bientôt le nombre se double, DIDER. Éloge de Richards..• On imprimerait aujourd'hui le chapitre de Gil Blas sur les comédiens, que chacun voudrait reconnaître tous les personnages, C. DELAV. les Coméd. Prolog..Par extension, rôle que joue un acteur, une actrice.• Pour moi, je vous déclare que je ne me souviens pas d'un mot de mon personnage, MOL. Impromptu, I.• Je voulais vous envoyer la Champmeslé pour vous réchauffer la pièce ; le personnage de Bajazet est glacé..., SÉV. 126.4° Rôle que l'on joue dans la société, dans le monde, dans la vie.• Il sut jusqu'à la fin jouer son personnage, RÉGNIER Sat. XIV.• L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé, LA ROCHEFOUC. Réflex. 39.• Un loup qui commençait d'avoir petite part Aux brebis de son voisinage, Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard, Et faire un nouveau personnage, LA FONT. Fabl. III, 3.• Que vous jouez au monde un petit personnage De vous claquemurer aux choses du ménage !, MOL. F. sav. I, 1.• Par la chaleur de montrer ses ouvrages, On s'expose à jouer de mauvais personnages, MOL. Mis. I, 2.• Souvenez-vous, dit-il [Épictète], que vous êtes ici [dans la vie] comme un acteur, et que vous jouez le personnage d'une comédie, tel qu'il plaît au maître de vous le donner, PASC. Entretien avec M. de Saci..• C'est en vérité [Mme de Chaulnes] une très aimable amie, et qui s'acquitte divinement de tous les personnages que la Providence lui fait faire, SÉV. 25 mai 1689.• Il [M. de Marsillac] remplit parfaitement le personnage du meilleur fils qui fut jamais, SÉV. 5 avr. 1680.• Songez au plaisir qu'aura votre fils... d'avoir été à la première occasion où Monseigneur a commencé le personnage de conquérant, SÉV. 3 nov. 1688.• Il ne fit qu'un seul personnage dans sa vie, c'est le personnage d'un saint, FLÉCH. Panég. II, 502.• Il a dessein d'élever auprès de soi un fils naturel, sous le nom et le personnage d'un valet, LA BRUY. XI.• Crésus ne fait pas ici un beau personnage : il n'est pas dit un mot de lui dans le combat, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. II, p. 221, dans POUGENS.• Le personnage d'une femme n'est que de se défendre, FONTEN. Dial. 2e, morts anc. mod..• Dans le cours ordinaire des actions de la vie, l'homme est, pour ainsi dire, rendu à lui-même ; c'est lui qu'on voit ; il quitte le personnage et ne montre plus que sa personne, MASS. Or. fun. Conti..• Nous nous disposions à faire nos personnages, LESAGE Gil Blas, I, 5.• Craignons, monsieur, les gens qui font si volontiers deux personnages, dans la même affaire ; il est rare que ces deux en fassent un bon, J. J. ROUSS. Lett. à M. D. Corresp. t. I, p. 279, dans POUGENS.5° Personnage allégorique, être métaphysique ou inanimé que la poésie ou la peinture personnifie.6° Terme de peinture. Se dit des figures, dans un tableau historique.7° Tapisseries à personnages, tapisseries où il y a des figures d'hommes et de femmes, et des histoires représentées. Manufacture de toutes sortes de tapisseries de verdures et personnages de haute et basse lisses, Lett. pat. août 1664.XIIIe s.• Nul clerc, s'il n'est prelat ou establis en personnage ou dignité..., DU CANGE personatus..XIVe s.• Patrons de plusieurs cures, chappeleries, personnages et autres benefices, DU CANGE ib..XVe s.• Comme la veille de la St-Fremin les jeunes gens de la ville d'Amiens ont accoustumé de soy jouer et esbatre et faire jeux de personnages, DU CANGE personagium..• Un homme assez puissant de personnage [de corps, de stature], MONSTREL. t. I, ch. 79, p. 133, dans LACURNE.• C'est grant dommaige ; car il avoit bien personnaige d'homme qui eust peu encores monter à très grant honneur, Lancelot du Lac, t. III, f° 118, dans LACURNE.• Puisque Noë, un si grant personnage, De boire bien nous a appris l'usage, BASSELIN LIV.• Il usoit de ceste parolle au personnage propre [il disoit à la personne même], COMM. I, 10.• Des deux princes il advient souvent que l'ung a le personnage plus honneste et plus agreable aux gens que l'autre, COMM. II, 8.• Le seigneur Durfé, Poncet et Riviere et plusieurs autres petits personnages, COMM. III, 8.XVIe s.• Quelque personnage que l'homme entreprenne, il joue tousjours le sien parmy, MONT. I, 69.Provenç. personatge ; espagn. personage ; ital. personaggio ; du bas-lat. personatioum, qui vient de persona, personne. Bien que persona (o long), signifiant masque, tienne d'abord au théâtre, néanmoins le premier sens que la langue française en ait tiré est celui de personne ecclésiastique.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.