- mépriser
- (mé-pri-zé) v. a.1° Tenir en mépris.• Vous méprisez trop Rome, et vous devriez faire Plus d'estime d'un roi qui vous tient lieu de père, CORN. Nicom. III, 1.• Michol, fille de Saül, regardant par la fenêtre, vit le roi David qui sautait et qui dansait ; et elle le méprisa dans son coeur, SACI Bible, Paralip. I, XV, 29.• On a bien de l'obligation à ceux qui avertissent des défauts ; car ils mortifient : ils apprennent qu'on a été méprisé, PASC. Pens. XXV, 38.• Ne vous étonnez pas si le même Ecclésiaste méprise tout en nous, jusqu'à la sagesse, et ne trouve rien de meilleur que de goûter en repos le fruit de son travail, BOSSUET Duch. d'Orl..• Les chrétiens ne connaissent plus la sainte frayeur dont on était saisi autrefois à la vue du sacrifice.... loin de trembler devant les autels, on y méprise Jésus-Christ présent, BOSSUET Louis de Bourbon..• C'est dans ce même esprit qu'il méprisa souvent les bruits du vulgaire, FLÉCH. Lamoignon..• Vous méprisez mes pleurs ! mes cris sont superflus !, QUINAULT Pers. II, 6.• Qui méprise Cotin n'estime point son roi, BOILEAU Sat. IX..• Ses mains ne méprisent point le travail, FÉN. Tél. XXII.• Il est encore assez ordinaire de mépriser qui nous méprise, LA BRUY. XI.• J'ai assez d'orgueil pour mépriser d'un mépris souverain les discours de ceux qui ne me connaissent pas, VOLT. Lett. Thieriot, 28 janv. 1739.• Les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à supporter des malheurs réels ; et qui méprise les grands peut bien mépriser les sots, VOLT. ib. 4 août 1728.Fig. et par plaisanterie.• Je suis si bien aujourd'hui, que je crois que je prendrai le parti qu'ils me conseillent, qui est de mépriser ma jambe [malade], et de ne la point questionner à tout moment, SÉV. 1er juill. 1685.Absolument.• Cliton : Dirons-nous rien nous deux ? - Lise. Non. - Cliton : Comme tu méprises ! - Lise : Je n'ai pas le loisir d'entendre tes sottises, CORN. Suite du Ment. II, 6.2° Fouler aux pieds, transgresser.• Hélas ! ce peuple ingrat a méprisé ta loi, RAC. Esth. I, 4.• Cruel, si, de mes pleurs méprisant le pouvoir, Vous consentez sans peine à ne me plus revoir, RAC. Phèdre, V, 1.• Je puis vous paraître à présent indigne de votre affection ; mais votre promesse, pourquoi la méprisez-vous ?, STAËL Corinne, XV, I.3° Ne pas donner une suffisante attention.• Ceux qui veulent qu'on méprise tout, veulent en même temps laisser tout courir, BOSSUET États d'oraison, I, 10.• Il ne faut pas mépriser de tels détails, qui sont la source cachée de la ruine des États, comme des familles, VOLT. Moeurs, 79.4° Repousser un amant, un prétendant.• [toi] Pour qui j'ai méprisé Ce mortel qu'aujourd'hui le sort a fait ton maître, VOLT. Orph. II, 3.5° S'élever au-dessus de l'amour ou de la crainte qu'on a ordinairement pour une chose.• Qui méprise la vie est maître de la sienne [d'Auguste], CORN. Cinna, I, 2.• Laissons-lui donc mépriser tous les états de cette vie, puisqu'enfin, de quelque côté qu'on s'y tourne, on voit toujours la mort en face, qui couvre de ténèbres tous nos plus beaux jours, BOSSUET Duch. d'Orl..• Mais, parce qu'en refusant les présents du monde, on encourt infailliblement ses disgrâces, non-seulement mépriser ses biens, mais encore mépriser sa haine, et ne pas craindre de lui déplaire, voilà la seconde maxime, BOSSUET 2e sermon, Pentec. 1.• Quand on peut mépriser le charme de l'amour, Quels enchantements peut-on craindre ?, QUINAULT Armide, II, 1.• La franchise qui règne en cet heureux séjour Fait mépriser les fers et l'orgueil de la cour, VOLT. Scythes, I, 3.• Voulons-nous avoir le droit de mépriser les riches ? commençons par mépriser les richesses ; changeons nos moeurs, DUCLOS Consid. moeurs, 10.6° Mépriser de, avec un infinitif.• Vous, hommes, enfants de Dieu... si, plus stupides et plus insensibles que les créatures inanimées, vous méprisez de suivre les lois que Dieu même vous a données, BOSSUET 2e sermon, Quinquagésime, 2.7° Se mépriser, v. réfl. Avoir du mépris pour soi-même.• Il ne faut pas permettre à l'homme de se mépriser tout entier, de peur que, croyant avec les impies que notre vie n'est qu'un jeu où règne le hasard, il ne marche sans règle et sans conduite au gré de ses aveugles désirs, BOSSUET Duch. d'Orl..• C'est se mépriser soi-même que de n'oser paraître ce qu'on est, MASS. Madame..Se mépriser, avoir un mépris réciproque l'un pour l'autre. Ces deux hommes se méprisent, et ils ont raison tous les deux.Mme de Sévigné a accordé, suivant l'ancienne règle, le participe présent : Je vous trouve si pleine de réflexions, si stoïcienne, si méprisante les choses de ce monde et la vie même, 3 avr. 1680.XVIe s.• Mespriser les offenses receues, MONT. II, 115.• Nostre appetit mesprise ce qui luy est en main, MONT. III, 3.• Les opinions que l'ancienneté a eues de l'homme, sont celles qui nous mesprisent, avilissent et aneantissent le plus, MONT. III, 32.• Pour ceste premiere fois s'en alla mesprisé et mocqué d'eulx, AMYOT Lys. 10.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.