- moucher
- moucher 1.(mou-ché) v. a.1° Presser les narines pour en faire sortir les mucosités.• Il [Diogène] vit un jour un homme qui se faisait chausser par un esclave ; tu ne seras pas content, dit-il, jusqu'à ce qu'il te mouche ; de quoi te servent tes mains ?, ROLLIN Hist. anc. t. XII, p. 500, dans POUGENS.Absolument. Si cet enfant pouvait moucher, il serait soulagé. Le tabac fait moucher.S. m. Action de moucher, de se moucher.• Tous les mouchers, toussers...., PASC. Pens. XXV, 63, éd. HAVET.• Le fréquent moucher [de la duchesse de Bourgogne] répondait aux cris du prince son beau-père, SAINT-SIMON 293, 243.2° Moucher du sang, rendre du sang par le nez en se mouchant.3° Par extension, ôter le bout du lumignon qui empêche une chandelle de bien éclairer.• Vous ferez encore des mouchettes et des vases destinés pour y éteindre ce qui aura été mouché des lampes, SACI Bible, Exode, XXV, 38.• En feignant de la moucher, Qu'on éteigne la lumière, BÉRANG. Censure..Moucher une chandelle avec le pistolet, tirer si juste que la balle coupe la mèche.• Vous aurez le plus grand plaisir du monde à voir moucher des chandelles à coups de pistolets, toutes les fois que vous en voudrez avoir le passe-temps, SCARR. Lettres, Oeuv. t. I, p. 188.Populairement. Moucher quelqu'un, remettre quelqu'un à sa place, lui infliger une correction, le battre. Tu vas te faire moucher, tu vas recevoir une correction, te faire rosser.4° Terme de marine. Couper l'extrémité d'un cordage qui s'effile, d'une pièce de bois qui ne se termine pas par une surface unie.5° Se moucher, v. réfl. Faire sortir ce qui est dans le nez.• Moi, je leur soutiens qu'un homme qui n'a pas l'air que nous avons en France, est un homme qui fait tout de mauvaise grâce, qui ne sait ni marcher, ni s'asseoir, ni se lever, ni tousser, ni cracher, ni éternuer, ni se moucher ; qu'il est par conséquent un homme sans manières, BOISSY Français à Lond. sc. 1.• Mais quand on voit arriver la secousse, Qu'avant la fin le parterre à grand bruit Se mouche, tousse, Tout est dit, PANARD Oeuv. t. III, p. 378, dans POUGENS.• On voit, dans Juvénal, un mari demander le divorce, parce que sa femme se mouchait souvent, MONGEZ Instit. Mém. hist. et litt. anc. t. IV, p. 308.Il n'a pas le loisir de se moucher, se dit d'un homme fort occupé.PROVERBESQui se sent morveux se mouche (voy. morveux).Il ne se mouche pas du pied, c'est un homme habile, intelligent, résolu.• Certes, monsieur Tartufe, à bien prendre la chose, N'est pas un homme, non, qui se mouche du pied, MOL. Tart. II, 3.Un des tours d'agilité familiers aux anciens saltimbanques consistait à saisir le pied à deux mains et à se le passer vivement sous le nez. De là, cette façon de parler triviale pour dire un homme grave, digne, considérable : c'est un homme qui ne se mouche pas du pied.Il ne se mouche pas du pied, il y paraît sur sa manche, se dit quand, ne croyant pas à l'habileté du personnage dont il est question, on veut faire tourner le proverbe à son désavantage ; car, qu'il y paraisse sur la manche, c'est signe de malpropreté.Cela était bon du temps qu'on se mouchait sur la manche, se dit pour mépriser une coutume ancienne.• du temps qu'on se mouchait sur la manche, du temps que le monde était fort simple, était comme un enfant, GÉNIN Récréat. t. I, p. 89.• Ne voudriez-vous point supprimer les mouchoirs, parce qu'autrefois on se mouchait sur la manche ?, DANCOURT Fête de village, I, 2.Ne pas se moucher sur sa manche, ne pas se laisser mener comme un enfant (lequel se mouche sur sa manche).• J'ai grand' peur qu'un bourreau de beau-père ne m'ait promis plus de beurre que de pain ; je ne me mouche pas sur ma manche, comme vous savez, et il en faudrait venir...., SCARRON le Marquis ridicule, dans GÉNIN, Récréat. t. I, p. 88.XIIIe s.• Que ses doiz arde [brûle] à les mouchier [les chandelles], GAUTIER DE COINCY p. 571.• En la chiere [face] [il] li crache et moche, Ren. 14989.XVe s.• Comment il a esté mouché ! N'ay-je pas bien fait mon devoir ?, Patelin.XVIe s.• Avecques ses dardz, de mille pas loing, il esmouchoyt une bougie sans l'estaindre, RAB. Pant. IV, 24.• Il se mouschoyt à ses manches, il mourvoyt dedans sa souppe, RAB. Garg. I, 11.• Or mouchez voz nez, petits enfans, RAB. Pant. préf..• Un temps fut que sans grand respect, On lachoit à table le pet.... Et qu'on se mouchoit à la nappe, SAINT-GELAIS. (75)..• .... Par là il se poussa, Et aux plus hauts honneurs du palais s'avança, Ayant mouché [abusé] les rois avec telle prattique, DU BELLAY IV, 85, verso..• Pour ung sysiaux à moucher la chandelle, DE LABORDE Émaux, p. 400.Wallon, mokî, moucher une chandelle ; picard, mouker ; du lat. fictif mucare, de mucus, morve. Mucus, morve, et mungere, moucher, ont le même radical : sanscr. muc, muncami ( a long), rejeter, répandre ; verbe grec traduit par se moucher, et mot grec signifiant nez.————————moucher 2.(mou-ché) v. a.Espionner. On l'a fait moucher par la police.On dit plutôt aujourd'hui moucharder.XVe s.• Et qui plus est, mouscher par les provinces, Pour mieux ouyr et rapporter aux princes, Faifeu, p. 6.Mouche.————————moucher 3.(mou-ché) v. n.Aller comme des mouches, aller et venir, en parlant de lettres, de billets, de chansons, etc. (terme inusité).• L'héritière de Ventadour avait eu le temps de se faire connaître par tant de galanteries publiques, qu'aucune femme ne la voyait, et que les chansons qui avaient mouché s'étaient chantées en Flandre, dans l'armée, SAINT-SIMON 21, 250.• ....Et par des subalternes affidés de ses troupes, les avis mouchaient à Commercy et à son fils, SAINT-SIMON 96, 20.• Elles convinrent de ne se voir jamais sans une nécessité à laquelle rien ne pourrait suppléer, et les billets mouchaient entre elles comme avec le roi, SAINT-SIMON 177, 108.XVIe s.• [Le taon].... qui, au retour de l'an, Parmi les prez fait moucher [courir comme les mouches] les genices, RONS. 614.• Or nottez, amiables freres, et dressez les oreilles comme la queue d'une vache qui mouche [chasse les mouches], Moyen de parvenir, p. 125, dans LACURNE.Mouche ; bourguig. mousquai, se fâcher, prendre la mouche.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREMOUCHER.PROVERBESAjoutez :Se moucher dans ses doigts, être habile, intelligent, résolu. Il sait se moucher dans ses doigts, le Déjeuner de la Rapée, p. 15, dans CH. NISARD, Parisianismes, p. 160.XVIe s. Ajoutez :• Celui qui trop se mouche, comme dit le proverbe, attrait le sang, le Bureau du concile de Trente, 1586, p. 11.• On sait ce que dit le proverbe : Qui mouche trop, il tire le sang, SLEIDAN Hist. de l'estat de la religion sous Charles V, p. 47, verso..
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.