- morue
- (mo-rue) s. f.1° Poisson malacoptérygien dont la chair est alimentaire, et dont le foie fournit une huile (famille des gadoïdes, morhua vulgaris, Cloquet).• La France ne put obtenir qu'avec beaucoup de difficulté le droit de pêche vers Terre-Neuve, et une petite île inculte nommée Michelon, pour y faire sécher la morue, VOLT. Louis XV, 35.• Quand on vient à apprendre de l'infatigable Leuwenhoek qu'une seule morue peut pondre environ dix millions d'oeufs, on n'est plus surpris que la fécondité de ce poisson puisse fournir aux besoins de tant de peuples, BONNET Contempl. nat. XII, 27.Une poignée de morue, deux morues jointes ensemble.Morue franche, la morue fraîche, le cabillaud.Morue verte, la morue simplement salée, par opposition à la morue sèche qui a été de plus séchée au soleil, et au stockfish qui a été séché sans être salé.Fig. Être las d'un homme comme de la vieille morue, en être très las.• Qu'elle en était lasse comme de vieille morue, GENLIS Parvenus, t. III, p. 47, dans POUGENS.2° Nom qui s'est donné jadis, parmi les libraires, à des ouvrages manuscrits.• Ils ont des ouvrages manuscrits qu'ils mettent en société pour l'impression, et qu'ils appellent de la morue, CAYLUS Oeuvres badines, t. X, p. 175, dans FR. MICHEL, Argot.3° Queue de morue, se dit des pans de l'habit ou du frac, lorsqu'ils sont étroits vers l'extrémité. Habit en queue de morue ou à queue de morue.La prononciation a longtemps balancé entre molue et morue qui a prévalu. Il se fait ordinairement plusieurs distinctions des molues ; la plus parfaite est qualifiée molue marchande, et celle qui lui est inférieure en qualité est appelée trie, lingne, raguet et poisson vicié, Arrêt du Conseil d'État, 21 fév. 1690.XIIIe s.• Quiconque achate morues baconnées [fumées] et maqueriaux salés, Liv. des mét. 271.XVIe s.• Les morues et autres poissons, ayans esté prins avec les ails, ils sentent si fort que plusieurs n'en peuvent manger, PARÉ XXIII, 4.Wallon, molowe ; namur. moleuwe ; Hainaut, molue ; bas-lat. moruta, dans un texte du XIIIe siècle ; angl. melwel, merluche. Diez le tire de l'espagnol morros, qui signifie petits corps arrondis, et qui s'applique particulièrement aux intestins de la morue salés et mis dans le commerce. À quoi Scheler objecte avec raison qu'on ne voit pas comment le français aurait emprunté, pour dénommer la morue, un mot à l'espagnol qui la dénomme tout autrement. Suivant M. Baudry, molue est la forme dégénérée de merlus ; cela est vraisemblable.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.