- mont-joie
- (mon-joî) s. f.1° Monceau de pierres jetées confusément, en signe de victoire, ou pour marquer les chemins.S'est dit aussi des croix ou indications mises sur les monts-joies pour reconnaître les chemins.Ordre de chevalerie, institué dans le douzième siècle, par le pape Alexandre III, pour combattre les infidèles dans la terre sainte.2° Se disait, par extension, d'un amas de choses quelconques.Fig.• Je prie Dieu qu'il vous envoie D'ébattements une mont-joie, SCARR. Poés. dans RICHELET.3° Mont-joie Saint-Denis, ou, simplement, mont-joie, cri de guerre usité parmi les Français dans les batailles, durant le moyen âge.• Liberty and property [liberté et propriété], c'est le cri anglais ; il vaut mieux que Saint-George et mon droit, Saint-Denis et mont-joie ; c'est le cri de la nature, VOLT. Dict. phil. Propriété..Bannière qui indiquait la marche de l'armée.S. m. Titre affecté autrefois au premier roi d'armes de France. Le roi d'armes Mont-joie (avec une majuscule).XIIe s.• Franceiz crient : monjoie, et Normanz : Dex aïe, WACE Rou, V. 4666.XIIIe s.• Tant i ot pierres aportées, Qu'une monjoie i fut fondée, DU CANGE mons gaudii..• Mort sont Ogier et Charlemaine ; Loiautez est morte et perie ; C'estoit sa monjoie et s'ensaigne, C'estoit sa dame de compaigne, RUTEB. 106.XVe s.• Merciez Dieu, pensez de le servir, Il vous garde de tous biens grant montjoye, Et vous fera avoir vostre desir, CH. D'ORL. Bal. 126.• France qui a longtemps souffert meschief, Qui se plaingnoit et regrettoit montjoye, E. DESCH. Poés. mss. f° 131.XVIe s.• Les passans pelerins Alloient semans roses et romarins, Faisans de fleurs mainte belle montjoye, MAROT I, 164.• Nous voyons de grandes montjoies d'arene mouvante qui marchent d'une demie lieue devant la mer et gaignent païs, MONT. I, 232.• Un de ses predecesseurs avoit autrefois esté deffait en Grenade, comme il paroissoit par une grande monjoie d'os gardez ensemble pour la memoire, D'AUB. Hist. I, 353.Mont, et joie. La Mont-joie Saint-Denis, ou, simplement la Mont-joie, était le nom de la colline près Paris où saint Denis subit le martyre ; ainsi dite, parce qu'un lieu de martyre était un lieu de joie pour le saint qui recevait sa récompense. La Mont-joie Saint-Denis signifie la Mont-joie de saint Denis, selon l'ancienne règle qui rendait le génitif latin par le cas oblique. Le nom de mont-joie s'étendit à tous les monceaux, et se prit même figurément. D'un autre côté les Français prirent pour cri de guerre Mont-joie Saint-Denis ou, simplement, Mont-joie ; enfin ce cri de guerre devint le nom du roi d'armes en France. C'est par erreur qu'on a dit quelquefois de notre temps, par forme d'archaïsme, Mont-joie et Saint-Denis ! ce qui ne signifie rien ; par exemple, Casimir Delavigne (Louis XI, III, 13) : Montjoie et Saint-Denis ! Dunois, à nous les chances !
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.