- assouvir
- (a-sou-vir), j'assouvis, j'assouvissais, j'assouvis, j'assouvirai, assouvissant, v. a.1° Rassasier, quand la faim est pressante.2° Fig. Satisfaire.• Pour assouvir son avarice, BOSSUET Hist. II, 5.• Le dragon qu'annonçait sa prophétique voix Vint sur la race humaine assouvir sa vengeance, DELILLE Parad. perdu, ch. IV.• Enfin les destins désormais Ont assouvi leur haine, ont épuisé leurs traits, VOLT. Tancr. V, 5.• La foi de ses aïeux, ton amour et ta crainte D'actes de piété ne pourront l'assouvir, MALH. II, 1.3° S'assouvir, v. réfl. Se rassasier. Un loup s'assouvissant dans une bergerie.4° Fig.• Adraste nage dans le sang ; il ne peut s'assouvir de carnage, FÉN. Tél. XVI.• Ses ennemis s'assouvissent de son sang, BOSSUET Hist. II, 4.• La rigueur de la mort se voulut assouvir, MALH. VI, 20.• J'ai de quoi m'assouvir de cette ambition, CORN. Médée, II, 6.• Laissez-moi m'assouvir dans mon courroux extrême, MOL. Amph. III, 5.• Ils ne peuvent s'assouvir de l'hyperbole, LA BRUY. 1.On ne peut dire étancher sa faim, étancher emportant l'idée d'un liquide ; mais bien que assouvir se dise plus particulièrement de la faim et des choses solides, cependant, comme il signifie essentiellement rassasier, il peut se dire aussi des choses liquides ; voy. l'exemple de Bossuet.XIIe s.• Jamais mes ieuz [je] ne verrai aseuvis De regarder sa bele face tendre, Couci, v.• Il est venus à l'aire [place] où cele [la dame] est qui ses bons Est preste d'asevir [assouvir ses bons, faire sa volonté], AUDEFR. LE BAST. Romancero, p. 34.XIIIe s.• Les grands gelées et les grands iaues, par l'empeschement desquelles li talemelier [boulanger] de Paris ne puissent asouvir la ville de Paris, Liv. des mét. 16.• Du roi [ils] durent avoir lor vie ; Li rois ne l'a pas assouvie : Or guerroient sa nascion, RUTEB. 104.• [Tu] N'asouviras pas ton desir, ib. II, 138.• Quant le roy ot assouvie la forteresse du bourc de Jaffe, JOINV. 275.• Et à l'aide de Dieu le livre est assouvi [achevé] en deux parties, JOINV. 191.XIVe s.• Le beau soleil, pere de vie, Sa circonference assouvie En passant par un chascun signe, Nat. à l'alch. err..XVe s.• Et se peut et doit-on esmerveiller où pourveances pouvoient estre prises pour assouvir un tel ost, FROISS. II, II, 211.• Et tout payoient pauvres gens parmi le royaume de France, car les tailles y estoient si grandes pour assouvir ce voyage que les plus riches s'en doloient, FROISS. II, III, 36.• Et on ne les pouvoit assouffir, FROISS. II, III, 99.• Fors et appers, convoiteux de vouloir Tout assovir et plus que mon povoir, E. DESCH. Erreurs de la jeunesse..• Il delibera faire à Dieu sacrifice du corps qu'il lui avoit presté bel et puissant, assouvi [accompli] de taille, autant et plus que personne de sa contrée, excepté que perdu avoit un oeil en un assaut, LOUIS XI Nouv. XVI.• Beaux compagnons, bien assouvis et adressés de tout ce qu'on doit louer en gentilhomme vertueux, LOUIS XI ib. LVIII.XVIe s.• Cesar, Hector, de vaillance assouvis, Malgré la mort par bon regnom [renom] sont vifz, J. MAROT V, 288.• Je fuz nagueres amoureux De dame en beaulté assouvie, J. MAROT V, 332.• Une heureuse rencontre, qui puisse assouvir nos longs desirs, DES PÉRIERS. Contes, CXXVIII.Picard, assoufi, assufi, qu'on trouve aussi dans l'ancien français. Diez le tire du gothique ga-sôthian, rassasier, par substitution du v au t, comme dans pouvoir du bas-latin potere ; mais, si cela était, on trouverait, dans l'ancien français, assoïr, comme on trouve pooir. Or, la persistance du v dans assouvir, et même la transformation en f montrent qu'il n'est pas assimilable au v de pouvoir. Littéralement, assouvir représenterait le latin assopire, si le sens le permettait. Remarquons les diverses significations de assouvir dans l'ancien français, rassasier, approvisionner, achever, accomplir, parfaire, et les deux formes assouvir et assufir ou assoufir. On peut croire qu'il y a eu confusion en un seul, de deux verbes, as-sopire, assoupir, d'où rassasier (satisfaire la faim, l'assoupir), et assuficere, suffire, satisfaire, achever, accomplir : cela rendrait compte de tout, sens et forme.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.