marchand

marchand
marchand, ande
(mar-chan, chan-d') s. m. et f.
   Celui, celle qui fait profession d'acheter et de vendre.
   Le plus petit marchand est savant sur ce point : Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte, LA FONT. Fabl. XII, 7.
   Sitôt.... Que, retiré chez lui, le paisible marchand Va revoir ses billets et compter son argent, BOILEAU Sat. VI.
   Il établit des magistrats à qui les marchands rendaient compte de leurs effets, de leurs profits, de leurs dépenses et de leurs entreprises, FÉN. Tél. XII.
   Le marchand fait des montres pour donner de sa marchandise ce qu'il y a de pire, LA BRUY. VI.
   Un de nos créanciers tourne vers nous ses pas : C'est le marchand fripier qui nous rend sa visite, REGNARD Ménech. III, 11.
   Si le prince est marchand, toute espèce d'industrie est ruinée, MONTESQ. Esp. V, 14.
   La guerre avait ruiné la France, et les marchands la sauvèrent, VOLT. Louis XIV, 21.
   Il est très vrai que, depuis Vasco de Gama, qui doubla le premier la pointe de la terre des Hottentots, ce sont les marchands qui ont changé la face du monde, VOLT. Polit. et lég. Fragm. hist. sur l'Inde, I..
   Acbar fut le premier qui s'empara de Surate et du royaume de Guzarate, fondé par des marchands arabes devenus conquérants à peu près comme des marchands anglais sont devenus maîtres du Bengale, VOLT. ib. XXXIII.
   Marchande, femme qui tient un commerce.
   Je vis, à travers les vitres d'un comptoir, une jeune marchande de si bonne grâce et d'un air si attirant...., J. J. ROUSS. Confess. II.
   Terme de jurisprudence. Marchande publique, femme qui fait un négoce séparé de son mari, au vu et su de celui-ci.
   Marchand forain, celui qui parcourt, avec des marchandises, les villes, les campagnes, les foires, les marchés.
   Par dénigrement, marchand de soupe, maître de pension, ainsi nommé parce qu'on suppose qu'il spécule sur la nourriture de ses élèves.
   Par dénigrement aussi. Marchand de vers, celui qui fait des vers parce qu'on les lui paye.
   Marchand de vers, jadis poète, M. J. CHÉN. Ép. à J. Delille..
   Communauté des marchands de Paris, se disait de la réunion de six corporations des drapiers-chaussetiers, épiciers, merciers, pelletiers, bonnetiers et orfévres.
   Fig. Être mauvais marchand, se trouver mauvais marchand, n'être pas bon marchand d'une chose, s'en trouver mal.
   Les médecins y purgent [en Hollande] d'ordinaire avec des pilules et des poudres chimiques, avec l'antimoine et le vin émétique, dont ils sont fort mauvais marchands, GUI PATIN Lett. t. III, p. 716.
   Et ne fasse plus le méchant ; Il n'en serait pas bon marchand, SCARR. Poés. div. Oeuv. t. VII, p. 41.
   S'il en croit être bon marchand, je suis son valet, HAMILT. Gramm. 9.
   Il fit le fier, mais il n'en fut pas bon marchand, HAMILT. ib. 10.
   Fig. Marchand mêlé, se dit d'une personne chez qui il y a du bon et du mauvais.
   Paris est un grand lieu plein de marchands mêlés ; L'effet n'y répond pas toujours à l'apparence ; On s'y laisse duper autant qu'en lieu de France, CORN. Ment. I, 1.
   Il [de Brieux] dit des choses fort jolies ; mais quelquefois il en dit aussi qui ne le sont pas ; c'est un marchand mêlé, BAYLE Lett. à Minutoli, 26 juin 1674.
   Celui qui achète pour son usage. Attirer, faire venir, tromper les marchands. Trouver marchand.
   Si jamais cette part tombait dans le commerce, Et qu'il vous vînt marchand pour ce trésor caché, CORN. Ment. III, 6.
   Aux ventes publiques, lorsque le crieur annonce telle marchandise à tant, on répond : il y a marchand, c'est-à-dire je la prends à ce taux.
   Fig. Ne pas trouver marchand, ne pas trouver à se placer, ne pas trouver d'acheteur, etc.
   On n'achète pas le rang, une reine qui serait laide ne trouverait pas marchand, VOLT. Zadig, 10.
   Marchand, espèce de canard à large bec, anas perspicillata, L.
   Un autre oiseau porte le nom de marchand, c'est le vautour urubu, gallinaze urubu, Vieillot.
   Les Portugais les appellent gallinaches et les Français de Saint-Domingue les nomment marchands, LE P. LABAT Voyage du chevalier des Marchais en Guinée et à Cayenne, t. III, p. 329, éd. Paris, 1730.
   Adj. Marchand, marchande, qui a les qualités requises pour être vendu. Il lui a fourni tant de blé loyal et marchand.
   Rendre marchand, donner à une marchandise les qualités nécessaires pour qu'elle se débite bien. Ramener des grains avariés à leur état normal et les rendre marchands.
   Prix marchand, le prix auquel les marchands vendent entre eux. J'ai eu le drap de cet habit au prix marchand.
   Nom marchand, nom que les marchands donnent à certains objets de commerce.
   Le sel est marchand, il est permis à tout le monde d'en faire le commerce. Le sel n'est pas marchand, il se vend au compte de l'État.
   Terme de pêche. Morues marchandes, celles qui sont grandes et n'ont point de défauts.
   Place marchande, place commode pour vendre.
   Fig.
   Quant à vous, mon cher ami, frappez fort ; vous êtes en place marchande pour cela, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, 13 mai 1759.
   Quartier marchand, quartier habité par un grand nombre de marchands.
   Ville marchande, ville où il y a un grand mouvement commercial.
   La rivière est marchande, elle a assez d'eau pour porter les bateaux. Le dégel étant ainsi arrivé depuis quelques jours, et la rivière par conséquent devenue marchande, Corresp. de Colbert, III, 42 (lett. du 22 janv. 1666).
   Navire, bâtiment marchand, navire destiné à porter des marchandises.
   Marine marchande, les bâtiments et les équipages employés par le commerce, par opposition à marine de l'État ou marine militaire.
   On dit dans le même sens : navigation marchande, flotte marchande, capitaine marchand.
   Qui se livre au commerce. Les nations marchandes.
   Le mélange des Tyriens et des Africains fit qu'elle [Carthage] fut tout ensemble guerrière et marchande, BOSSUET Hist. I, 6.
   Les richesses y [à employer des troupes étrangères] mènent naturellement une république marchande : on veut jouir de ses biens, et on croit tout trouver dans son argent, BOSSUET ib. III, 6.
   Dans un sens méprisant. Peu distingué, peu noble.
   Il ne se peut rien de plus marchand que ce procédé, MOL. Préc. 5.
PROVERBES
   Dîné de procureur, soupé de marchand, se disait à cause que les marchands ne pouvaient manger à leur aise que le soir.
   Riche marchand et pauvre poulaillier, le métier de poulaillier passant pour mauvais.
   De marchand à marchand il n'y a que la main, c'est-à-dire, les marchands font leurs traités sans écrire et en se touchant dans la main.
   Il faut être marchand ou larron, se dit pour exciter ceux qui achètent à se fier à la parole de celui qui vend.
   N'est pas marchand qui toujours gagne, c'est-à-dire tout marchand est exposé à perdre ; et fig. on doit s'attendre à des contrariétés, à des vicissitudes dans les affaires de la vie.
   Marchand qui perd ne peut rire.
   Ce n'est pas le profit du marchand, se dit à celui qui offre un prix beaucoup au-dessous de la valeur de la chose.
   Vous avez trompé le marchand, se dit à celui qui a acheté une chose à vil prix.
   La foire sera bonne, voici les marchands, se dit quand on voit arriver plusieurs personnes dans une compagnie.
   XIIe s.
   Jà damedeu ne place [ne plaise au Seigneur Dieu] que si hors del sens seie, Que del cors Jesu-Cris marcheanz estre deie [je doive être], Th. le mart. 88.
   XIIIe s.
   Il virent [à Constantinople prise par les Latins] ces hautes yglises et ces riches palais fondre, et ces grans rues marcheandes ardoir à feu, et il n'en pooient plus faire, VILLEH. XCI.
   Quant il [les marchands] furent asseüré Et lor mangier ont apresté, Napes font metre et vont laver ; Puis si s'assient au souper ; La table fut moult marcheande ; Grant plenté i ot de viande, Fl. et Bl. 1255.
   Car dui [deux] larron venoient de marcheans guetier, Berte, XXXVIII.
   L'ordre de Cistiax tiengne [je tiens] à bone et bienseant, Et si croi que il soient preudomme bien creant ; Mais de tant me desplaist que il sont marceant, Et de carité faire deviennent recreant, RUTEB. 241.
   XVe s.
   Iceulz cuirs veus et cognus s'ils sont bons, loyaux et marchans, Statuts des tanneurs de Coulommiers, Bulletin du comité de la langue, t. III, p. 567.
   Moult est celle ville marchande, Bouciq. II, 16.
   Le roy faisoit bonne chere [bon visage], et se trouvoit chacun à bon marchand ; et n'estions point tant en gloire comme peu avant la bataille, COMM. VIII, 6.
   Conclud la treve pour neuf ans marchande et revenant chacun au sien, COMM. Mém. p. 310. dans LACURNE.
   Ung marchant ne vaut riens sans monnoye, Percefor. t. III, f° 114.
   XVIe s.
   Pas n'est marchant celluy qui tousjours gaigne, J. MAROT V, 231.
   Sur ce point parut un grand navire marchand.... Clermont fit tenir l'ancre à pic, esperant que Lansac, poursuivant ce marchant, viendroit au combat, D'AUB. Hist. II, 294.
   Ainsi le pauvre curé s'en alla mauvais marchand de son blé, estant blessé en la jambe, et ayant perdu sa gibeciere et son argent, DESPER. Contes, LXXXI.
   Escus marchans et ayans cours, M. DU BELL. 159.
   La dite trefve de dix ans fut conclue marchande et communicative entre les pays et subjects de leur dites majestez, M. DU BELL. 476.
   Il les faut [les dits, les discours de Plutarque] arracher de là [de leur lieu], et mettre en place marchande [développer, faire valoir]., MONT. I, 169.
   Les fagots marchands doivent estre espincez de trois pieds et demy de long, et neuf paulmes de cloyere, au rond, Nouv. coust. génér. t. II, p. 149.
   Marchand qui ne gaigne perd, COTGRAVE .
   Aujourd'hui marchand, demain meschant, ID. .
   Bonne marchandise trouve toujours son marchand, COTGRAVE .
   Rarement est et peu souvent Le vieil usurier sans argent, Ville marchande sans fin larron, Vieil grenier sans rats ou ratton, LEROUX DE LINCY Prov. t. II, p. 411.
   L'ancienne forme est marcheant ; ital. mercadante ; du verbe bas-latin mercadare, dérivé, par mercatum, du latin mercari, de merx, marchandise. Mercari, dénominatif de merx, est rapproché par Curtius et Corssen (Beitr. p. 111) de merere ( 2nd e long), soit que merx veuille dire ce qui le mérite [un prix], soit plutôt que merere y soit pris dans son sens originaire, avoir en partage (comparez le grec) ; alors merx signifierait simplement une chose partageable, une part distribuable, idée fondamentale de la marchandise.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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