- licence
- (li-san-s') s. f.1° Liberté de faire donnée par permission.• N'ai-je point à rougir de cette déférence Qui d'un combat illustre achète la licence ?, CORN. D. Sanche, II, 3.• Faites parler les droits qu'on a dessus mon coeur, Je vous en donne la licence, MOL. le Dép. I, 2.• Et je vous viens, monsieur, avec votre licence, Signifier l'exploit de certaine ordonnance...., MOL. Tart. V, 4.• Hélas ! Ils se voyaient avec pleine licence ; Le ciel de leurs soupirs approuvait l'innocence, RAC. Phèdre, IV, 6.Il vieillit en ce sens. Cependant on dirait encore très bien, comme Racine, pleine licence.2° Permission spéciale pour exporter ou importer ou pour vendre certaines marchandises. Lors du blocus continental, Napoléon 1er donnait des licences pour introduire les marchandises anglaises.Terme de pêche. Concession faite de gré à gré par les agents de l'administration des eaux et forêts, du droit d'exploiter un cantonnement de pêche sur un fleuve ou sur une rivière navigable.3° Terme universitaire. Degré entre celui de bachelier et celui de docteur.• Enfin, à force de battre le fer, il en est venu glorieusement à avoir ses licences, MOL. Mal. imag. II, 6.Aujourd'hui, on ne dit plus ses licences, on dit sa licence, à moins qu'il ne s'agisse collectivement de la licence ès lettres, de la licence ès sciences, etc. Les quatre licences.Temps que l'on passait sur les bancs avant de pouvoir devenir licencié.Licence, nom donné, dans la faculté de théologie, aux deux ans que les bacheliers passaient sur les bancs, pour fournir des preuves de leur capacité avant d'être reçus docteurs.• Le cardinal de Guise n'a jamais été que sous-diacre et n'avait jamais songé à entrer en licence, SAINT-SIMON 58, 226.• Il [le cardinal de Fleury] commença sa licence en 1676 ; mais il ne prit le bonnet de docteur que longtemps après, MAIRAN Élog. du card. Fleury..Les licences universitaires ont été ainsi nommées parce qu'elles donnaient la licence, la permission d'enseigner, de plaider, de traiter les malades, etc.4° Trop grande liberté, contraire au respect, à la retenue, à la modestie.• Il faut qu'enfin quelqu'un réprime ses licences, ROTR. Vencesl. III, 2.• Qui donc est ce coquin qui prend tant de licence Que de chanter et m'étourdir ainsi ?, MOL. Amph. I, 2.• Ils vous l'ont dit [qu'ils vous aimaient] ? - Aucun n'a pris cette licence, MOL. Femm. sav. II, 3.• Mon mari avait le fonds excellent ; je l'avais corrigé de ses licences, MAINTENON Lett. à Mlle de l'Enclos, 8 mars 1666.• Je sais sur ma conduite et contre ma puissance Jusqu'où de leurs discours ils portent la licence, RAC. Athal. II, 5.5° Déréglement moral, insubordination.• Arrêter la licence par la terreur des supplices, PATRU Plaid. 10, dans RICHELET.• La licence qu'on a prise d'ébranler les règles, PASC. Prov. X..• Comme la république avait son faible inévitable, c'est-à-dire la jalousie entre le peuple et le sénat, la monarchie des Césars avait aussi le sien, et le faible était la licence des soldats qui les avaient faits, BOSSUET Hist. III, 7.• N'a-t-il pas eu, dans la licence même de la guerre, une constante et scrupuleuse retenue ?, FLÉCH. Duc de Mont..• Enfin de la licence [de la comédie] on arrêta le cours, BOILEAU Art p. III.• Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés ; Et jamais on n'a vu la timide innocence Passer subitement à l'extrême licence, RAC. Phèdre, IV, 2.• Quel frein pourrait d'un peuple arrêter la licence ?, RAC. IV, 4.• Cette jeunesse vécut avec une licence sans bornes, FÉN. Tél. X..• Cette ville est toujours dans la licence, MONTESQ. Esp. VIII, 2.• Turenne laissa toujours à ses soldats une assez grande licence, VOLT. Lett. Colini, 21 oct. 1767.• Plongé dans la licence, au vice abandonné, VOLT. Triumv. II, 1.• La liberté n'est pas toujours licence, VOLT. la Prude, II, 1.6° Terme de littérature. Ce qui se fait contre les règles exactes de l'art. Il y a d'heureuses licences qui plaisent plus que l'observation des règles.• Alors qu'une oeuvre brille, et d'art et de science, La verve quelquefois s'égare en la licence, RÉGNIER Sat. IX..• C'est sur ces exemples [de Grotius et la Passion, de Buchanan et l'histoire de Jephté] que j'ai hasardé ce poëme, où je me suis donné des licences qu'ils n'ont pas prises, CORN. Exam. de Poly..• Purger notre théâtre des ordures que les premiers siècles y avaient comme incorporées, et des licences que les derniers y avaient souffertes, CORN. Imit. Ép. au pape Alexandre VII.• Si l'on veut s'arrêter aux licences de la conversation, c'est le vrai moyen d'estropier la langue à tout moment, D'OLIVET Ess. gramm. 2e sect. § 6.Licence poétique, impropriété dans les termes, irrégularité dans la construction, la dérivation et la syntaxe qu'on tolère chez les poëtes, comme :• est-ce pas vous ? pour n'est-ce pas vous ? Monsieur, la poésie a ses licences, mais Celle-ci passe un peu les bornes que j'y mets, PIRON Métrom. V, 6.Fig. et familièrement.• Gardez-vous bien de lâcher le moindre mot qui puisse faire connaître au bon d'Hacqueville que je vous ai envoyé sa lettre ; vous le connaissez, la rigueur de son exactitude ne comprendrait point cette licence poétique, SÉV. 1er janv. 1676.Il se dit avec le même sens, en peinture, en sculpture, en architecture, en musique. Les colonnes accouplées ont été une licence en architecture.7° Au plur. Traits de plume hardis, composés pour orner les pages d'écriture.XIIe s.• Madoc bailla les lettres, qui de l'aler contence ; Il les bailla la pape [au pape] quant il en out licence, Th. le mart. 112.XIIIe s.• Li rois commende que nus ne soit semons qui n'ait licence de venir à son jor, Liv. de jost. 93.• Dame, à moi vous serez confesse, Car cil freres n'a pas licence De vous enjoindre penitence, RUTEB. 267.XIVe s.• Et en toutes autres commutacions, desqueles faire la loy donne licence, ORESME Eth. 149.• Lesquels se complegnoient les uns aus autres, de ce dont il avoient perdu celle licence et maniere de vivre, BERCHEURE f° 28, recto..XVIe s.• Ilz abandonnerent de tout poinct la ville, appellans servitude le non avoir pleine licence de pouvoir vivre entierement à leur plaisir, AMYOT Pyrrh. 33.• En pleine licence de divorces, il se passa 500 ans avant que nul s'en servist, MONT. III, 6.• Chacun desireux de voir, l'un son frere, l'autre son oncle, demandoit licence aux superieurs, LANOUE 557.Provenç. licencia ; catal. llicencia ; espagn. licencia ; ital. licenzia ; du lat. licentia, de licere, être permis (voy. licet).
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.