- accabler
- (a-ka-blé) v. a.1° Faire succomber sous. Accabler de coups de poing. Être accablé sous un fardeau. Ce fardeau énorme vous accable, quelque fort que vous soyez. Le poids des entreprises qu'il a commencées l'accable. Ses dettes finiront par l'accabler. Il fut accablé par la chute d'un rocher.• J'irai sous mes cyprès accabler ses lauriers, CORN. Cid, IV, 2.• Leurs membres décharnés courbent sous mes hauts faits, Et la gloire du trône accable les sujets, CORN. Prol. de la Toison d'or, 1.• Sous tant de morts, sous Troie, il fallait l'accabler, RAC. Andr. I, 1.2° Vaincre, ruiner, faire succomber. Il a été accablé par le nombre des ennemis. Ce désastre les accabla. Accabler un innocent. Ce dernier témoignage l'accabla. Accabler l'ennemi. Ainsi tout m'accable à la fois. Il a accablé ses adversaires de tant d'arguments. Je suis assez puni ; ne m'accablez pas.• Rome.... ne désarma point sa fureur vengeresse Qu'elle n'eût accablé l'amant et la maîtresse, RAC. Bér. II, 2.• C'en est fait, le cruel n'a plus rien qui l'arrête ; Le coup qu'on m'a prédit va tomber sur ma tête ; Il vous accablera vous-même à votre tour, RACINE Brit. V, 7.• Fuyons tous deux, fuyons un spectacle funeste, Qui de notre constance accablerait le reste, RACINE Bér. III, 1.• Quand je verrai ces yeux armés de tous leurs charmes, Attachés sur les miens, m'accabler de leurs larmes, RACINE Bérén. IV, 5.• Ne rougissez-vous pas d'accabler ma misère ?, VOLT. Orphel. IV, 4.• Est-il donc permis de se mettre si aisément au hasard de la violer, cette justice qu'on ne connaît pas, et qui peut être toute pour une partie adverse que l'on accable ?, BOURD. Pensées, t. II, p. 260.• Tout cela formera contre lui un témoignage qui l'accablera et qui ne lui laissera nulle excuse pour se justifier, BOURD. ib. p. 431.3° Fig. Il est accablé de maladies. Un si grand malheur m'accable. Je suis si accablé de douleur que.... On l'accable d'injures, d'outrages. Accabler quelqu'un de questions. Depuis qu'il est en place, ses connaissances l'accablent de sollicitations.• Le sommeil l'accablait Le combat qu'elle [la vertu] soutient au dedans contre tant de tentations qui accablent la nature humaine, BOSSUET Reine d'Angleterre..• L'ambition, l'amour, le dépit, tout m'accable, VOLT. Brut. II, 1.• Et plus vous la pouvez accabler d'infamie, CORN. Nic. III, 4.• Le poids de mes habitudes m'accable, la multitude et la grièveté de mes offenses m'effraye, BOURD. Pensées, t. II, p. 159.• S'il pouvait apprendre que son fils ne sait imiter ni sa patience ni son courage, cette nouvelle l'accablerait de honte, et lui serait plus rude que tous les malheurs qu'il souffre depuis si longtemps, FÉN. Tél. II.• La mort de M. de Guise dont je suis accablée, SÉV. 73.Absolument.• Cette nouvelle accable, SÉV. 147.4° Être à charge.• Et sans doute elle attend le moment favorable Pour disparaître aux yeux d'une cour qui l'accable, RAC. Bér. I, 3.• Je me suis laissé accabler de visites, SÉV. 463.• Un homme de ce caractère nous accabla pendant deux heures de lui, de son mérite, MONTESQ. Lett. pers. 50.5° Charger en bonne part. Accabler de biens, de louanges, de politesses.• Ceux au contraire que la fortune, aveugle, sans choix et sans discernement, a comme accablés de ses bienfaits, en jouissent avec orgueil et sans modération, LA BRUY. 11.• Il me comble d'honneurs, il m'accable de biens, CORN. Cinna, III, 3.• Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ; Je t'en avais comblé, je t'en veux accabler, CORN. Cinna, V, 3.• Je sais ce que je dois au souverain bonheur Dont me comble et m'accable un tel excès d'honneur, CORN. Mort de P. IV, 5.• Madame, achevez donc de m'accabler de joie, CORN. Perth. III, 3.6° Absolument. Vous m'accablez, vous êtes trop bon, trop poli, etc.7° S'accabler, v. réfl. Il ne faut pas s'accabler de travail.• Ne vous accablez pas d'inutiles douleurs, RAC. Alex. IV, 2.ACCABLER, OPPRIMER, OPPRESSER. Accabler exprime l'idée la plus générale ; il veut dire simple ment faire succomber sous le poids ; il se prend en bonne et en mauvaise part : accabler de chagrin, accabler de bienfaits. Les Romains accablèrent les Carthaginois. Opprimer ne se prend qu'en mauvaise part : le fort opprime le faible ; un roi opprime ses sujets ; un tyran domestique opprime sa femme et ses enfants. Oppresser n'indique qu'une action physique : une respiration gênée est oppressée ; oppressé par la douleur. De ce côté, oppresser redevient équivalent à accabler, sauf que oppresser indique plutôt la gêne de la suffocation, et accabler l'anéantissement des forces. C'est l'usage seul qui a introduit une différence entre opprimer et oppresser ; car ils sont de même origine, si bien que l'oppresseur est non pas celui qui oppresse, mais celui qui opprime.XVe s.• Raoulin vint au suppliant, l'achabla et tira à terre, DU CANGE cabulus..XVIe s.• Des arbres qui aient suffisante force pour soutenir la vigne sans s'accabler eux-mesmes, O. DE SERRES 192.• Le comble de la galerie tumba sur les garsons qui estoient demourés dessous, et les accabla tous, AMYOT Cimon, 29.À et ancien français caabler. DU CANGE, au mot cité, rapporte ceci : De abattre à terre, que l'on appelle caable ; ce qui est traduit en latin : De prostratione ad terram quod quadablum (ou cadabalum) dicitur. Caabler ou chaabler veut donc dire renverser, et il vient du bas-latin cadabalum ou chadabula, en vieux français, chaable qui signifie une machine de guerre (voy. chablis).
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.