- haine
- (hê-n') s. f.1° Action de haïr.• Au lieu de répondre par la haine à la haine que me portent mes rivaux, je sens que je dois me venger d'eux en leur faisant du bien et du plaisir, POUSSIN Lett. 6 juin 1642.• La haine que les coeurs conservent au dedans Nourrit des feux cachés, mais d'autant plus ardents, CORN. Cid, II, 3.• Je n'ai reçu de vous que mépris et que haine, CORN. Pomp. I, 3.• La haine entre les grands se calme rarement, CORN. Rodog. I, 7.• La haine confond tout, et, quoiqu'on lui propose, En son propre aliment convertit toute chose, ROTR. Bélis. IV, 1.• L'absence est aussi bien un remède à la haine Qu'un appareil contre l'amour, LA FONT. Fabl. X, 12.• Mais pour vingt mille francs j'aurai droit de pester Contre l'iniquité de la nature humaine, Et de nourrir pour elle une immortelle naine, MOL. Mis. V, 1.• Ils ont en cette ville une haine effroyable pour les gens de votre pays, MOL. Pourc. III, 2.• Ces haines vigoureuses Que doit donner le vice aux âmes vertueuses, MOL. Mis. I, 1.• Il concevait une haine implacable contre les Romains, BOSSUET Hist. I, 8.• Une haine se mit entre les deux peuples, BOSSUET ib..• La haine irréconciliable qu'ont les hommes vicieux contre ceux qui déclarent la guerre aux vices, FLÉCH. Panég. II, p. 210.• Nous avons l'un et l'autre une haine obstinée, RAC. Théb. IV, 1.• Combien je vais sur moi faire éclater de haines !, RAC. Andr. III, 7.• Quoi ? vous le soupçonnez d'une haine couverte !, RAC. Brit. V, 1.• N'allons point nous charger d'une haine immortelle, RAC. Bérén. III, 2.• .... Quelle haine endurcie Pourrait en vous voyant n'être pas adoucie ?, RAC. Phèdre, II, 2.• L'envie et la haine s'unissent toujours, et se fortifient l'une l'autre dans un même sujet ; et elles ne sont reconnaissables entre elles qu'en ce que l'une s'attache à la personne, l'autre à l'état et à la condition, LA BRUY. XI.• L'amitié dort, la haine veille, FAVART Soliman II, II, 3.• La colère est une haine ouverte et passagère ; la haine, une colère retenue et suivie, DUCLOS Consid. moeurs, 14.• Soleil si doux au déclin de l'automne, Arbres jaunis, je viens vous voir encor, N'espérant pas que la haine pardonne à mes chansons leur trop rapide essor, BÉRANG. Adieu..• L'avant-garde laissa au corps qui la suivait le soin de les ramasser [des soldats russes restés à Moscou] ; ceux-là à d'autres, et ainsi de suite ; de sorte qu'ils restèrent libres au milieu de nous, jusqu'à ce que, l'incendie et le pillage leur ayant marqué leur devoir et les ayant tous ralliés dans une même haine, ils allèrent rejoindre Kutusof, <
Hist. de Nap. VIII, 5.Familièrement. Haine de prêtre, haine implacable.• Ils [Calvin et Servet] disputèrent par lettres ; de la dispute, Calvin passa aux injures, et des injures à cette haine théologique, la plus implacable de toutes les haines, VOLT. Moeurs, 134.La Haine est quelquefois personnifiée, et alors le mot prend une majuscule.• Venez, venez, Haine implacable, Sortez du gouffre épouvantable Où vous faites régner une éternelle horreur, QUINAULT Armide, III, 3.Objet de la haine.• Vous êtes son amour, craignez d'être sa haine, CORN. Tite et Bérén..Activement. La haine de..., sentiment éprouvé contre. La haine des tyrans.• Cette vie de foi, de violence, de renoncement, de haine de soi-même, qui fait comme le fonds de la pénitence et de la piété chrétienne, ils ne la connaissent pas, MASS. Carême, D. prosp. tempor..Passivement. Haine de..., sentiment éprouvé par.• Je dois plus à leur haine [de mes ennemis], il faut que je l'avoue, Qu'au faible et vain talent dont la France me loue, BOILEAU Épître VII.• Mais sa haine sur vous autrefois attachée Ou s'est évanouie, ou s'est bien relâchée, RAC. Phèdre, I, 1.• Si la haine peut seule attirer votre haine, RAC. ib. II, 5.• Qu'il est aisé de supposer de nouveaux crimes à ceux qui sont chargés de la haine d'un parti !, VOLT. Moeurs, Rem. XIV.Haines nationales, inimitiés des peuples entre eux.• Tel est donc un des effets de la haine nationale : on aime mieux se priver d'un bien que de le devoir à des étrangers, RAYNAL Hist. phil. IX, 3.• On ne connaît pas de haine nationale plus profonde et plus active que celle des Portugais pour l'Espagne, RAYNAL ib. IX, 3.Terme de théologie. Haine d'abomination, l'horreur pour le péché, sans aversion néanmoins pour la personne du pécheur.2° Sentiment d'aversion qu'on éprouve pour certaines choses. La haine du changement.• Ce sont là toutes choses que j'ai en haine, dit le Seigneur, SACI Bible, Zachar. VIII, 19.• Une doctrine qui les engageait à la haine du monde, FLÉCH. Serm. t. I, p. 194.• Je vous demande la haine du péché, une horreur éternelle de l'impiété et du libertinage, BOURDALOUE Instruct. sur la communion, Exhort. t. II, p. 469.• J'ai pris la vie en haine et ma flamme en horreur, RAC. Phèdre, I, 3.• .... Je crois surtout avoir fait éclater La haine des forfaits qu'on ose m'imputer, RAC. ib. IV, 2.• Rome à ce nom [de roi], si noble et si saint autrefois, Attacha pour jamais une haine puissante, RAC. Bérén..• Mon coeur en belle haine A pris la liberté, BÉRANG. Liberté..Quand il s'agit de choses, tandis que haïr se dit même des répugnances physiques, par ex. haïr le froid, haine ne se dit que des grandes aversions morales, et l'on ne dirait pas la haine du froid.3° Ce qu'il y a d'odieux, l'odieux.• S'il y avait quelque bataille perdue, s'il arrivait quelque inondation ou quelque sécheresse, on les chargeait [les chrétiens] de la haine de toutes les calamités publiques, BOSSUET Précis d'un 2e panég. de saint Gorgon.• Pour se donner la gloire de la réussite, et pour détourner sur les autres la haine d'un mauvais succès, LA BRUY. II.4° En haine de, loc. prép. En haïssant, par animosité contre.• En haine de ce que son mari avait épousé Rodogune, CORN. Ex. de Rodog..• En haine de cet empereur, Dèce, qui le tua, renouvela la persécution avec plus de violence que jamais, BOSSUET Hist. I, 10.• C'est en haine des Juifs et d'Esdras, et en haine du premier et du second temple qu'ils [les Samaritains] ont inventé leur chimère de Garizim, BOSSUET ib. II, 13.XIIIe s.• Bien lui monstra Constance qu'à lui n'a pas haïne [qu'elle n'a pas de haine contre elle], Berte, LVI.• Se li parrastres ou le [la] marrastre mainent malvese vie as enfans, ou qu'il lor monstre sanllant de hayne, BEAUMANOIR XXI, 15.XIVe s.• Adès [toujours] ha vielle haine novele mort portée, Girart de Ross. V. 885.XVe s.• Si s'engendrerent et nourrirent en Gascogne, pour ces besognes, plusieurs haines couvertes, dont plusieurs meschefs depuis en naquirent, FROISS. II, II, 2.• Long conseil orgueil et envie, Grant haïne, et petit confort, E. DESCH. Du noble royaume de France..• Pour la grant hayne qu'ilz avoient audit connestable, COMM. IV, 12.XVIe s.• La haine n'est qu'ire enracinée, CALV. Instit. 302.• Je n'eusse rapporté du college que la haine des livres, MONT. I, 197.• Nous ne hayssons rien de ce que nous debvons ; car, s'il y a quelque chose à hayr en ce monde, c'est la hayne mesme, CHARRON Sagesse, I, 27.• Haine de prince signifie mort d'homme, COTGRAVE .• Nul bien sans haine, ID. .Wall. haïme, hèïme (voy. haïr). L'ancien français avait haür et haenge à côté de haine. Haïne, d'où par contraction haine, vient de haïr, comme saisine de saisir. Quant au wallon haïme, l'm y est sans doute pour n, comme dans rancume et rancune. L'ancien haenge représente une forme fictive hademia ; enge équivalant au latin emia, comme on le voit dans vendange de vindemia.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.