grossier

grossier
grossier, ière
(grô-sié, siè-r') adj.
   Mot formé de gros, qu'on applique presque toujours avec un sens défavorable à ce qui manque de ténuité, de finesse, de délicatesse. Un air grossier. Les parties les plus grossières d'une liqueur.
   L'autre déploie sur celle des deux tables qui était vacante, un linge un peu grossier, mais blanc, MARMONTEL Mém. VI.
   Vêtements grossiers, ceux qui sont faits d'une étoffe grosse et de peu de valeur. Vapeurs grossières, celles qui paraissent composées de grosses parties parce qu'elles détruisent la transparence de l'air.
   Traits grossiers, ceux qui, sans être irréguliers, n'ont pas la finesse ou la grâce des jolies figures.
   Terme de minéralogie. Se dit d'un corps quand il a un air de rudesse joint à l'opacité.
   Il se dit des aliments peu recherchés, ou de mauvaise qualité. Aliments grossiers. Nourriture grossière.
   Qui n'est pas délicatement fait, proprement fait. Ce bâtiment est d'une architecture grossière. Un travail grossier.
   Il faut convenir avec eux que ces corps plaisent plus à la vue que des figures grossières, où l'on n'aperçoit ni uniformité, ni symétrie, ni unité, DIDER. Rech. philos. sur le beau, Oeuv. t. II, p. 424. dans POUGENS..
   Par extension. Un essai grossier. Imitation grossière.
   Grossière ébauche, ROTR. Bélis. III, 7.
   Fig. Il se dit de ce qui n'a rien de délicat, au moral.
   Mais au lieu de goûter ces grossières amorces...., CORN. Cinna, V, 3.
   Que ce discours grossier terriblement assomme !, MOL. Femm. sav. II, 7.
   Cette privation de toutes pensées raisonnables et cette application totale de l'âme à un objet grossier, vain et inutile, est ce qui fait le plaisir de tous les jeux, NICOLE Ess. mor. 1er traité, chap. 14.
   Ils [les prodiges] sont l'appât grossier des peuples ignorants, VOLT. Sémiram. II, 7.
   Les plaisirs grossiers, les plaisirs que peuvent goûter les hommes les plus bornés, même les animaux, par opposition aux plaisirs délicats qui demandent une certaine élévation ou culture d'esprit.
   On dit dans le même sens : des désirs grossiers, des appétits grossiers.
   Fig. Mal poli, inculte de moeurs et d'esprit.
   N'apprendras-tu jamais, âme basse et grossière...., CORN. Rodog. II, 2.
   Villon fut le premier dans ces siècles grossiers...., BOILEAU Art p. I.
   Nous regardons l'idolâtrie comme la religion des peuples grossiers, et la religion qui a pour objet un être spirituel, comme celle des peuples éclairés, MONTESQ. Esp. XV, 2.
   Je fus instruite en ce grossier climat à suivre la vertu sans en chercher l'éclat, VOLT. Alz. IV, 3.
   Tu verras de chameaux un grossier conducteur, VOLT. Fanat. I, 4.
   Je viens après mille ans changer ces lois grossières, VOLT. ib. II, 5.
   De nos travaux grossiers les compagnes sauvages Partageaient l'âpreté de nos mâles courages, VOLT. Orphel. II, 6.
   Substantivement.
   Dans les promesses de l'Évangile, il ne se parle plus des biens temporels par lesquels l'on attirait ces grossiers [les Juifs], ou l'on amusait ces enfants, BOSSUET Sermons, Septuag. 1.
   Qui suppose ignorance, sottise, maladresse.
   Flatteuse illusion, erreur douce et grossière, CORN. Hor. III, 1.
   Abus grossier, ROTR. St Gen. V, 2.
   Osez-vous recourir à ces ruses grossières ?, MOL. Mis. IV, 3.
   Je veux bien en finissant cet avertissement, parmi les absurdités infinies de ses vains discours, en relever quatre ou cinq des plus grossières, BOSSUET 5e avert. § 49.
   ....L'artifice est grossier, Tu te feins criminel pour te justifier, RAC. Phèd. IV, 2.
   Ses contemporains, qui adoptaient les fables les plus grossières, ne crurent point les vérités que Marc Paul annonçait, VOLT. Moeurs, 142.
   Ignorance grossière, grande, profonde ignorance.
   N'avoir de quelque chose qu'une idée grossière, que des notions grossières, n'avoir de cette chose qu'une connaissance sommaire et imparfaite.
   Dans un sens analogue : Ne donner qu'une idée grossière de quelque chose.
   Incivil, malhonnête. Un grossier personnage.
   Je vous pardonne d'être un ignorant, mais je ne vous pardonne pas d'être un homme très grossier, qui a l'insolence de mêler dans cette querelle et de nommer des gens qui ne devaient pas s'y attendre, VOLT. Quest. miracl. Lett. 4.
   Il est grossier comme du pain d'orge, il est très grossier ; expression familière fondée sur le double sens du mot grossier, qui se prend au moral pour la personne, et au physique pour le pain.
   Substantivement. C'est un grossier. Quel langage tient cette grossière !
   Injures grossières, injures qui consistent en termes insultants et bas.
   Un défaut considérable qui en peut ternir beaucoup l'éclat [des harangues de Démosthène et d'Eschine], et qui me paraît contraire aux règles de la saine et bonne éloquence, ce sont les injures grossières que ces orateurs se disent de part et d'autre, ROLLIN Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 130, dans POUGENS.
   On dit dans un sens analogue : langage grossier, propos grossiers.
   Obscène. Il était grossier dans ses propos.
   Lucien, tout ingénieux qu'il est, devient grossier sitôt qu'il parle d'amour, ST-ÉVREMONT dans RICHELET.
   Discours, propos grossiers, discours, propos contraires à la bienséance, à la pudeur.
   Marchand grossier. Cette locution vieillit ; on dit marchand en gros.
   S. m. Ce qui est grossier.
   Le grossier et le bas, BOSSUET 6e avert. 44.
   XIIIe s.
   Ne peut estre grossiers [taillandier], que il n'achate le mestier du roy, Liv. des mét. 44.
   XVIe s.
   Les rencontres et brocards d'Antonius estoient fort grossiers, AMYOT Anton. 32.
   Il estoit grossier et peu subtil de nature, AMYOT ib. 29.
   Un marchand grossier [en gros], demeurant rue Sainct Denys, à l'enseigne du gros Tournois...., PARÉ t. III, p. 683.
   Gros ; Berry, groussier, qui a de l'embonpoint : une jolie fille bien groussiere et bien fraîche ; provenç. grossier ; catal. grosser ; espagn. grosero ; portug. grosseiro ; ital. grossiere, grossiero.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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