glacer

glacer
(gla-sé. Le c prend une cédille devant a et o : je glaçais, nous glaçons) v. a.
   Changer en glace les liquides. Le grand froid glace le vin même.
   Le fleuve était pris, il portait : le cours des glaçons que jusque-là il charriait, s'était suspendu ; l'hiver avait achevé de le glacer ; et c'était sur ce point seulement ; au-dessus et au-dessous, sa surface était mobile encore, SÉGUR Hist. de Nap. x, 8.
   Par extension, causer une vive sensation de froid. Ce vent glace le visage.
   La vie est-elle toute aux ennuis condamnée ? L'hiver ne glace point tous les mois de l'année, A. CHÉNIER Élég. XXVII.
   Fig. Il se dit de la mort qui éteint la chaleur naturelle, de l'âge qui la diminue.
   Tandis que dans son sein votre bras enfoncé Cherche un reste de sang que l'âge avait glacé, RAC. Andr. IV, 5.
   L'approche de la mort Glaça sa faible main...., VOLT. Sémir. IV, 2.
   Un coeur que les ans ont glacé, un coeur à qui l'âge a fait perdre de sa sensibilité.
   Ce coeur triste et flétri que les ans ont glacé, VOLT. Fanat. I, 1.
   Causer de la répulsion par le froid des manières. Son abord glace les gens.
   Causer le froid de l'ennui.
   J'aime mieux Bergerac et sa burlesque audace Que ces vers où Motin se morfond et nous glace, BOILEAU Art p. IV.
   Absolument. Cet orateur a un débit qui glace, c'est-à-dire dont la monotonie fatigue et ennuie.
   Causer une profonde impression morale qui glace, qui pétrifie.
   Voici ce qui glacera le coeur, ce qui achèvera d'éteindre la voix, ce qui répandra la frayeur dans toutes les veines : je m'en vais voir comment Dieu me traitera, BOSSUET Anne de Gonz..
   L'approche d'un combat qui le glaçait d'effroi, RAC. Théb. III, 3.
   Les amis de mon père Sont autant d'inconnus que glace ma misère, RAC. Brit. I, 4.
   Pourquoi frémir ? et quel trouble soudain Me glace à cet objet, et fait trembler ma main ?, RAC. Bajaz. IV, 5.
   Les Romains, qui partout l'appuyaient par des cris, Ont, par ce bruit fatal, glacé tous les esprits, RAC. Mithr. v, 4.
   Ses froids embrassements ont glacé ma tendresse, RAC. Phèdre, IV, 1.
   Le remords au dedans le glace, RAC. Esth. II, 9.
   Quoi ! la peur a glacé mes indignes soldats !, RAC. Athal. V, 5.
   Par ces doutes affreux vous me glacez d'horreur, LA MOTTE Inès, III, 6.
   Vous me glacez de crainte en me parlant d'amour, VOLT. Zaïre, IV, 6.
   Toujours un froid mortel glace mon courage, J. J. ROUSS. Hél. I, 2.
   Cent présages affreux la glacent d'épouvante, DELILLE Énéide, IV.
   L'effroi dans tous les coeurs a glacé la vertu, C. DELAV. Vêpr. sicil. III, 7.
   Fig. Glacer le sang, causer une émotion pénible et si forte que le mouvement du sang en semble arrêté.
   Dont la seule présence glaçait le sang dans les veines des suppliants, MASS. Pet. car. Hum..
   Glacer l'esprit, lui ôter la faculté de produire ses oeuvres.
   Ai-je par un écrit Pétrifié sa veine et glacé son esprit ?, BOILEAU Sat. IX..
   Cette inquisition enchaîne et glace tous les esprits, D'ALEMB. Lett. au roi de Pr. 3 nov. 1780.
   On dit de même : glacer l'imagination.
   Terme de peinture. Étendre une couleur légère et transparente sur une autre, pour lui donner de l'éclat.
   Donner un apprêt, un lustre à certaines étoffes, au papier, etc.
   Couvrir d'une couche de sucre. Glacer des oranges, des biscuits, des confitures.
   Couvrir certains mets d'une gelée de viande lisse et transparente. Glacer des viandes, des fricandeaux.
   Terme de tailleur. Glacer une doublure de taffetas sur une étoffe, coudre de telle sorte la doublure et l'étoffe que l'une et l'autre tiennent proprement et uniment ensemble.
10°   Glacer un soulier, le cirer avec un cirage clair et luisant.
11°   V. n. Devenir glacé. Les sources d'eau vive ne glacent jamais.
12°   Se glacer, V. réfl. Être congelé.
   La hauteur à laquelle les vapeurs se glacent est d'environ 2400 toises sous la zone torride, et, en France, de 1500 toises, BUFF. Addit. théor. terr. Oeuv. t. XII, p. 436, dans POUGENS..
   Leur sang, se glaçant dans leurs veines, comme les eaux dans le cours des ruisseaux, alanguissait leur coeur, puis il refluait vers leur tête ; alors ces moribonds chancelaient comme dans un état d'ivresse, SÉGUR Hist. de Nap. XII, 2.
   Fig.
   Tout mon sang de frayeur dans mes veines se glace, MAIRET Mort d'Asdr. IV, 5.
   Que si la frayeur nous saisit de sorte que le sang se glace si fort que le corps tombe en défaillance, BOSSUET Conn. III, 11.
   Je sentis dans mon corps tout mon sang se glacer, RAC. Iphig. I, 1.
   Mais sa langue en sa bouche à l'instant s'est glacée, RAC. Athal. II, 2.
   Fig. Se glacer, perdre de son feu, de son ardeur, de sa vigueur.
   Faudra-t-il sur sa gloire [de Louis XIV] attendre à m'exercer Que ma tremblante voix commence à se glacer ?, BOILEAU Épît. I.
   XIIe s.
   La rien [chose] qui plus el quor [coeur] me glace, BENOÎT II, 13886.
   XIIIe s.
   Nostres sires Diex fait glacier l'eve à semblance de cristal, Psautier, f° 177.
   Glace ; provenç. glassar, glachar ; ital. ghiacciare. Glacer, glacier avait aussi, dans l'ancienne langue, le sens de glisser.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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  • glacer — [ glase ] v. tr. <conjug. : 3> • fin XVe; glacier « glisser » v. 1165; lat. glaciare, bas lat. glacia → glace 1 ♦ Rare Convertir (un liquide) en glace. ⇒ congeler, geler. Fig. et littér. Loc. Glacer le sang : saisir d une émotion si forte… …   Encyclopédie Universelle

  • glacer — Glacer. v. a. Il ne se dit que du froid qui congele, & endurcit l eau & d autres liqueurs. Le grand froid a glacé les rivieres. Il est aussi n. & quelquefois n. pass. Les fontaines d eau vive ne glacent point, ne se glacent jamais. On dit fig.… …   Dictionnaire de l'Académie française

  • glacer — Glacer, Glaciare. Se glacer, Glaciari, Conglaciare. Glacé de tous costez, Circongelatus …   Thresor de la langue françoyse

  • GLACER — v. a. Il ne se dit proprement que De l action par laquelle le froid fait congeler l eau ou d autres liquides. Le grand froid glace les rivières, glace le vin même. Faire glacer du sorbet.   Il s emploie également avec le pronom personnel. L étang …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • GLACER — v. tr. Solidifier un liquide, en sorte qu’il passe à l’état de glace. Le grand froid glace les rivières, glace le vin même. SE GLACER ou intransitivement GLACER signifie Se solidifier en glace. Les fontaines d’eau vive ne glacent jamais. L’esprit …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • Glacer le sang de quelqu'un — ● Glacer le sang de quelqu un lui causer un grand effroi …   Encyclopédie Universelle

  • glacer — vt. ; figer : glyaché (Arvillard.228), glyafî, glyassî (Albanais.001). E. : Transir …   Dictionnaire Français-Savoyard

  • se glacer — ● se glacer verbe pronominal être glacé verbe passif Avoir très froid, être gelé : Avoir les mains glacées. ● se glacer (expressions) verbe pronominal être glacé verbe passif Avoir le sang qui se glace dans les veines, être pris d épouvante …   Encyclopédie Universelle

  • Machine à glacer — ● Machine à glacer machine de corroyeur, employée pour polir mécaniquement les cuirs et peaux tannés …   Encyclopédie Universelle

  • glacis — 1. glacis [ glasi ] n. m. • 1421; de glacer, au sens anc. de « glisser » 1 ♦ Talus incliné qui s étend en avant d une fortification. « murailles doubles [...] précédées d un glacis oblique qui favorisait le tir » (Daniel Rops). Fig. Polit. Zone… …   Encyclopédie Universelle

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