- frémir
- (fré-mir) v. n.1° Produire un bruit par l'agitation de ce qui a beaucoup de parties. J'entends frémir les flots irrités. Le feuillage frémit.Il se dit, par extension, de tout grand bruit.• S'il querelle les vents, ils n'osent plus frémir, ROTR. St Genest, III, 2.• La discorde en fureur frémit de toutes parts, RAC. Esth. Prologue..• Mais l'airain menaçant frémit de toutes parts, RAC. Athal. IV, 5.• Dans les combats, ils [les phoques] rugissent et frémissent comme le lion, et enfin dans la joie et après la victoire ils font un petit cri aigu qu'ils réitèrent plusieurs fois de suite, BUFF. Quadrup. t. XI, p. 193, dans POUGENS.• Comme un homme sauvé du naufrage sur un rocher, je contemple de ma solitude les orages qui frémissent dans le reste du monde, BERN. DE ST-PIERRE Paul et Virg..2° Éprouver un mouvement de vibration qui produit un frémissement léger, un faible murmure.• Terre, frémis d'allégresse et de crainte, RAC. Esth. III, 9.• On sait que, si dans le même instrument il y a plusieurs cordes à l'unisson ou qui fassent leurs vibrations dans le même temps, si l'on pince une de ces cordes, toutes celles qui seront à son ton frémiront à la fois, BONNET Ess. psychol. chap. 25.Il se dit aussi de l'eau qui murmure et s'agite avant de bouillir. L'eau ne tardera pas à bouillir, elle frémit déjà.La mer frémit, elle commence à s'agiter.3° Fig. Éprouver un tremblement, une sorte de vibration intérieure par l'effet de la crainte, de l'horreur, de la colère.• Nous fait frémir le coeur, nous tire de nous-mêmes, RÉGNIER Sat. XVI.• Je ne puis, sans frémir, parler des auteurs d'un si exécrable attentat, VAUGEL. Q. C. liv. VI, dans RICHELET.• Et la seule pensée en fait frémir d'horreur, CORN. Cinna, IV, 6.• D'où vient que tu frémis et que ton coeur soupire ?, CORN. Poly. II, 1.• Même l'on dit que l'ouvrier [le statuaire] Eut à peine achevé l'image, Qu'on le vit frémir le premier Et redouter son propre ouvrage, LA FONT. Fabl. IX, 6.• Son nom seul fait frémir nos veuves et nos filles, RAC. Andr. I, 2.• J'aime à vous voir frémir à ce funeste nom, RAC. Phèd. I, 3.• Ah ! combien frémira son ombre épouvantée !, RAC. ib. IV, 6.• Il faut des châtiments dont l'univers frémisse, RAC. Esth. II, 1.• Qu'ils pleurent, ô mon Dieu, qu'ils frémissent de crainte, Ces malheureux qui de ta cité sainte Ne verront point l'éternelle splendeur, RAC. Athal. II, 9.• Mais d'où vient que mon coeur frémit d'un saint effroi ?, RAC. ib. III, 7.• ....trop au-dessus d'eux, je leur puis pardonner De frémir sous le joug que je veux leur donner, VOLT. M. de Cés. I, 4.• Plusieurs protestants étaient à table ; les uns se plaignaient amèrement [à la révocation de l'édit de Nantes], d'autres frémissaient de colère, VOLT. l'Ingénu, 8.• Les anciens ne s'étaient pas contentés de faire du cygne un chantre merveilleux ; seul entre tous les êtres qui frémissent à l'aspect de leur destruction, il chantait encore au moment de son agonie, et préludait par des sons harmonieux à son dernier soupir, BUFF. Ois. t. XVII, p. 39, dans POUGENS.• Mon coeur frémit de joie, DUCIS Macbeth, II, 3.• Elle frémit de tous ses membres, et sûrement l'approche de l'échafaud ne lui aurait pas causé plus d'effroi, STAËL Corinne, XVI, 3.Il se dit avec de et un infinitif.• Et déjà, tout confus, croyant midi sonné, En soi-même frémit de n'avoir pas dîné, BOILEAU Lutr. IV.• Honteux et frémissant de vous interroger, VOLT. Tancr. III, 4.Fig.• Je vois que sa vertu frémit de leur fureur, RAC. Brit. IV, 3.• Bassesses dont votre orgueil frémit en secret, MASS. Carême, Culte..• Lorsqu'elle [la magistrature japonaise] a fait exposer les femmes nues, elle a fait frémir la pudeur, MONTESQ. Esp. XII, 14.• On m'en a envoyé des morceaux indignement falsifiés qui font frémir le bon goût et la décence, VOLT. Lett. Richelieu, 26 mai 1755.Cela fait frémir la nature, se dit de ce qui cause beaucoup d'horreur. Un spectacle à faire frémir la nature.XIIe s.• Pur quei fremirent les genz, et li pople purpenserent vaines coses ?, Liber psalm. p. 1.• Paien fremissent, l'ost est espoentée, Ronc. p. 66.• [Il] Voit toute l'ost à une voiz fremir, ib. p. 155.• De la manace Deu puet altrement fremir Quiqu'unques...., Th. le mart. 91.• Quant il l'oï, la char l'en prist tute à fremir, ib. 35.• Nos savons ke les lenges [langues] des anceles fremissent quant la dame n'i est mie, Job, p. 496.XIIIe s.• Sachiés qu'il n'i ot si hardi à qui la char ne fremesist, VILLEH. LXI.• Quant l'entendi la vieille, de la paour fremist, Berte, XCI.• Si te fremira tous li sans, Parole te faudra et sens, Quant tu cuideras commencier, la Rose, 2407.XIVe s.• Le pueple fermisoit et se douloit de leur servitude, BERCHEURE f. 12.• Prenez de l'eau et mettez fremir [sur le feu jusqu'à ce qu'elle frémisse], Ménagier, II, 5.XVe s.• Qui donc vit fremir gens et appeler l'un l'autre, et querir piece de terre pour mieux loger.... voir pust grand triboulement, FROISS. I, I, 162.• Le roi qui tout fremissoit d'ire et de mautalent...., FROISS. I, I, 289.XVIe s.• Ils s'offensent de ceux [animaux] qui hurlent, ou qui buglent et fremissent, ou qui ont une hydeuse et triste mine à les voir, AMYOT De la tranq. d'âme, 40.• Il faut qu'il [le philosophe] fremisse planté au bord d'un precipice, MONT. II, 20.Berry, vrombi, en parlant d'une toupie : ma toupie vrombit ; prov. fremir ; port. fremir ; ital. fremire ; du lat. Fremere ( le 2nd e prend un accent bref), par changement de conjugaison, fremire ( i avec un accent long), puis passage à une conjugaison inchoative en isco, fremisco ; comparez le grec et le sanscrit bhram, produire un bourdonnement. Mais l'ancienne langue avait aussi un dérivé direct de fremere ( le 2nd e avec un accent bref) qui était freindre, comme geindre, de gemere.• Elle avait aussi, à côté de fremir, un verbe fremier auquel elle donnait une signification très semblable, mais qui, venant de formicare, fourmiller, s'était rapproché de frémir, par assimilation : La roÿne saut sus, si prent à fremier, Berte, LXXXVII.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.