- forcé
- forcé, ée(for-sé, sée) part. passé de forcer.1° À quoi on a fait violence, qu'on a tordu, brisé avec violence. Un coffre forcé. Une serrure forcée.• Ils [les Juifs] répandirent dans le monde que le sépulcre [de Jésus] avait été forcé ; mais le mensonge était si visible que la résurrection du Sauveur ne laissa pas de passer pour constante parmi le peuple, BOURDAL. Myst. Résurr. de J. C. t. I, p. 331.• Un ministre est excusable du mal qu'il fait lorsque le gouvernail de l'État est forcé dans sa main par les tempêtes ; mais dans le calme il est coupable de tout le bien qu'il ne fait pas ; Mazarin ne fit de bien qu'à lui et à sa famille, VOLT. Louis XIV, 6.Terme de marine. Mâts forcés, mâts qui prennent un pli sur l'avant pour avoir porté trop de voile par un grand vent, ou pour avoir été trop tenus en étais.Fig. Sens forcé, sens qu'on a tordu, détourné de l'acception directe et naturelle.• Donner les sens forcés à des passages clairs, c'est le sûr moyen de ne jamais s'entendre, VOLT. Dict. phil. Résurrection..2° Enlevé de vive force.• Que de remparts détruits ! que de villes forcées !, BOILEAU Art p. IV.• Le temple est-il forcé ?, RAC. Athal. V, 1.• Ayant appris que les lignes [de l'ennemi] avaient été forcées, HAMILT. Gramm. 5.3° À qui on a fait violence. Une femme forcée par des soldats ivres.4° Dont la résistance a été impuissante. Des troupes forcées dans leurs retranchements.Par extension. Les éléments forcés, la nature forcée, les éléments, la nature obligée d'obéir à l'homme.• Quoi ! mon père trahi, les éléments forcés.... Lui font-ils présumer mon audace épuisée ?, CORN. Médée, I, 4.• Trianon et Marly bâtis ; la nature forcée dans tous ces lieux de délice, et des jardins où l'art était épuisé, VOLT. Louis XIV, 27.5° Terme de chasse. Pris à la course et à la fatigue. Un cerf forcé par les chiens.Rendre forcé, obliger la bête à se rendre. Un sanglier poussé vigoureusement par une meute de vingt bons chiens et prêt à rendre forcé par eux.6° Qui fait malgré soi quelque chose.• La comédie du médecin forcé [malgré lui], SÉV. 227.• Après t'être couvert de leur sang et du mien, Tu te verras forcé de répandre le tien, RAC. Brit. v, 6.• L'hérésie, depuis si longtemps redoutable au trône par la faiblesse des règnes précédents forcés à la tolérer, MASS. Or. fun. Louis XIV.Avoir la main forcée, voy. FORCER n° 1.Terme de jeux. Être forcé, être obligé de jouer de la couleur demandée ou de prendre.Mat forcé, position telle, aux échecs, que le roi ne peut plus changer de place sans être fait mat au coup suivant.Au domino, dé forcé, celui qu'on est obligé de mettre, n'en ayant pas d'autre. J'ai joué à dé forcé. Fermeture forcée, celle qui ne peut s'éviter.7° Qui n'est pas volontaire.• Mais, s'il se dédisait d'un outrage forcé, CORN. Sertor. I, 3.Le Mariage forcé, titre d'une comédie de Molière.• J'irai, bien plus content et de vous et de moi, Détromper son amour d'une feinte forcée, RAC. Bajaz. III, 4.• Les métis qui résultent de ces unions forcées ressemblent plus à leur père par la forme du bec, par les couleurs de la tête, des ailes, en un mot par les extrémités, et à leur mère par le reste du corps, BUFF. Ois. t. VII, p. 275, dans POUGENS.Emprunt forcé, somme qu'un gouvernement force à lui apporter sous forme d'emprunt, et dont il paye les intérêts.Travaux forcés, voy. travail.8° Marche forcée, marche plus rapide ou plus prolongée que la marche ordinaire. Le régiment gagna la ville à marches forcées.9° Terme d'horticulture. Arbre forcé en serre, arbre dont on a hâté la végétation dans une serre.Cultures forcées, celles qui ont pour but de produire des fruits ou des légumes précoces.10° Qui manque de sincérité et de liberté.• Et je ne voulais pas de sentiments forcés, CORN. Poly. IV, 3.• Et sans plus te parer d'une vertu forcée, CORN. Héracl. III, 3.• Vous avez vu le reste et mes raisons forcées, CORN. Sertor. IV, 2.• Ne m'importune plus de tes raisons forcées ; Je vois combien tes voeux sont loin de mes pensées, RAC. Bajaz. II, 1.• Déjà plus d'une fois dans vos plaintes forcées J'ai dû voir et j'ai vu le fond de vos pensées, RAC. Iphig. II, 5.• Je tremble qu'Athalie.... d'un respect forcé ne dépouille les restes, RAC. Athal. I, 1.• Il a un ris forcé, des caresses contrefaites, LA BRUY. VIII.• Vous vous moquez, me dit-il d'un air forcé, ne savez-vous pas le plaisir que j'ai d'être avec vous ?, MARIV. Marianne, 8e part..• Vous connaissez ce sourire forcé et cette fausse douceur que la politesse imprime sur le visage, GENLIS Ad. et Théod. t. I, lett. 23, p. 183, dans POUGENS.11° Qui n'a ni souplesse ni liberté, éloigné du naturel, en parlant des ouvrages d'esprit.• Je ne puis arracher du creux de ma cervelle Que des vers plus forcés que ceux de la Pucelle, BOILEAU Sat. VII.• Et dans un vers forcé que surcharge un vieux mot, Couvre son peu d'esprit des phrases de Marot, VOLT. Disc. 3.Tiré de trop loin. Rapprochement forcé. Comparaison forcée.Style forcé, style où l'on sort du naturel, où l'on cherche à exagérer l'énergie au moyen de mots inaccoutumés ou de figures excessives.Terme de peinture. Figures forcées, figures dont l'attitude est gênée sans nécessité. Coloris forcé, coloris outré. Effet forcé, effet où l'artifice du peintre pour l'augmenter est grossièrement employé.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREFORCÉ. Ajoutez :12° Terme de marine. Temps forcé, très mauvais temps.• Il est rare qu'un banquier se résigne à ne pas expédier ses chaloupes ; on est souvent confondu de les voir tenir la mer par grande brise et temps forcé, Rev. des Deux-Mondes, 1er nov. 1874, p. 116.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.