- entrailles
- (an-trâ-ll', ll mouillées, et non antrâ-ye) s. f.1° Nom générique donné aux parties enfermées dans le tronc de l'homme et des animaux, et particulièrement dans le ventre.• Ils vidèrent les entrailles et embaumèrent le corps, VAUGEL. Q. C X, 10.• Il consulte les entrailles des victimes, FÉN. Tél. IX..• Ses entrailles commencèrent à sortir avec un ruisseau de sang : son teint se flétrit comme une fleur que la main d'une nymphe a cueillie dans les prés, FÉN. ib. XX..• Cette science frivole qui consiste à connaître la volonté des dieux, ou par le vol des oiseaux, ou par leur chant, ou par l'inspection des entrailles d'une victime, DIDER. Opin. des anc. phil. (Romains)..• Ici des athlètes qui n'étaient pas encore entrés en lice, cherchaient dans les entrailles des victimes la destinée qui les attendait, BARTHÉL. Anach. ch. 38.Sentir crier ses entrailles, avoir faim.• Un auteur qui, pressé d'un besoin importun, Le soir entend crier ses entrailles à jeun, Goûte peu d'Hélicon les douces promenades, BOILEAU Art p. IV.Fig. Déchirer ses entrailles, en parlant d'un peuple, être en proie aux discordes civiles.• Assez de funestes batailles, Et de carnages inhumains Ont fait en nos propres entrailles Rougir nos déloyales mains, MALH. III, 2.• Qu'elle-même [Rome] sur soi renverse ses murailles, Et de ses propres mains déchire ses entrailles, CORN. Hor. IV, 5.• Rome par ses mains déchirait ses entrailles, CORN. Cinna, I, 3.Fig. Sentir ses entrailles se déchirer, éprouver une vive douleur. C'est lui [Smindyride] qui, voyant un paysan soulever sa bêche avec effort, sentait ses entrailles se déchirer, et qui ne pouvait dormir si, parmi les feuilles de rose dont son lit était jonché, une seule venait à se plier par hasard BARTHÉL. Anach. ch. 37.2° Sein de la mère. Le fruit de vos entrailles.3° Il se dit des lieux les plus profonds de la terre. Les entrailles d'un volcan.• Il a fouillé les entrailles de la terre, BOSSUET Connaiss. VII.Fig. Ce qu'il y a de plus intime dans une composition littéraire. Cette distinction sort des entrailles mêmes du sujet.4° Ce qui sort de nous, notre famille, nos enfants.• C'est un homme armé contre ses propres entrailles, PATRU Plaid. VI, dans RICHELET.• Madame, épargnez-les, épargnez vos entrailles, CORN. Médée, III, 4.5° L'intérieur, le fond de l'âme.• Ceux qui écrivent par humeur, que le coeur fait parler, à qui il inspire les termes et les figures, et qui tirent, pour ainsi dire, de leurs entrailles tout ce qu'ils expriment sur le papier, LA BRUY. I.6° Sensibilité, tendre affection.• Laissons-nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles, et ne cherchons point de raisonnement pour nous empêcher d'avoir du plaisir, MOL. Critique, sc. 7.• Il veut lui donner pour nous des entrailles de mère, BOSSUET II, Nativ. 2.• Il ne pensa plus qu'à ce jeune prince [le dauphin, fils de Louis XIV].... de peur de l'amollir par la tendresse, il emprunta l'autorité du roi ; de peur de le rebuter par l'austérité des préceptes, il prit les entrailles du père, FLÉCH. Duc de Montausier..• Et vous qui lui devez [au malheureux] des entrailles de père, RAC. Athal. II, 5.• .... Je sens que, malgré ton offense, Mes entrailles pour toi se troublent par avance, RAC. Phèdre, IV, 3.• Il fut surpris de trouver ses entrailles attendries, FÉN. Tél. XI.Absolument.• Je prédis à quiconque a des entrailles qu'il versera des larmes, J. J. ROUSS. Ém. I.• La politique, qui a des yeux et point d'entrailles, RAYNAL Hist. phil. XIV, 26.• Annibal, cruel, sans entrailles, fut en magnanimité fort inférieur à son rival, CHATEAUB. Itin. III, 134.Cet acteur a des entrailles, il joue avec chaleur et une grande vérité dans les situations pathétiques.7° Terme de dévotion. Les entrailles de la miséricorde divine.• Dieu qui ferme pour toujours ses entrailles à la miséricorde, MASS. Pet. carême, Vices..• Que sont devenues les entrailles de vos miséricordes ?, MASS. Carême, Mélange..Par extension.• Revêtez-vous envers vos frères d'entrailles de miséricorde, BOSSUET Instr..• Un attachement inviolable pour le roi, des entrailles de miséricorde pour les malheureux, une immuable persévérance dans tous ses devoirs, BOSSUET Mar.-Thér..• Dans ces malheurs, les entrailles de la charité s'émurent, MONTESQ. Esp. XXX, 11.BOYAUX, ENTRAILLES. Ces deux mots signifient exactement la même chose ; mais entrailles est du style noble, et boyau du style le plus trivial, s'il n'est pas purement didactique. De plus, entrailles se prend très bien dans le sens figuré, et boyau ne s'y prend presque jamais qu'en ridicule : Ce logement n'est qu'un boyau.XIIe s.• Si le prist grant dolor en ses entrailles, Machab. II, 8.XIIIe s.• Il vesti maleïçon [malédiction] ansi come vestement, et entra ele es antrailles de lui, Psautier, f° 136.• Par sa pel dure qui vorroit [voudrait], Ses entrailles veoir porroit, la Rose, 10204.• Del sanc aus Sarrazins font corre grant ruisel, Tout li pré sont covert d'entraille et de boiel, Ch. d'Ant. II, 563.Provenç. intralia ; espagn. entrañas ; du bas-lat. intrania, dans la loi salique ; du latin interanea. L'l a été substituée à l'n dans le français et dans le provençal, peut-être par influence de la finale aille qui est commune en français. Roquefort cite une forme française entreigne, qui était la vraie dérivation.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.