- dénouer
- (dé-nou-é) v. a.1° Défaire un noeud ; détacher ce qui est retenu par un noeud.• Ce que les Lapons font le plus facilement, c'est de vendre le vent à ceux qui en ont besoin ; ils ont pour cela un mouchoir qu'ils nouent en trois endroits différents qu'ils donnent à celui qui en a besoin ; s'il dénoue le premier, il excite un vent doux et supportable ; s'il a besoin d'un plus fort, il dénoue le second, REGNARD Voy. de Laponie, t. IV, p. 278.• L'éléphant dénoue les cordes avec sa trompe, BUFF. Éléphant..Par extension.• [Et vous étoiles] Qui, cadençant vos pas à la lyre des cieux, Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux, LAMART. Méd. II, 8.Fig.• Relier tant de fois ce qu'un brouillon dénoue, C'est trop de patience, MOL. l'Étour. III, 1.• [Rome] Répudie Octavie et me fait dénouer Un hymen que le ciel ne veut point avouer, RAC. Brit. II, 3.• St Louis regardait ce voeu comme un lien qu'il n'était pas permis aux hommes de dénouer, VOLT. Moeurs, 58.2° Dénouer la langue, faire parler.• La douleur malgré toi la langue te dénoue, RÉGNIER Dial..• Ma langue n'attend point que l'argent la dénoue, BOILEAU Sat. IX..Dénouer sa langue, parler.• Enfin il dénoua sa langue, Et fit cette belle harangue, SCARRON Virg. trav. VI.• Comme autrefois le fils de Crésus, qui avait été jusque-là muet, se dénoua la langue par un grand effort qu'il fit pour avertir son père qu'on voulait tuer, FURETIÈRE Roman bourgeois, liv. II, Hist. de Charrosselles, p. 221.3° Dégager par l'exercice, par un bon régime, par des moyens orthopédiques les parties du corps qui étaient nouées. Dénouer un enfant.Dénouer le corps, le rendre plus souple, plus dégagé.• Il me restait un juste intervalle pour faire de l'exercice qui dénouât le corps sans le travailler, BALZ. le Prince, avant-propos..• M. de St Geran lui a appris l'exercice du mousquet et de la pique ; c'est la plus jolie chose du monde ; vous aimeriez ce petit enfant, cela lui dénoue le corps, SÉV. 355.Fig.• Ronsard n'avait pas tort de tenter quelque nouvelle route pour dénouer notre versification naissante, FÉN. t. XXI, p. 191.4° Terminer une intrigue, la mener à sa fin, en parlant d'une pièce de théâtre. On dénoue une pièce avec un oncle à succession. Molière a dénoué le Tartufe par un ordre du roi.5° Se dénouer, v. réfl. Être dénoué. Ce cordon se dénouera.6° Se débarrasser d'un obstacle.• Sitôt que la langue enfantine se sera un peu dénouée, BOSSUET III, Nativité, 1.Fig.• Avec un tel secret leur langue se dénoue, CORN. le Ment. IV, 1.7° Se développer.• Que leur corps se dénoue et se désengourdisse, Pour être plus adroit à te faire service, RÉGNIER Sat. I.XIIe s.• Kar entre nos e Franceis toz [elle] Nos ert [sera] liem d'amor e noz [noeud], Sens rompre mais, senz desnoer, BENOÎT II, 6391.XIIIe s.• Car des mains au deable maint pecheor [la vierge] desnoe, Berte, XXXIII.XIVe s.• Un cop sur l'espaule dont il lui desnoua [luxa] le bras, DU CANGE denodare..XVe s.• L'enfant s'avança de la table ; le comte ouvrit lors son sein et desnoulla lors son gipon et prit un coutel et coupa les pendans de la boursette, FROISS. II, III, 13.XVIe s.• Malgré leurs dens le neu est desnoué, MAROT II, 425.• J'estime que nos ames sont desnouées, à vingt ans, ce qu'elles doibvent estre, MONT. I, 407.• Et aucuns qui vouloient aller aux escarmouches, se rompoyent ou desnouoyent les bras ou les jambes, LANOUE 659.• Remettre en leur naturel les joinctes des membres desnouez et deboitez, AMYOT Cimon et Lucull. 5.• Finablement la fortune luy denoua la difficulté de ce noeud, AMYOT Pomp. 58.• En fuyant par la plaine Thriasie, il se denoua la jambe, et luy fallut faire plusieurs incisions pour le guarir, AMYOT Aratus, 41.• Le roi de Navarre, de qui la vertu et l'honneur guerriere commença à se desnouer en ce temps-là, s'oppiniastra à son dessein, D'AUB. Hist. II, 350.• La colere desnoua ce noeud, D'AUB. ib. 425.Picard, déneuer ; provenç. denozar ; catal. desnura ; ital. disnodare ; du latin denodare, de la préposition de, et nodus, noeud (voy. noeud).
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.