- abhorrer
- (a-bo-rré) v. a.1° Éprouver de l'horreur pour, repousser avec horreur. Abhorrer quelqu'un. Se faire abhorrer de quelqu'un. Il abhorre la cruauté. Abhorrer le nom de roi.• Dans l'éternel oubli je dormirais encore ; Mes yeux n'auraient pas vu ce faux jour que j'abhorre, LAMART. Médit. XVIII.• Il déteste l'autre, il l'abhorre, parce qu'il y voit tout à la fois et Dieu déshonoré et l'homme perdu, BOURD. Pens. t. III, p. 367.• Le Roi n'avait point donné d'ouverture ni de prétexte aux excès sacriléges dont nous abhorrons la mémoire, BOSSUET R. d'Anglet..• C'est ce qui me le fait justement abhorrer, RAC. Phèd. I, 5.• Honteux d'avoir poussé tant de voeux superflus, Vous l'abhorriez : enfin, vous ne m'en parliez plus, RAC. Andr. I, 1.• .... Oracles que j'abhorre, Sans vos ordres, sans vous, mon fils vivrait encore, VOLT. Oed. IV, 1.• Sauvez-moi du tourment d'être à ce que j'abhorre, MOL. Tart. IV, 3.2° S'abhorrer, v. réfl.3° Se haïr réciproquement. Ces deux hommes s'abhorrent.4° Se haïr soi-même.• Je hais le monde entier, je m'abhorre moi-même, VOLT. Zaïre, v, 6.ABHORRER, DÉTESTER, HAÏR. Les deux premiers mots marquent également des sentiments d'aversion, dont l'un est l'effet du goût naturel ou du penchant du coeur, et l'autre, l'effet de la raison et du jugement. Ou pour mieux dire, suivant l'étymologie, on abhorre tout ce pour quoi on a une horreur, une répulsion ; on déteste tout ce que l'on veut écarter, tenir loin de soi. Dans abhorrer et détester, le sentiment que l'on ressent n'est pas le même : avec le premier on frissonne, avec le second on repousse. C'est pour cela que les auteurs de synonymes ont dit que détester s'applique à ce qu'on ne peut estimer, à ce que l'on condamne, à ce que l'on juge mauvais ; et que abhorrer s'applique à ce qui excite antipathie, répugnance. Cela exposé, on voit quelle nuance sépare ces deux verbes, et comment ils peuvent être pris l'un pour l'autre. Haïr est le terme général, par conséquent il exprime une nuance moins forte. On hait tout ce qu'on déteste et ce qu'on abhorre ; mais dans haïr ne sont pas marquées les distinctions qu'impliquent détester et abhorrer.XVIe s.• C'est la cause pour quoi de tous sont hués et abhorryz, RABEL. Garg. I, 40.• Ilz crachoient dedans les platz, affin que les houstes [hôtes], abhorrens leurs infames crachatz, desistassent manger, RABEL. Pant. III, 16.• Ceux qui soufroient de fait tout ce que font les rois à leurs subjets, detestoient et abhorrissoient encore neantmoins ce nom de roi, AMYOT Ant. 16.Provenç. aborrir, aorrir ; espagn. aborrecer ; ital. aborrire ; de abhorrere, de ab, indiquant séparation, et de horrere, avoir horreur (voy. horreur). La conjugaison a été en ir en provençal, en français et en italien, le verbe latin ayant été transformé en abhorire. C'est après le XVIe siècle qu'on a dit, d'après le latin, abhorrer au lieu d'abhorrir.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.