- borne
- (bor-n') s. f.1° Tout ce qui sert à séparer deux champs l'un de l'autre.• Le grand législateur des Juifs maudit celui qui change les bornes de l'héritage de son prochain, FÉN. XXII, p. 357.• Près de la borne où chaque État commence, Aucun épi n'est pur de sang humain, BÉRANG. Sainte alliance des peuples..• Astracan est la borne de l'Asie et de l'Europe et peut faire le commerce de l'une et de l'autre, VOLT. Russie, I, 1.Colonne qui marquait le bout de la carrière dans les cirques anciens.Borne milliaire, borne qui servait à indiquer, sur les chemins romains, chaque distance de mille pas. Par extension, sur nos routes, les bornes qui marquent les distances en kilomètres ou même en moins de mètres.Au plur. Tout ce qui sépare un État d'un autre. Fixer les bornes d'un empire.• Pour étendre les bornes de son royaume, FÉN. Tél. XIV.2° Extrémité, fin de l'étendue, de la durée. Régions qui n'auraient pas de bornes. Les bornes de la vie. Le ciel qui est sans bornes. Une durée qui n'avait point de bornes.• Empire qui n'aura point d'autres bornes que celles du monde, BOSSUET Hist. II, 4.• Quand la gloire t'appelle aux bornes de l'Asie...., VOLT. M. de César, I, 1.3° Fig. Il donnait la satiété pour borne à ses désirs. Quelles doivent être les bornes de l'affection ? Les bornes que je me suis fixées à moi-même. Lorsque les passions ont passé toute borne. Douleur sans borne. La nature elle-même y mettra des bornes. Enfermer quelque chose dans des bornes étroites. Rester dans de justes bornes. Il a peine à ne point passer les bornes du devoir.• Encore faut-il donner des bornes à cette lettre, SÉV. 377.• Jésus-Christ n'a pas donné d'autres bornes à sa durée, BOSSUET Hist. II, 13.• Donner des bornes à ses conquêtes, BOSSUET ib. III, 6.• Les succès de ce prince avaient leurs bornes marquées, BOSSUET ib. II, 5.• Vous sortez des bornes étroites de votre âge, BOSSUET ib. Préf..• Ce n'est pas à mon âge, aux bornes de la vie...., VOLT. Fanat. I, 1.• Il fait demeurer la malice Aux bornes de quelque devoir, MALH. II, 3.• Ce grand esprit à qui Dieu n'a point donné de bornes, BALZ. Liv. I, lett. 2.• Les mers mettront des bornes à nos fureurs, SÉV. 423.• Son orgueil s'éleva au delà de toutes bornes, BOSSUET Hist. III, 4.• Passer les bornes de la soumission, BOSSUET III, Vêt. 1.• Le peuple était retenu dans certaines bornes par les périls, BOSSUET Hist. III, 7.• Franchir les bornes de toute pudeur, PASC. Prov. 15.• Leur cupidité qui ne souffre point de bornes, PASC. Prov. 12.• Son esprit a des bornes et sa vertu en a aussi, FÉN. Tél. XII.• Qui donnera des bornes à ce torrent ?, FÉN. ib. XXII.• De l'austère pudeur les bornes sont passées, RAC. Phèd. III, 3.• Quiconque a pu franchir les bornes légitimes, RAC. ib. IV, 2.• Sa douleur a été au delà des bornes, SÉV. 415.• Ils ne donnent aucunes bornes à leurs attentats, BOSSUET Hist. II, 7.• C'est les bornes qu'il faut garder, PASC. Prov. 6.• J'ai dit quelque chose de la licence où se jettent les esprits quand on ébranle les fondements de la religion et qu'on remue les bornes une fois posées, BOSSUET Reine d'Anglet..• Cette grandeur sans borne et cet illustre rang, CORN. Cinna, II, 1.• Vous n'avez point de borne, et votre affection Passe votre promesse et mon ambition, CORN. Nicom. IV, 5.• Mets enfin quelque borne au mal qui me possède, CORN. Cid, I, 2.• L'ambition s'est jouée, sans aucune borne, de la vie des hommes, BOSSUET Hist. II, 1.• Je saurai mettre une borne à tes déréglements, MOL. Fest. IV, 6.• Dans ses prétentions une femme est sans borne, BOILEAU Sat. X..• Son orgueil est sans borne ainsi que sa richesse, RAC. Esth. II, 9.• Ne donne point de borne à ma reconnaissance, RAC. ib. II, 5.• Et leurs opinions [des anabaptistes] mêlées au calvinisme ont fait naître les indépendants, qui n'ont point eu de bornes, BOSSUET Reine d'Anglet..Sortir des bornes, faire ce qu'il ne convient pas de faire.• Ah ! le mauvais garnement ! Sans respect il sort des bornes, BÉRANG. M. d'école..4° Pierres plantées près des murs, à l'encoignure des édifices, à côté des portes, pour les préserver du choc des voitures ; ainsi nommées pour leur ressemblance avec les bornes des chemins, et appelées jadis boute-roue.Fig. Il est là planté comme une borne, il ne bouge non plus qu'une borne, il reste debout sans remuer.Borne-fontaine, petite fontaine en forme de borne.5° Carreau de vitre en forme de losange.XIIe s.• La ù les bodnes furent mises, Chron. des D. de Norm. 8431.XIIIe s.• Et quant les bones [à la terre] i metoient, Mainte fois s'entrecombatoient, Et se tolurent ce qu'il porent ; Li plus fort les greignors pars orent, la Rose, 9637.• Envie fet homme tuer, Et si fet bonnes remuer, Envie fet rooingner terre, Envie met ou siecle guerre, RUTEB. II, 36.XVIe s.• Je y ay esté jusques on trou de Gilbathar, et remply les bondes de Hercules, et ay abattu des plus meures, RAB. Pant. II, 30.• La borne, qui la veult garder, est un bien qui bride la puissance ; et qui ne la veult garder, est une preuve et tesmoignage qui argue l'injustice, AMYOT Numa, 28.• La nature a mis une borne aux richesses, AMYOT Comment lire les poët. 57.Bourguig. boone ; Berry, bune, bone ; bas-lat. bódina, bódena, avec l'accent sur bo, comme l'indique l'ancien français bodne ; angl. bound. On trouve dans le celtique bun, fond, bas ; kymri, bon, base ; mais les anciennes formes bodina, bodne, ne permettent pas de recevoir cette étymologie ; et il faut recourir, comme Diez, au radical bod, qui subsiste dans le provençal boz-ola, borne, contracté en bola, boula ; bas-latin. bodula ; ce radical bod est, d'après Diez, le même que celui de boudin, bouder. La forme régulière est bodne, prononcé et écrit bone ou bonne ; bonde est le même avec le déplacement du d ; borne est due à l'intercalation accidentelle d'une r, comme dans hurler pour huller, intercalation qui n'était pas rare dans l'ancienne langue et dont il reste quelques traces dans la moderne. La borne serait la chose renflée.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREBORNE. Ajoutez : - REM. Au fig. Sans bornes s'écrit avec un s ; cela du moins est le plus usité ; mais rien n'empêche d'écrire : sans borne.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.