- seigneur
- (sè-gneur ; au XVIe siècle, d'après Palsgrave, p. 56, on prononçait sei-nieur ; et d'après Pelletier, p. 113, si-gneur) s. m.1° Celui qui a l'autorité féodale sur certaines personnes ou sur certaines propriétés. Rendre foi et hommage à son seigneur.• Il est seigneur de cinq ou six paroisses, SÉV. 161.• Sans commettre l'autorité du roi son seigneur, la reine d'Angleterre employait son crédit à procurer un peu de repos aux catholiques, BOSSUET Reine d'Anglet..• Le peuple a peu gagné à l'abaissement des seigneurs ; ceux-ci ont encore plus perdu ; mais il est plus avantageux à l'État qu'ils aient tout perdu, que s'ils avaient tout conservé, DUCLOS Consid. moeurs, 6.Fig.• Les grands apôtres eux-mêmes, pleins de cet esprit qui est le seigneur des sciences et la source des lumières, MASS. Carême, Vérit. culte..2° Par extension. Maître, possesseur d'un pays, d'un État.• Ne connaissant que vous de maître et de seigneur, MAIRET Solim. II, 6.• Oser arrogamment se vanter à mes yeux D'être juste seigneur du bien de nos aïeux, CORN. Héracl. I, 2.Seigneur et maître, voy. maître 1.3° Titre qu'on donne à quelques personnes distinguées par leur dignité ou par leur rang pour leur faire plus d'honneur. Haut et puissant seigneur. Un seigneur de la cour.• Je m'imagine que celui qui s'est le premier appelé haut et puissant seigneur, se regardait comme élevé sur la tête de ses vassaux, et que c'est ce qu'il a voulu dire par cette épithète de haut, si peu convenable à la bassesse des hommes, NICOLE Ess. de mor. 1er traité, ch. 1.• Scipion, qui était le plus grand seigneur de Rome, ROLLIN Hist. anc. Oeuvr. t. IX, p. 347, dans POUGENS.• C'était un de ces vieux seigneurs qui, par leurs manières galantes et polies, font oublier leur âge et savent encore plaire aux femmes, LESAGE Gil Bl. I, 11.• Je conviens qu'il y a de fort plats seigneurs qui ne méritent guère qu'on ait de la considération pour eux ; mais ils peuvent nuire, il faut les craindre, LESAGE ib. VII, 5.• N'ai-je pas l'air un peu trop seigneur ?, MARIVAUX l'Épreuve, sc. 1.• Tous ces demi-seigneurs sans talents et sans âmes, Qui bornent leurs exploits à tromper quelques femmes, DORAT Feinte par amour, II, 2.• Marceline : Sémillant, généreux, généreux.... - Bartholo : Comme un voleur. - Marceline : Comme un seigneur, BEAUMARCH. Mar. de Fig. I, 4.• C'est un vieux seigneur qui a toute la galanterie et toute la politesse de l'ancienne cour, GENLIS Théâtre d'éd. Méchant par air, I, 7.Vêtu, logé comme un seigneur, très bien vêtu, très bien logé.Vivre en seigneur, en grand seigneur, vivre sans rien faire et magnifiquement.En plaisantant et par ironie, homme qui est loin d'être un seigneur.• Vous voyez un seigneur [Strabon, suivant de Démocrite] fort satisfait de soi, Un convive échappé de la table du roi ; Il tient bon ordinaire et je l'en félicite, REGNARD Démocrite, IV, 7.• Ce discours me surprend de la part d'un seigneur [un financier] de qui je ne croyais pas avoir l'honneur d'être connu, ALAIN l'épreuve réciproque, sc. 15.Fig. C'est un petit seigneur, se dit d'un homme qui affecte une importance ridicule.4° Un grand seigneur, un seigneur d'un très haut rang.• En use en grand seigneur, S'épuise en dons, LA FONT. Belph..• Qu'est-ce à votre avis, que d'être grand seigneur ? c'est être maître de plusieurs objets de la concupiscence des hommes, et ainsi pouvoir satisfaire aux besoins et aux désirs de plusieurs, PASC. Condit. des grands, III.• C'est ainsi qu'il tâche de lui donner son esprit de règle et d'économie, et de lui ôter un air de grand seigneur, de qu'importe ? d'ignorance et d'indifférence, qui conduit fort droit à toutes sortes d'injustices, et enfin à l'hôpital, SÉV. 10 déc. 1688.• Les grands seigneurs sont pleins d'égards pour les princes, c'est leur affaire : ils ont des inférieurs, LA BRUY. VIII.• Un grand seigneur est un homme qui voit le roi, qui parle aux ministres, qui a des ancêtres, des dettes et des pensions, MONTESQ. Lett. pers. 88.• On vit d'abord paraître Deux courtisans par l'intérêt unis.... Vint un courrier, qui dit qu'auprès du maître Vaquait alors un beau poste d'honneur, Un noble emploi de valet grand seigneur, VOLT. Temple de l'amitié..• M. le duc de Choiseul m'a écrit une fort jolie lettre ; mais il est si grand seigneur que je n'ose l'aimer, VOLT. Lett. d'Argental, 4 mai 1761.• Grand seigneur est un mot dont la réalité n'est plus que dans l'histoire, DUCLOS Consid. moeurs, 6.• Mon fils, c'est l'étoile rapide D'un très grand seigneur nouveau-né ; Le berceau qu'il a laissé vide, D'or et de pourpre était orné, BÉRANG. Étoiles qui filent..Fig.• La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable.... toutes ces misères mêmes prouvent sa grandeur ; ce sont misères de grand seigneur, misères d'un roi dépossédé, PASC. Pens. I, 3, éd. HAVET..Ne pas sortir du grand seigneur, avoir incessamment à la bouche le nom de grands seigneurs.• Ô l'ennuyeux conteur ! Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur, MOL. le Mis. II, 5.N'être pas grand seigneur, être un petit personnage, n'avoir guère de fortune.• Comme Janot n'est pas fort grand seigneur, Pour cent écus vous lui ferez tout dire, LA FONT. Rich..5° Gros seigneur se dit quelquefois pour grand seigneur, mais avec une nuance qui indique surtout la richesse.• Le comte est trop gros seigneur pour se laisser gouverner par l'intérêt, DANCOURT la Folle enchère, sc. 20.6° Il s'est dit comme terme de civilité à peu près comme on dit aujourd'hui monsieur.• La jeune Dorimène fille du seigneur Alcantor avec le seigneur Sganarelle qui n'a que cinquante-trois ans ! ô le beau mariage !, MOL. Mar. forcé, 2.7° Terme de convention dont les poëtes tragiques usent pour le dialogue de leurs personnages.• Achille à Agamemnon : Un bruit assez étrange est venu jusqu'à moi ; Seigneur, je l'ai jugé trop peu digne de foi...., RAC. Iph. IV, 6.• La mauvaise habitude où nous avons toujours été d'appeler nos personnages de tragédies seigneurs ; c'est un nom que les Romains ne se donnèrent jamais, VOLT. Comm. Corn. Rem. Sertor. I, 1.• Les étrangers crèvent de rire quand ils voient dans nos tragédies le seigneur Agamemnon et le seigneur Achille qui lui demande raison aux yeux de tous les Grecs, et le seigneur Oreste brûlant de tant de feux pour madame sa cousine, P. L. COUR. Trad. d'Hérodote, préface..8° Titre que l'on donnait collectivement aux membres des états généraux et des cours souveraines. Au roi et à nos seigneurs de son conseil.9° Absolument. Le Seigneur, Dieu (on met une S majuscule).• Le Seigneur notre Dieu est lui-même le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant et terrible, SACI Bible, Deutéron. X, 17.• Vous servirez le Seigneur votre Dieu, afin que je bénisse le pain que vous mangerez et les eaux que vous boirez, et que je bannisse toutes les maladies du milieu de vous, SACI ib. Exode, XXIII., 25.• Mais, à vous dire tout, ce Seigneur des seigneurs Veut le premier amour et les premiers honneurs, CORN. Pol. I, 10.Le jour du Seigneur, le samedi chez les Juifs, le dimanche chez les chrétiens.Seigneur Dieu ! ou, simplement, Seigneur ! sorte d'exclamation. Ah ! Seigneur ! quelle nouvelle est-ce là !Le Seigneur, se dit aussi de Jésus-Christ.10° Notre-Seigneur, Jésus-Christ (avec une N et une S majuscules).Recevoir Notre-Seigneur, recevoir l'eucharistie.• Je crains bien que nous ne perdions cette fois M. de la Rochefoucauld ; sa fièvre a continué ; il reçut hier Notre-Seigneur, SÉV. 412.11° Le Grand Seigneur, l'empereur des Turcs, le sultan (avec un G et une S majuscules).• Il faudrait avoir une raison bien épurée pour regarder comme un autre homme le Grand Seigneur, environné, dans son superbe sérail, de quarante mille janissaires, PASC. Pens. II, 3, édit. HAVET..• Si l'on demande pourquoi le Grand Seigneur a fait depuis peu périr cent mille hommes devant Candie, on peut répondre sûrement que ce n'est que pour attacher encore à cette image intérieure qu'il a de lui-même le titre de conquérant, NICOLE Ess. de mor. 1er traité, ch. I.• Au milieu de ces grands embarras (1745), on reçut l'offre inouïe d'une médiation à laquelle on ne s'attendait pas ; c'était celle du Grand Seigneur ; son premier vizir écrivit à toutes les cours chrétiennes...., VOLT. Louis XV, 17.12° Terme d'astrologie. Seigneur d'une maison céleste, la planète qui domine dans une maison.PROVERBESTandis que le vassal dort, le seigneur veille, le seigneur peut saisir et faire les fruits siens, tant que le vassal néglige de lui porter foi et hommage.Seigneur de parchemin, homme de robe anobli.Un grand seigneur, un grand clocher et une grande rivière sont trois mauvais voisins.À tout seigneur tout honneur, ou à tous seigneurs tous honneurs, il faut rendre à chacun ce qui est dû à sa dignité.Tant vaut le seigneur, tant vaut sa terre.On peut dire : de grands seigneurs, ou des grands seigneurs, suivant que l'on considère grands seigneurs comme formant deux mots ou formant une locution.• Des princes un peu subalternes, Des grands seigneurs un peu modernes Ont aujourd'hui les vieux châteaux, M. J. CHÉNIER Épît. à Delille..Comme, dans l'ancienne langue, sire et seigneur sont un même mot, dont l'un est le nominatif et l'autre le régime, tout l'historique est renvoyé à sire.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.