- joue
- (joû) s. f.1° Partie du visage de l'homme au-dessous de l'oeil, s'étendant jusqu'au menton, et ayant pour base les muscles masséter et malaire. Joues pleines. Joues creuses. Cet enfant est à pleines joues.• Viens baiser cette joue, et reconnais la place Où fut empreint l'affront que ton courage efface, CORN. Cid, III, 6.• Si quelqu'un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l'autre, SACI Bible, Év. St Matthieu V, 39.• Vous savez ce qu'est un soufflet, lorsqu'il se donne à main ouverte, sur le beau milieu de la joue, MOL. Sicil. 13.• Lequel Hiérôme, après plusieurs rébellions, Aurait atteint, frappé, moi sergent, à la joue, Et fait tomber, du coup, mon chapeau dans la boue, RAC. Plaid. II, 4.• Le soufflet sur ma joue est encore tout chaud, RAC. ib. II, 5.• Une pâleur affreuse ternit ses joues, FÉN. Tél. XX..• Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, LA BRUY. VI.• Le seul crime bien constaté qu'on lui reprocha [à Laud, évêque de Cantorbéry], était de s'être servi de quelques cérémonies de l'Église romaine en consacrant une église de Londres ; la sentence porta qu'il serait pendu, et qu'on lui arracherait le coeur pour lui en battre les joues, VOLT. Moeurs, 180.Fig. et familièrement. Avoir les joues cousues, avoir le visage extrêmement maigre.Fig. S'en donner par les joues, manger son bien en débauches de table.Familièrement. Donner sur la joue, ou couvrir la joue à quelqu'un, lui donner un soufflet.• La Marinette vous approuve fort et jure que... elle vous imitera, et lui donnera sur sa vilaine joue, SÉV. 70.Tendre la joue, présenter la joue. Cet enfant vous tend la joue pour que vous l'embrassiez.Coucher, mettre en joue, ajuster son fusil contre la joue et viser, pour tirer sur quelqu'un, sur quelque chose.• M. de Bouillon courut plus de périls que personne, ayant été couché en joue par un misérable de la lie du peuple, RETZ II, 338.• En joue il [Jupin] vous met sans qui-vive ! Mais je l'aborde chapeau bas, BÉRANG. Bluet..Par extension.• Il me semble toujours que je vois une douzaine de lavements qui me couchent en joue, MOL. Pourc. II, 4.Fig. Coucher en joue, ne pas perdre de vue une personne ou une chose sur laquelle on a quelque dessein.• La villageoise est belle et jeune, je l'avoue, Don Alphonse, en passant, peut la coucher en joue, SCARR. D. Japhet, I, 1.• D'Harcourt couchait en joue les autres ministres pour les renverser, SAINT-SIMON 259, 218.• Il couchait en joue le gouvernement de la Sicile, lequel était sur le point de vaquer, LE SAGE Estev. Gonzalez, XII.Elliptiquement. En joue ! commandement qui se fait à la troupe pour mettre le fusil en joue. En joue ! feu !2° Partie de la tête du cheval qui répond à la joue dans l'homme. Ce cheval a trop de joue.Terme de zoologie. Région de la face comprise entre le nez, la bouche et l'oreille chez les mammifères ; entre la base du bec, le front et l'oeil, chez les oiseaux ; portion de la tête des insectes située de chaque côté, entre les yeux et les mandibules.3° Terme de marine. Partie de l'avant du navire supérieure à l'épaule.Joue de vache, demi-caisse de poulie appliquée sur le côté d'un mât, d'une vergue, ou sur la muraille d'un navire ; on dit aussi demi-joue ou poulie plate.4° Les joues d'une poulie, les deux côtés de sa caisse.Joues de peson, petites plaques qui terminent les broches du peson.Partie d'une boucle. Une boucle est formée de deux joues et de deux barrettes.Terme de chemin de fer. Joues de coussinet, les parois latérales des coussinets entre lesquelles le rail est maintenu au moyen de coins.Dans les arbres de machines, les joues sont les deux parties du coussinet que l'on réunit et que l'on serre au moyen de boulons.5° Terme de construction. Joue de solive, côté d'une solive considérée par l'entrevous.Terme de menuiserie. Épaisseur du bois qui forme les deux côtés d'une mortaise dans un battant, ou les deux côtés d'une rainure dans une planche.6° Dans une cour dont la chaussée est bombée, nom donné aux deux parties de revers entre le passage de porte cochère et le point où les deux ruisseaux se réunissent.7° Terme de fortification. Se dit des deux côtés de l'épaulement d'une batterie, coupés selon son épaisseur, pour pratiquer l'embrasure.XIe s.• La destre joe [il] en a tute sanglante, Ch. de Rol. CCLXXXVII.XIIe s.• Les jodes des leuns fraindrat [brisera] li sire, Liber psalm. p. 75.XIIIe s.• Uns rainsiaus [rameau] l'ot ateinte parm, sa destre joue, Berte, XXXIII.XVe s.• Bouciquaut ne pleuroit point, ains tenoit sa main soubs sa joue comme tout pensif, Boucic. I, 3.XVIe s.• .... Les faisant garder par deux soldats qui avoient toujours le mousquet en joue, D'AUB. Hist. II, 431.• Saquenai eut le coeur arraché, on lui en battit les joues à la mode d'Angleterre, D'AUB. ib. III, 505.• .... Dont le profit revient à ceux qui manient les deniers, et s'en donnent par les joues, Sat. Mén. p. 176.• Ah ! ne me dictes point d'injure, Ou je vous donray sus la joue !, Rec. de farces, etc. p. 169.• Mal joue qui quiert la joue, COTGRAVE .Berry, jotte ; anciennement, dans la marine, jotte, la joue d'un vaisseau ; provenç. gauta ; catal. galta ; ital. gota ; Modène, golta ; Coire, gaulta ; bas-breton, gaved ; angl. jaw, que les étymologistes tirent du français joue. D'après Diez, le radical est le latin gabata, jatte, d'où l'imagination populaire tira, par comparaison, le nom de la joue. Il montre que ce qui rend très probable cette étymologie, c'est la forme provençale gauta, qui représente gabata ou gab'ta (gabata a yant l'accent sur ga), comme paraula représente parabola, parabla. Il ajoute que le bas-breton, qui est emprunté, vient en pleine confirmation. Dans le français la forme primordiale est jode (conservé dans le Berry jotte) ; d'où joe ou joue. Quelques dialectes ont, comme on voit, une l épenthétique.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.