- grief
- grief, ève 1.(gri-èf, è-v'. Prononcez grié, dit au XVIe siècle PALSGRAVE, p. 62) adj.1° Qui pèse sur la personne comme un poids qui l'accable.• Il défendit sous de grièves peines d'appeler Catherine reine d'Angleterre, MAUCROIX Schisme, l. I, dans RICHELET.• C'est dans ces communications indiscrètes que se font une infinité de péchés de médisance, et très souvent de jugements téméraires, plus griefs que l'on ne pense, BOSSUET Instr. aux ursul. sur le silence, 1.• Une bulle pontificale où il fut déclaré que ces propositions [sur les états d'oraison] étaient respectivement hérétiques, suspectes, erronées, scandaleuses, blasphématrices, avec d'autres grièves qualifications portées dans la même bulle, BOSSUET Ordonn. sur les états d'oraison.• Si ce n'est que le cas qui donnerait lieu au refus fût si grief, BOSSUET Lett. rel. 59.2° Douloureux.• Non qu'il ne me soit grief que la terre possède Ce qui me fut si cher, MALH. VI, 18.Grief (écrit aussi gref) a toujours été monosyllabe dans l'ancienne langue ; et Malherbe l'a encore fait tel. Il est très probable que l'ancienne prononciation était gref ; puis, quand on voulut prononcer grief tel qu'il était écrit, il y eut lutte entre l'ancien usage de ce mot comme monosyllabe, et l'impossibilité de l'articuler désormais d'une façon monosyllabique. Au reste on remarquera que l'ancienne langue avait raison d'y voir un monosyllabe, car c'est une grave dérogation à l'étymologie que de représenter par deux syllabes l'unique syllabe gra du latin gravis.XIe s.• Dur sont li cop, et li chaples est griefs, Ch. de Rol. CXXV.XIIe s.• Vostre talens [votre caractère] est moult pesmes et griez, Ronc. p. 12.• Cist maus ert grois, ib. p. 25.XIVe s.• Car puis en ai soufert grant peine et grief tourment, Berte, XLVI.• Car la parole mains [moins] est grieve à retenir quant ele est brieve, la Rose, 2237.XVe s.• Par quoy ce petit qu'il souffroit contre sa nature et accoustumance luy estoyt plus grief à porter, COMM. VI, 11.XVIe s.• Ô grand' fortune ! o crevecueur trop gref, MAROT IV, 137.• Ce plus grief luy est, en tant que par toy et les tiens ont esté ces griefz et tortz faictz, RAB. Garg. I, 31.• Rien ne peut estre grief qui n'est qu'une fois, MONT. I, 84.• Il tumba en une griefve, estrange et perverse maladie, AMYOT Numa, 36.• Une peine griefve, AMYOT Solon, 3.• Ce qui fut gref à Herodes, JOSEPHE Guerre, I, 17, Trad. de DES ESSARS..————————grief 2.(gri-èf) s. m.1° Dommage que l'on reçoit. Il a reçu des griefs dont il se plaint beaucoup. Redresser les griefs.2° Motifs de plainte. Exposez vos griefs.• Calvisson avait été capitaine aux gardes et avait quitté, c'était le grief, SAINT-SIMON 78, 2.• Le peuple persan avait toujours compté parmi ses griefs contre le peuple turc le meurtre d'Aly, quoiqu'Aly n'eût point été assassiné par la nation turque qu'on ne connaissait point alors ; mais c'est ainsi que le peuple raisonne, VOLT. Moeurs, 158.3° Au plur. Terme de pratique. Mémoire où l'on expose le préjudice résultant d'un jugement dont on appelle. Donner des griefs. Griefs et contredits. Griefs d'appel.Terme d'ancienne pratique. Griefs hors le procès, pièce d'écriture par laquelle on en appelait à des juges supérieurs.XIIIe s.• Et li baron respondirent que c'estoit grans outrages que li quens avoit mandé ; car il estoit ses hommes et ne li faisoit on nul grief, Chr. de Rains, p. 145.• Home et fame s'estoient perduz par une pomme, N'amender ne pooient leur meffait par nul homme, Si prist Diex char humaine pour alegier la somme De leurs griés [péchés] qui estoient greigneurs que je ne nomme, J. DE MEUNG Test. 132.XVe s.• Et par ce moyen font de grands torts, et de grands griefs à leurs subjets, COMM. VIII, 13.XVIe s.• Dont tout à coup Phebus se repentit D'avoir juré, et du gref qu'il sentit Son chef luisant secoua plusieurs fois, MAROT IV, 59.Grief 1 ; provenç. greug, greuge.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.