- déranger
- (dé-ran-jé. Le g prend un e devant a ou o : nous dérangeons, je dérangeais) v. a.1° Ôter une chose de son rang, de sa place. Déranger des papiers, un meuble.• À l'empressement qu'on eut de déranger les branches d'arbres qui masquaient des forces qu'on avait tant d'intérêt à cacher, ils devinèrent le péril où ils allaient se jeter, RAYNAL Hist. phil. XVI, 20.Déranger une chambre, en déplacer les objets.Déranger une machine, une montre, y apporter quelque trouble qui l'empêche de bien aller.Fig.• Vous n'entrez plus dans les desseins de la miséricorde de Dieu sur votre salut : vous dérangez l'ouvrage de votre justification, MASS. Car. Pâques..• On croit qu'en dérangeant les desseins qu'on avait pour l'automne, on dérangera aussi la fièvre de M. le Dauphin, qui la prend dans cette saison à Saint-Germain ; pour cette année elle y sera attrapée, elle ne l'y trouvera pas, SÉV. 69.• Ce coup dérangea les mesures de Charles, du cardinal et de l'assemblée de Varsovie, VOLT. Charles XII, 2.Terme d'ancienne marine. Déranger la bonnette, la déboutonner du corps de la voile.2° Déranger quelqu'un, lui faire quitter sa place. Je ne veux pas déranger ces dames.3° Déranger quelqu'un, l'interrompre dans ses occupations.• Dubriage : Mais cela te dérange. - George : Un peu ; mais le plaisir.... Il faut bien se donner un moment de loisir, COLLIN D'HARLEV. Vieux célib. II, 2.4° Déranger le temps, le faire passer du beau au mauvais. Cet orage va déranger le temps.5° Altérer un peu la santé. J'ai mangé un peu plus qu'à l'ordinaire, et cela m'a dérangé.Occasionner la diarrhée. Cet enfant a mangé des fruits verts ; cela l'a dérangé.6° Fig. Déranger le cerveau, troubler la raison.• Que c'est un dangereux poison, Qu'une délicate louange ! Hélas ! qu'aisément il dérange Le peu que l'on a de raison !, CHAUL. Au marquis de Dangeau..• C'est bien dommage que son chagrin lui dérange quelquefois l'esprit, VOLT. Prinç. de Babyl. 5.• Le trouble et la frayeur ont dérangé sa tête, IMBERT Jaloux sans amour, V, 15.7° Jeter dans le désordre moral. Les mauvaises compagnies l'ont dérangé.• Et cette jeune fille qui vous dérange, qui fait que vous manquez à votre parole, il se trouve que c'est moi, MARIVAUX Marianne, 4e partie..8° Se déranger, v. réfl. En parlant d'une machine, ne pas aller régulièrement. Cette montre se dérange facilement.Se déranger, en parlant de la fortune, être grevé de dettes, d'hypothèques. Ses affaires se dérangent beaucoup.9° Quitter son rang, sa place. Je me suis dérangé pour le faire mieux placer. Ne vous dérangez pas, je reviendrai plus tard.Quitter ses occupations, ses affaires.• Mme de Coulanges m'a menée ces derniers jours ; elle s'est toute dérangée pour moi, elle n'a songé qu'à moi, SÉV. 347.10° Avoir la raison troublée.• On prétend que son esprit [de Charles-Quint] se dérangea dans la solitude de St-Just, VOLT. Moeurs, 126.Tomber dans le désordre moral.• Ces coeurs convertis qui se dérangent et qui retomberont bientôt dans leurs affections terrestres, FLÉCH. Sermons, II, 44.• Une fille qui se dérange et qui ne vit pas selon la règle, BOURDAL. Exhort. sur l'observ. des règles, t. I, p. 231.• L'abbé de Caudelet a passé le reste de sa vie sans s'être dérangé un moment, SAINT-SIMON 54, 154.• S'étant tout à fait dérangé, il s'est enfui du pays laissant sa femme...., J. J. ROUSS. Hél. VI, 10.XIe s.• Od mil Franceis de France la lur terre, Gautier desrenget [se range le long] les destreiz et les tertres, Ch. de Rol. LXIII.XIIe s.• Quant un vaslez les fit tous desrengier...., Ronc. p. 187.XIVe s.• Après muet [s'avance] li dux de Bourgogne Contre qui Brebançons desrengent [se détachent], G. GUIART Ms. f° 125, dans LACURNE.Dé.... préfixe, et ranger ; provenç. desrengar, desrencar, desrancar.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.