- deux
- (deû ; l'x se lie : deû-z hommes)1° Adj. numér. des deux genres signifiant un nombre double de l'unité. Deux hommes. Deux francs. Deux et deux font quatre. Ils sont deux.• Jusques à quand aurons-nous deux consciences, deux mesures, deux balances, l'une en notre faveur, l'autre à la ruine du prochain ?, RAYNAL Hist. phil. XVIII, 32.Tous deux, tous les deux, locution qui signifie soit l'un et l'autre, soit ensemble. Allons-y tous deux. Ils sont partis tous les deux.• Vous me semblez tous deux fatigués du voyage, LA FONT. Phil. et Bauc..Familièrement. N'en faire ni un ni deux, n'en pas faire à deux fois, se décider sur-le-champ. Il ne fit ni un ni deux et croqua la poire.On dit aussi, au féminin, n'en faire ni une ni deux, en sous-entendant le mot fois.Cela est clair comme deux et deux font quatre, cela est évident.Il n'y a pas deux voix là-dessus, tout le monde est d'accord là-dessus.• Il n'y a pas deux voix sur ce personnage, LA BRUY. VIII.Deux à deux, par couples.• Considérez toutes les oeuvres du Très Haut, vous les trouverez ainsi deux à deux et opposées l'une à l'autre, SACI Bible, Ecclésiastique, XXXIII, 15.• Oh ! que ne viennent-ils, comme nous, deux à deux Habiter ici des cabanes !, FAVART Annette et Lubin, sc. 3.Marcher deux à deux comme frères mineurs, marcher en rang, en bon ordre.En deux, en deux parties.• C'est un magicien maladroit qui casse en deux sa baguette, DIDER. Salon de 1767, Oeuvres, t. XIV, p. 211, dans POUGENS..• Il [Burgoyne] avait conçu le dessein de réunir les troupes du Canada à celles de New-York par les rives de l'Hudson ; ce projet était grand et hardi ; s'il eût réussi, il coupait en deux l'Amérique septentrionale, et peut-être il terminait la guerre, RAYNAL Hist. phil. XVIII, 45.De deux en deux, se dit pour exprimer un retour périodique après deux (actes ou choses). De deux en deux ans il va visiter sa terre, c'est-à-dire que, chaque fois que deux ans sont écoulés, il s'y rend.Donner, piquer des deux, appuyer des deux éperons à la fois, c'est-à-dire exciter le plus possible le cheval, aller le plus vite possible.• Le drôle, ayant vu de loin tout le cas.... Donne des deux, gagne devant la nuit Château-Guillaume...., LA FONT. Orais..• Il donna des deux vers Bapaume, HAMILT. Gramm. 5.• Dès la première poste, le courrier donne des deux, s'échappe et arrive le premier, SAINT-SIMON 2, 37.Fig. Faire grande diligence. Piquer des deux pour réussir dans une affaire.Ce sont deux, ou, plus familièrement, ça fait deux, se dit dans la conversation pour exprimer que deux choses ne peuvent se comparer. Pour une armée, la Seine à passer ou un ruisseau ce sont deux.On dit dans le même sens : c'est deux. Promettre et tenir, c'est deux.2° Petit nombre indéterminé. J'ai deux mots à vous dire. Il n'est qu'à deux pas d'ici.• À moi, comte, deux mots, CORN. Cid, II, 2.3° Deuxième. Article deux. Page deux. Tome deux. Henri deux, roi de France. Catherine deux, impératrice de Russie.• Puis [il] souffre un coup avec grande constance ; Au deux il dit...., LA FONT. Pays..Dans les noms propres, où le cardinal est pris pour l'ordinal, on écrit plus ordinairement deux en chiffres : Henri II, Catherine II.4° Substantivement. Le produit de deux multiplié par deux.Le deux du mois, ou, simplement, le deux, le deuxième jour. Le deux de mars, de mai, ou, par abréviation, le deux mars, le deux mai. Voltaire mettait toujours la préposition de ; Racine l'omettait.Chiffre qui marque le nombre deux. Effacer, ajouter un deux. Ce deux est mal fait.Terme du jeu de cartes. Le deux de coeur, de pique, etc. la carte qui porte deux coeurs, deux piques, etc.Terme du jeu de dés. Le deux, la face du dé qui a deux points. Rafle de deux, coup de dés qui amène sur la face du deux tous les dés, quand on joue avec plusieurs dés.Terme du jeu de dominos. Le double deux, le domino sur lequel le point de deux est répété.Terme du jeu de trictrac. Amener le double deux, amener le deux sur chacun des deux dés.Terme de chasse. Le deux, sorte de plomb à tirer, moins gros que celui qui s'appelle l'un, et plus gros que celui qu'on nomme le trois. On emploie ordinairement le deux pour la chasse du lièvre.5° Terme de blason. Deux un, se dit de la disposition ordinaire de trois pièces en armoiries, dont deux sont vers le chef et une vers la pointe, comme les trois fleurs de lis de France.1. Il est difficile de se rendre un compte exact de la locution tous deux, tous les deux. Elle répond, pour le sens, à l'ancien français ambedui, nominatif, ambedeux, régime, et, par contraction, andui, andeux. Il semble que le pluriel tous joint à deux fait une sorte de contradiction ; car peut-on dire tous en parlant de deux ? Si on disait : allons-y deux, cela signifierait que nous sommes plusieurs et que deux d'entre nous vont y aller ; au lieu que allons-y tous les deux signifie que nous ne sommes que deux qui y allons l'un et l'autre. C'est pour exprimer cette nuance que, ayant perdu ambedui, on l'a remplacé en joignant tous avec deux ; adjonction qui a été facilitée par l'ancienne préposition à tout ou atout et qui signifiait ensemble. Cette locution, n'étant pas dans l'historique, paraît née dans le XVIIe siècle. Outre ambedui, qui est tout à fait ancien, on exprimait la même idée en joignant à deux le pronom personnel : allons-y nous deux ; ils y allaient eux deux ; et dans les vers de la Fontaine, cités ci-dessus, on aurait dit : Vous me semblez vous deux fatigués du voyage.2. Faut-il distinguer, avec certains grammairiens, tous deux et tous les deux ; allons-y tous deux, signifiant allons-y ensemble ; allons-y tous les deux, signifiant allons-y l'un et l'autre ? Il y a là, comme dans plusieurs synonymes, une différence grammaticale qui disparaît dans l'usage. Tous les deux a, grammaticalement, un sens emphatique que n'a pas tous deux. Mais ce sens emphatique dû à l'article a si peu d'importance dans le langage que personne n'y fait attention et qu'ainsi les deux locutions deviennent synonymes.XIe s.• Dous de vos contes al paien tramesistes, Ch. de Rol. XIV.• Li dui message [messagers] descendent au peron, ib. CXC.• Deus fasse hui entre nous dous le dreit !, ib. CCLXXXV.XIIe s.• En ces deus orent [eurent] paien mauvais voisin, Ronc. p. 51.• Si que la teste [il] lui fist en deus partir, ib. p. 74.XIIIe s.• Avec ces contes se croisierent dui moult haut baron de France, VILLEH. III.• Or [il] n'ot que deus enfans, n'est drois qu'on m'en desdie, Berte, II.• En tant que les deux tiennent Tybert le renié, ib. XXI.• Car deux larron venoient de marcheans guetier, ib. XXXVIII.• Bien surent les deux fille d'or et soie ouvrer, ib. LVII.• Vous deux dedens ma chambre ensemble [je] coucherai, ib. LVII.• Car puis fu par eus deus mainte gent essilie, ib. LX.• Cil dui sont mi enfant de vo fille ma drue [femme], ib. LXXX.• Or s'en vont li doi roi, n'i firent longue atente, ib. CXXXIV.• Par là, soit esté, soit ivers, S'encorent dui flueves divers, la Rose, 6004.• Puis furent doi et doi ensamble enchaïné ; Les puins detriers les dos lor ont estroit noé, Ch. d'Ant. I, 615.XIVe s.• Entre deux [pendant ce temps], les diz legaz commencierent à traitier diverses choses, BERCHEURE f° 28, verso..XVe s.• Se temps avoie dou parler, Et que ci fuissiemes nous doi, Je le vous diroie par foi, FROISS. Espinette amour..• Là furent du comte de Bouquenghen appelés Chandos et Aquitaine, doy rois d'armes, FROISS. II, II, 67.• Vostre conseil avoir m'en fault : L'advis de deux mieulx que d'un vault, CH. D'ORL. Réponse de Frédet..• Entre deux [entre nous], je ne vouldroye Estre en lieu où eüst joye, Com souloye, Car ma douleur doubleroit, CH. D'ORL. Rondeau..• Si ne lui cela guere ce qu'il avoit sur le coeur, et, sans aller de deux en trois, il demanda l'aumone amoureuse, LOUIS XI Nouv. XVIII.• Une femme de Paris a bien trouvé moyen de tyrer hors du Louvre Monseigneur de Ponts. Alors le bastard respondit : Le Louvre et la Bastide [Bastille], ce sont deux, Ms. relatif à Louis XI, Bibl. des Chartes, 4e série, t. I, p. 267.XVIe s.• Le secretaire fut si joyeux qu'encore qu'il eust la bouche parfaitement laide et grande en faisant de deux, la rendit si petite que l'on n'eust pas cuidé qu'il eust su mordre dedans le jambon, MARG. Nouv. XXVIII.• Ce n'est pas une ame, ce n'est pas un corps, qu'on dresse ; c'est un homme : il n'en fault pas faire à deux, MONT. I, 183.• Ils alloient deux à deux armez à cheval à la guerre [deux sur un cheval], MONT. I, 368.• Lors eulx deux ensemble mangent la proye, MONT. II, 196.• Et se sauvoient aucuns d'entre eulx nageans entre deux eaux, et s'en fuyoient, AMYOT Brutus, 39.• Le cavalier donnant des deux à son cheval, le rejetta une seconde fois par terre tout couvert de sang, D'AUB. Vie, XXVI.• Il demeura sur l'heure en suspens et, comme l'on dict, entre deux et as, s'il en devoit parler à son bon compere, CARL. II, 8.Picard, deusse ; provenç. dui au nominatif, dos au régime ; espagn. dos ; portug. dous, doas ; ital. duo, due ; du latin duo ; grec ; bas-breton, daou ; angl. two ; allem. zwei ; sanscrit, dva. Dans l'ancien français doi ou dui est le nominatif, et deus, dous le régime, du moins dans les textes corrects.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIREDEUX. - REM.3° La locution tous deux n'est pas aussi récente que le ferait croire le n° 1. Voy. tout, à l'HIST. XVIe s. où se trouve la locution tous deux.
Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. d'Émile Littré. 1872-1877.