dame

dame
dame 1.
(da-m') s. f.
   Titre qu'on donnait à la femme d'un seigneur, d'un châtelain, d'un chevalier, d'un gentilhomme, par opposition aux femmes mariées de la bourgeoisie qui ont porté pendant longtemps le nom de demoiselles.
   Fig.
   Le hibou fut trop heureux de se cacher dans son trou et d'épouser la chouette qui fut une digne dame du lieu, FÉN. t. XIX, p. 45.
   Titre qu'on donnait à la femme qui possédait une seigneurie.
   Celle qui a la seigneurie, l'autorité.
   Surtout soyez de vous la maîtresse et la dame, RÉGNIER Sat. XIII.
   Brevet de dame, brevet par lequel le roi conférait à une fille de qualité, non mariée, le titre de dame.
   Notre-Dame, nom donné par les chrétiens à la sainte Vierge.
   La femme noble à laquelle un chevalier consacrait ses soins. Combattre, mourir pour sa dame. La dame de ses pensées.
   Ces hommes qui prêtaient foi et hommage à leur Dieu, leur dame et leur roi, CHATEAUB. Génie, I, II, 2.
   Ah ! si ma dame me voyait, disait Fleuranges en montant le premier à l'assaut, SAINT-FOIX Ess. Paris, Oeuvres, t. IV, p. 173, dans POUGENS.
   La femme à qui l'on rend d'assidus hommages. Être dévoué, fidèle à sa dame.
   Quand on aime une dame sans égalité de condition...., PASC. Amour..
   Aujourd'hui, titre donné à toute femme mariée qui n'est pas de la dernière classe. C'est une dame fort estimable.
   Devenir dame, se marier.
   Par civilité et politesse, dame se dit de toutes les femmes, qu'elles soient mariées ou non. Être poli avec les dames. Dans ce bal, les toilettes des dames étaient fort élégantes.
   Rien ne pèse tant qu'un secret ; Le porter loin est difficile aux dames ; Et je sais même sur ce fait Bon nombre d'hommes qui sont femmes, LA FONT. Fabl. VIII, 6.
   Grande dame, dame appartenant à la haute société. C'est une grande dame. Faire la grande dame, affecter un luxe et des airs au-dessus de sa condition.
   Dame galante, femme d'une conduite légère.
   En courant la bague, en jouant à la paume, on disait que la première course, le premier coup étaient pour les dames, c'est-à-dire pour faire honneur aux dames, sans que le coup fût compté pour la course du prix ou pour le gain de la partie. Cela s'appelait à la paume Les dames, et à la dague La course pour les dames.
   Ce mot s'est employé souvent quand on parle des femmes de l'antiquité. Les dames carthaginoises coupèrent leurs cheveux en une nécessité publique pour faire des cordages aux navires.
   Répondez-moi, seigneur, comme dame romaine, CORN. Sertor. II, 2.
   .... Qu'on l'honore ici, mais en dame romaine, C'est-à-dire un peu plus qu'on n'honore la reine, CORN. Pomp. III, 4.
   Étant fille de Scipion l'Africain et veuve de Tibérius Gracchus, qui avait été deux fois consul et censeur, elle rejeta ses offres, et crut qu'il était plus honorable pour elle d'être une des premières dames de Rome, que d'être reine de Libye avec Phycon, ROLLIN Hist. anc. Oeuvres, t. IX, p. 296, dans POUGENS.
   Son avidité, par des lois inhumaines, Impose des tributs jusqu'aux dames romaines, VOLT. Triumv. IV, 2.
   Titre d'honneur ou d'office donné à certaines femmes. Les dames de France, les filles du roi.
   Titre donné à certaines religieuses et aux chanoinesses. Les dames du Sacré-Coeur. Les dames de Longchamp. Les dames chanoinesses de Remiremont. Les dames du choeur, les mères qui siégent au choeur, par opposition aux soeurs converses et aux novices.
   Dames de charité, dames qui, dans l'étendue d'une paroisse, d'un quartier, forment une association chargée de recueillir et de distribuer les aumônes.
   Nos compliments à vos dames de la charité ; elles m'ont bien remercié de ce que vous avez fait pour elles, MAINTENON Lett. d'Aubigné, 15 oct. 1682.
   Dame du lit, dame du palais, dame d'honneur, dame d'atour, dame de compagnie, femmes de qualité qui remplissent diverses fonctions auprès des reines et des princesses.
   Fig.
   Plus l'obstacle est puissant, plus on reçoit de gloire, Et les difficultés dont on est combattu, Sont les dames d'atour qui parent la vertu, MOL. l'Étour. V, 11.
   Dame de compagnie, se dit aussi d'une dame qui demeure dans une maison pour y tenir compagnie à une autre dame ou pour faire les honneurs de la maison d'un homme âgé, et qui, bien que payée pour cela, est dans une sorte d'égalité avec les maîtres de la maison.
   On se servait, et on se sert encore, mais rarement, de ce mot par civilité en parlant aux femmes du petit peuple, et en y ajoutant leur nom propre : Dame Barbe, faites-moi ce plaisir, je vous prie ; de là il est passé dans le langage familier et le style badin.
   Car la dame Indignation Est une forte passion, RÉGNIER Ép. III.
   Du palais d'un jeune lapin Dame belette, un beau matin, S'empara : c'est une rusée, LA FONT. Fabl. VII, 16.
   Les dames de la halle, la corporation des marchandes de fruits, de légumes ou de poissons.
   Terme de pratique. La dame une telle. La susdite dame.
   Dames blanches, êtres surnaturels dans les anciennes croyances des Écossais et des Allemands.
   Figure du jeu de cartes. La dame de coeur. La dame de pique. Un brelan de dames.
10°   Aux échecs, la pièce la plus considérable après le roi, et qui réunit les deux marches du fou et de la tour, c'est-à-dire qu'elle peut parcourir tout l'échiquier, soit carrément, soit en diagonale, à moins qu'une autre pièce ne l'arrête. On dit également la reine.
   Parbleu ! Dorval a perdu sa dame ; il joue son roi, je prends sa dame, GOLDONI Bourru bienfais. I, 7.
   Aller à dame, se dit, aux échecs, d'un pion qui, poussé jusqu'au dernier rang des cases de l'adversaire, devient dame et remplace la dame qui avait été perdue auparavant dans le cours de la partie.
   Chez les unes [nations], le roi [aux échecs] peut faire deux pas, chez d'autres il n'en fait qu'un ; ici on va à dame, là on n'y va pas, VOLT. Sing. 31.
11°   Jeu de dames, jeu qui se joue sur l'échiquier avec 24 petites rondelles toutes semblables, les unes blanches, les autres noires. Chaque joueur en a douze. Le jeu de dames à la polonaise, beaucoup plus usité aujourd'hui, se joue sur un damier ou échiquier de 100 cases ; il y a alors 40 rondelles, et chaque joueur en a 20. Ces rondelles s'appellent en général des dames, mais plus exactement des pions. La dame est le pion mené sur une des cases de la rangée qui est du côté de l'adversaire ; on le couvre d'un autre pion d'entre ceux qui ont été déjà pris, et alors il peut parcourir tout le damier en diagonale comme la reine ou dame des échecs, au lieu de faire un pas seulement comme les pions ordinaires. Cette circonstance, empruntée au jeu des échecs, est probablement l'origine du nom de jeu de dames, jeu que l'on prétend avoir été inventé à Paris, vers l'époque de la régence, par un Polonais qui s'y trouvait alors.
   Aller à dame, mener un pion à dame, conduire un de ses pions sur une des cases de la dernière rangée du côté de l'adversaire ; on dit alors que le pion devient dame damée, ou, simplement, dame. Prendre une dame. Battre une dame, la mettre en prise.
   Aux échecs et aux dames, dame touchée, dame jouée, c'est-à-dire que, dès qu'on a touché une pièce, on est obligé de la jouer.
12°   Au jeu de trictrac, nom des rondelles avec lesquelles on joue. Dame découverte, dame placée seule sur une flèche. Dame surnuméraire. la 3e dame placée sur une case déjà faite. Dame passée, celle qui ne peut plus servir à faire le plein.
   Dames rabattues, sorte de jeu différent du trictrac, mais qui se joue avec les mêmes pièces.
13°   Nom vulgaire de différents oiseaux : le grèbe huppé, l'effraye, la hulotte, la mésange.
   Belle-dame ou bonne-dame, nom d'un papillon.
14°   Terme de botanique. Dame d'onze heures, plante liliacée à fleurs blanches qui ont l'extérieur des pétales vert.
   Belle-dame ou bonne-dame, l'arroche des jardins.
15°   Masse dont se servent les paveurs et autres ouvriers pour battre et enfoncer. On dit plutôt demoiselle ; le nom propre est hie.
   Pièce de fonte qui ferme la porte du creuset dans les grosses forges.
16°   Terme de marine. Nom de deux chevilles de fer plantées sur l'arrière d'une embarcation de chaque côté d'un grelin pour le fixer.
   Doubles tolets plats servant à retenir les avirons qui n'ont pas d'estropes.
17°   Terme d'astrologie judiciaire. On dit d'une planète qui domine dans un thème céleste, qu'elle est dame de l'ascendant.
18°   En langage de matrones, chargées jadis de faire des rapports, dame signifiait la partie moyenne de la membrane hymen.
   XIe s.
   Pur sa bealté dames lui sont amies, Ch. de Rol. LXXV.
   XIIe s.
   Et tantes dames veuves de lor maris, Ronc. p. 72.
   Mais à dame de valor Doit on penser nuit et jor, Couci, I.
   Et se je truis [trouve] ma dame o le douz nom Pleine d'orgueil et dame sans guerdon, ib. II.
   Bele dame me prie de chanter, ib. X.
   Aussi comme en la mer est puissanz la baleine, Sur tous autres poissons est dame et chastelaine, Sax. XXX.
   Les gentix dame, chascune ot son sautier, Et si faisoient le dame Dieu mestier [le service du Seigneur Dieu], Raoul de Cambrai, 52.
   XIIIe s.
   Dame, ce dist Pepins, on ne doit pas douter, Berte, III.
   [La serve] En la chambre s'en va [à] Berte sa dame dire, ib. XIV.
   De tel geu, com l'en fait des mains, Estoit-ele dame et il mestre., Lai de l'ombre.
   Et n'est de nulle riens certaine, Ains met les amans en grant paine, Et se fait d'aus [d'eux] dame et mestresse, Mains en deçoit par sa promesse, la Rose, 4083.
   Se li empereres de Romme, Sous qui doivent estre tuit homme, Me daignoit voloir prendre à fame, Et faire moi du monde dame...., ib. 8860.
   Se elle est dame, qu'ele y envoit chevalier, et s'ele est demoiselle, que elle y envoit escuier, BEAUMANOIR XXIX, 19.
   Et lor disoit que les autres bones viles s'estoient accordées privéement, qu'eles ne vcloient plus estre en obeissance du seigneur, et seroit cascune vile dame de soi, BEAUMANOIR XXX, 63.
   À vous toz faiz-je ma clamor D'ypocrisie, Cousine germaine Heresie, Qui bien à la terre saisie ; Tant est grant dame, Qu'ele en enfer metra mainte ame, RUTEB. 203.
   Wide chambre fait fole dame, LEROUX DE LINCY Prov. t. I, p. 213.
   On sert le chien por le seignor ; Et por l'amor le chevalier Baise la dame l'escuier, HERBERS Dolopathos, dans LEROUX DE LINCY, t. II, p. 489.
   XVe s.
   Et [les Gantois à Dam] mirent femmes et enfants prisonniers dedans le moustier, et proprement ils firent entrer les dames chevaleresses, FROISS. II, II, 232.
   Sa dame de mere lui acordoit tout ce qu'il disoit...., FROISS. I, I, 100.
   .... Et obeiroient à li comme à leur dame, et à son fils comme à leur seigneur, FROISS. I, I, 9.
   À ce propos raconte Valere de Scipion que il fit Rome dame de Carthage et du pays d'Afrique, Bouciq. III, ch. 13.
   XVIe s.
   Dame qui moult se mire peu file, LER. DE LINCY, Prov. t. I, p. 213.
   Bourguig. daime ; provenç. dama, et plus habituellement dompna, domna, dona et par abréviation na, et encore dons ; espagn. doña et dueña ; ital donna ; du latin domina. Le changement de l'o en a n'est pas très rare dans l'ancien français : en pour on, dam pour dom, etc. On trouve quelquefois dome : XIIIe s.
   L'aumone que ma dome Teeline aveit fait à De [Dieu] e aus hospitaulers, Bibl. des Ch. 3e série, t. V, p. 87.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1. DAME.
   Ajoutez : Notre-Dame, voy. notre-dame.
   1. Une locution de mauvais usage est de dire sa dame pour sa femme : Il est venu avec sa dame.
   2. Dans les chemins de fer, aux arrêts, on lit : Côté des dames, Côté des hommes. Il faudrait côté des femmes, ou, si l'on dit côté des dames, il faudrait dire côté des messieurs.
————————
dame 2.
(da-m') interj.
Interjection explétive qui est une formule d'affirmation, comme hercle en latin. Mais, dame, oui. Oh ! dame, non.
   Ah ! dame, vous m'en direz tant ! Oh ! dame, interrompez - moi donc !, MOL. D. Juan, III, 1.
   Dame ! quand on est belle, on ne l'est pas pour rien, HAUTEROCHE Bourg. de qualité, I, 4.
   Dame ! je ne sais pas si bien mentir que vous, BOURSAULT Merc. gal. I, 3.
   Si elle est devenue si glorieuse, dame, je ne saurais que faire, MARIVAUX Marianne, 5e part. t. II, p. 234.
   Dame ! oui, je lui dis tout.... hors ce qu'il faut lui taire, BEAUMARCHAIS Mar. de Fig. III, 9.
   Oh ! dame ! c'est une Française, cela se vend bien, tout le monde m'en demande, CHAMPFORT Marchand de Smyrne, sc. 8.
   Enfin te tairas-tu ? - Dame ! on défend ses droits, COL. D'HARLEV Malice pour malice, I, 8.
   Dame s'est dit au masculin (voy. l'historique de DOM) pour seigneur ; dame Dieu est continuellement dans les anciens textes ; et dame Dieu ou, simplement, dame, est devenu une interjection comme seigneur Dieu ou seigneur ; c'est cet emploi fréquent de dame Dieu qui fait penser que dame, interjection, vient de dame masculin et non de dame féminin (Notre-Dame, la sainte vierge). Dame, s. m. vient de dominus, comme dame, s. f. vient de domina.
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dame 3.
(da-m') s. f.
Terme d'architecture hydraulique. Nom qu'on donne, en creusant les terres, particulièrement pour un canal, à de petites digues qu'on laisse d'espace en espace pour arrêter l'eau qui s'y trouve, ou à de petites langues de terre qu'on conserve dans d'autres vues.
   Terme de ponts et chaussées. Petits cônes de terre laissés dans les fouilles pour servir de témoins lors du métré des déblais.
   Terme d'art militaire. Dame de mine, masse de terre qui est restée debout après une explosion. Dame de fortification, petite tour à centre plein, en maçonnerie, qui surmonte le milieu d'un bâtardeau de fossé inondé.
   Allem. Damm, digue.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré. . 1872-1877.

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